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Transition et monde du travail

 DOMINIQUE DAIGNEAULT, Presse-toi-à-gauche, 7 septembre

Les consensus scientifiques sont clairs : nous faisons déjà face aux conséquences des dérèglements climatiques. Les sécheresses menacent notre sécurité alimentaire. Des maladies apparaissent là où on ne les attendait pas. La fonte du pergélisol et des glaciers s’accélère. Les canicules et les feux de forêt détruisent des vies humaines et ravagent des territoires. La vague de chaleur sans précédent qui a affligé l’Ouest canadien au début de l’été 2021 en est d’ailleurs un exemple éloquent.

À Lytton, un village au nord-est de Vancouver, on a enregistré la plus haute température de l’histoire canadienne, soit 49,5 °C. Plus de doute possible : nous devons agir dès à présent pour atteindre la carboneutralité le plus rapidement possible afin d’atténuer les conséquences de la crise climatique.

Transition et monde du travail

La transition vers une économie sobre en carbone nécessite des transformations profondes et urgentes dont les conséquences sur le monde du travail seront considérables. Ni les travailleuses ni les travailleurs ne doivent en faire les frais. C’est dans cette perspective qu’en 2009, la Confédération syndicale internationale développait et proposait à l’ONU le concept de transition juste, stipulant que la transition énergétique ne devait pas se faire au détriment de la justice sociale.

Ce concept a été repris par les mouvements syndicaux partout sur la planète et progressivement adopté par un grand nombre de mouvements environnementaux dont, au Québec, le Front commun pour la transition énergétique. En 2015, l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté les Principes directeurs de la transition juste, qui mettent en exergue le dialogue social, la protection sociale, le droit au travail décent et le droit à l’emploi. Nous devons adapter ces principes aux réalités québécoises pour chacun des secteurs d’activités et chacune des régions.

La transition juste prend en compte plusieurs angles morts des programmes de réduction de l’empreinte carbone, notamment ceux qui touchent les travailleurs et travailleuses dont les emplois dépendent d’industries à hautes émissions de GES. Les gouvernements et les entreprises doivent développer les moyens nécessaires pour que les gens puissent faire face aux conséquences de tous ordres générées par la transition énergétique.

Les travailleuses et les travailleurs concernés, ainsi que les organisations syndicales qui les représentent, doivent pouvoir contribuer à la recherche et à la mise en place de solutions tant pour la réduction des GES que pour répondre à divers besoins, tels que la requalification et la réorientation des personnes qui pourraient perdre leur emploi ou voir celui-ci se transformer radicalement.

Emplois d’utilité sociale et environnementale

Les répercussions de la transition énergétique iront bien au-delà du secteur de l’énergie : elles toucheront l’ensemble de l’économie et toutes les sphères de nos vies. Ainsi, favoriser le développement d’emplois d’utilité sociale et environnementale, dont les services publics, s’inscrit dans une perspective de transition juste.

Le renforcement de la qualité et de l’accessibilité des services publics rendra le Québec plus résilient face aux crises. D’ailleurs, une part importante des travailleurs et travailleuses des services publics et des groupes communautaires est appelée à voir sa charge de travail augmenter, tant en raison des impacts du réchauffement climatique que des initiatives de transition qui risquent d’exercer une forte pression sur les besoins.

Cette transformation ne doit pas servir de prétexte à l’instauration de politiques d’austérité non plus qu’à la marchandisation et à la privatisation des services publics, ceux-ci constituant l’un des principaux leviers de transition dont dispose l’État.

Transformer les milieux de vie sans reproduire les inégalités sociales

La transition énergétique ne doit pas non plus être à la source d’une augmentation des inégalités sociales ou d’une précarisation accrue des populations déjà vulnérables ou marginalisées. Au contraire, nous devons profiter de l’occasion pour améliorer les conditions de vie des gens et de leurs communautés.

Une transition juste vise à transformer les milieux de vie sans reproduire les inégalités sociales. À l’heure actuelle, les perturbations des écosystèmes frappent plus durement les personnes vulnérables et marginalisées, ainsi que les communautés autochtones. Les catastrophes naturelles augmentent le nombre de personnes réfugiées climatiques. Les changements climatiques comportent également des enjeux d’équité intergénérationnelle. Dans quel état laisserons-nous la planète aux jeunes générations, actuelles et futures ?

La transition énergétique nous amènera à revoir nos façons de vivre. Il serait injuste de faire reposer le poids de ces changements sur le travail invisible, précaire et non reconnu de groupes qui sont déjà victimes de discrimination.

Par exemple, ce sont souvent des femmes qui veillent aux tâches invisibles. C’est pourquoi il est primordial d’intégrer l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) ou l’analyse différenciée selon les sexes plus (ADS+) dans la recherche de solutions à la crise climatique. Comprendre et documenter les conséquences de nos décisions sur les femmes, et surtout les femmes dans les marges, est essentiel à une transition juste.

Équité fiscale, réglementaire et tarifaire

Même si nous devons agir rapidement, il faut veiller à ce que les mesures prises pour juguler la crise climatique soient progressives et non régressives. Notamment, pour soutenir une transition énergétique juste, les gouvernements devront revoir les politiques fiscales afin que celles-ci découragent les émissions de GES tout en étant porteuses d’une meilleure redistribution des richesses. De même, de nouvelles mesures réglementaires et tarifaires devront être adoptées pour soutenir la transition. Il sera essentiel d’en évaluer les impacts sociaux afin d’éviter qu’elles aient des répercussions démesurées sur les groupes les moins nantis qui sont ceux qui contribuent le moins aux changements climatiques.

La transition peut être l’occasion de construire une société plus résiliente où la richesse sera mieux distribuée. À nous de la saisir.

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