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Ambiguïté du discours gouvernemental sur l’éducation

Il y a plusieurs années déjà que l’on nous indique que le Canada et les autres pays industrialisés sont à l’ère de l’économie du savoir, que les emplois se retrouveront davantage dans des secteurs à forte valeur ajoutée, d’où l’importance qu’a prise l’éducation aux yeux des entreprises et du gouvernement. D’autre part, les statistiques nous indiquent régulièrement que, plus on est scolarisé, moins on a de risque de chômer et meilleur est le salaire.

Dans ce contexte, on ne peut qu’adhérer aux différents plans de lutte au décrochage scolaire mis en place dans toutes les régions du Québec et chapeautés par le Plan de la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) déposé en 2009 et intitulé L’école, j’y tiens ! Tous ensemble pour la réussite scolaire.

En tant que démocrates, nous y souscrivons d’autant plus que, pour nous, l’éducation est plus qu’une préparation à un futur métier, elle est une source de liberté, d’indépendance et de culture. C’est pourquoi le premier élément de ce plan qui est de valoriser l’éducation et la persévérance scolaire à l’échelle du Québec est essentiel.

La hausse des frais de scolarité

Le discours du gouvernement et surtout ses actions concernant les frais de scolarité à l’université ne vont pas dans le même sens. En voulant imposer aux étudiantes et aux étudiants une hausse de 75 % sur cinq ans, ce qui fera grimper les frais à 3793 $ par année en 2017, le gouvernement prétend – de façon odieuse –  qu’il s’agit pour eux de faire leur « juste » part, alors qu’il sait pertinemment que cela aura un impact important sur la fréquentation scolaire et surtout sur le profil socio-économique de ceux et celles qui pourront dorénavant se permettre des études universitaires.

Une enquête de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) démontre que 65 % des jeunes finissent leur bac avec une dette moyenne de 14 000 $, dette qui monte à plus de 20 000 $ pour un étudiant sur quatre. On sait aussi que seulement 20 % des étudiants se qualifient pour le système de prêts-bourses, car le gouvernement considère que les parents doivent contribuer aux études de leur enfant.

Les fédérations étudiantes ont calculé qu’une famille sur deux dont le revenu se situe entre 30 000 et 60 000 $ ne contribue pas aux études universitaires de son enfant, sans doute parce qu’elle n’en a pas les moyens.

En fait, cette hausse des frais de scolarité non seulement amènera des jeunes à abandonner leurs études supérieures, mais aura une influence en amont : elle amènera les jeunes des classes populaires à restreindre leurs aspirations scolaires et à se dire, l’université, ce n’est pas pour moi.

Rappelons-nous que la mise en place des cégeps gratuits à la fin des années 1960 a fait monter les aspirations scolaires des Québécoises et des Québécois. Certains avaient alors craint que la création de cet ordre d’enseignement, en amenant deux moments de rupture sur la route vers l’université (secondaire, cégep, université) plutôt qu’un seul (cours classique, université), ne décourage les jeunes à continuer leurs études.

Les faits allaient leur donner tort. L’influence de la gratuité du cégep, appuyée par un contexte de valorisation de l’éducation, fut prépondérante et cela a permis au Québec de rattraper son retard en termes de scolarité postsecondaire.

Le discours de la surqualification

Le discours du gouvernement sur l’éducation est également difficile à suivre dans le dossier de l’adéquation formation-emploi. Au printemps 2011, il a tenu 17 colloques régionaux couronnés par un forum national les 13-14 juin sur les liens qu’il doit y avoir entre la formation des travailleuses et travailleurs et les besoins du marché du travail. C’est dans ce contexte que la question de la surqualification est apparue.

Ce terme circulait depuis quelque temps en référence à la situation de certains immigrants qui occupent des emplois ne correspondant pas à leur compétence, par exemple un médecin qui travaille comme chauffeur de taxi, mais la surqualification en général fut présentée comme l’une des quatre problématiques à considérer lors des colloques. Treize pistes d’action ont été annoncées à la suite du forum national. Certaines sont significatives à la lumière de ce que nous venons d’exposer. Nommons:

  • la priorité aux besoins de formation professionnelle et technique,
  • la reconnaissance officielle de l’attestation d’études professionnelles (AEP) qui constitue une certification moins qualifiante que le Diplôme d’études professionnelles (DEP),
  • et les projets pilotes dans les cégeps pour de nouveaux programmes d’études techniques séparés en modules que l’on peut faire de façon séparée dans le temps.

De plus, les documents du gouvernement parlent constamment de la nécessaire flexibilité des programmes afin de répondre rapidement aux besoins changeants du marché du travail. Si on fait le lien avec les prévisions de main-d’œuvre d’Emploi-Québec qui indiquent que plus de 70 à 80 % des emplois d’ici 2019 se retrouveront dans le secteur des services (commerce de détail, hébergement, restauration, etc.), un secteur où le niveau de scolarité exigé n’appartient généralement pas à l’enseignement supérieur, l’hypothèse d’une volonté d’abaisser les aspirations scolaires de la classe moyenne et des familles des milieux défavorisés prend du poids.

N’a-t-on pas vu cet automne le MELS refuser d’augmenter le nombre de places dans les cégeps, notamment dans la grande région de Montréal, alors que les demandes d’inscription étaient là ? A-t-on vu par contre les écoles privées, financées à 60 % par nos impôts, se faire solliciter de quelque manière que ce soit pour répondre aux besoins de la main-d’œuvre, par exemple en faisant connaître les programmes de formation professionnelle à leurs élèves, alors qu’une campagne de promotion de la formation professionnelle s’effectue dans le système public ?

On se doit de dénoncer les actions et le discours ambigus, pour ne pas dire élitistes, du gouvernement sur l’éducation. Il faut résister à ses attaques contre les acquis de la Révolution tranquille sur le plan de la démocratisation scolaire au Québec et dire non aux hausses des droits de scolarité universitaire. Enfin, il faut démasquer le travail de sape, pour ne pas dire de détournement, qu’il effectue auprès de la multitude de personnes qui se sont engagées de bonne foi dans la lutte au décrochage scolaire.

27 février 2012

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