À la veille de la Première Guerre mondiale, la IIe Internationale, ou l’Internationale ouvrière, représentait une force politique impressionnante. Elle regroupait des millions de membres en Europe et était représentée par des centaines de députés dans les parlements. Jusqu’en juillet 1914, les principaux partis sociaux-démocrates répétèrent le serment de s’opposer à la guerre par tous les moyens (ce serment avait été énoncé dans le congrès de Stuttgart en 1907 puis réaffirmé dans ceux de Copenhague en 1910 et de Bâle en 1912). Puis, le 1er août, sous prétexte de défense nationale, la social-démocratie appuya pratiquement partout l’entreprise de brigandage de sa propre bourgeoisie impérialiste. Ce fut « l’Union sacré ». La IIe Internationale était morte comme organisation révolutionnaire, comme instrument internationaliste de lutte contre le capitalisme. Elle avait non seulement trahi son rôle historique, mais également ses propres prises de position contre la guerre.
Pendant le carnage, les internationalistes se regroupèrent à Zimmerwald (1915) et à Kienthal (1916) et proclamèrent la nécessité d’une nouvelle Internationale. La notion de révolution mondiale, qui avait vaguement flotté à l’arrière-plan du socialisme marxiste avant 1914, comme une réminiscence des révolutions de 1848 en Europe (où Marx élabora le concept de révolution permanente ou mondiale) acquit une actualité brulante dans le cadre de la prise de conscience de l’unité organique, quoique hiérarchisée et contradictoire, de l’économie mondiale telle que forgée par l’impérialisme. Car, comme l’a montré depuis les processus révolutionnaires, il y a enchevêtrement des révolutions « nationales », en faveur d’une dynamique d’ensemble ; et elles se heurtent à l’intervention internationale de la réaction.
C’est sur cette base, c’est-à-dire à partir de la réalité complexe de la lutte des classes internationales, qu’a été créée la IIIe Internationale, ou l’Internationale communiste, en 1919, comme moyen d’unifier les révolutionnaires dans leur lutte contre le capitalisme mondial. Tirant les leçons du désastre social-démocrate, dont l’absence de centralisation politique (la IIe Internationale était une fédération lâche de partis), la IIIe Internationale s’est constituée sur la base d’une centralisation démocratique communément acceptée. Et à l’ère de l’impérialisme, cela impliqua de nouvelles tâches dans la lutte contre le système, notamment celle de la libération peuples opprimés des colonies et des semi-colonies, question sur laquelle avait complètement failli la IIe Internationale.
La révolution russe de 1917 était considérée par Lénine comme la rupture du maillon le plus faible de la chaine impérialiste et comme le premier moment de la révolution mondiale.
Toutefois, l’échec de la révolution mondiale en Hongrie, en Allemagne, en Finlande, en Italie, etc., laissa isolée la révolution russe qui, bien que victorieuse de la réaction internationale (14 corps d’armées étrangères sont intervenus aux côtés des Blancs contre les Rouges pendant la guerre civile) était exsangue. Les transformations sociales et politiques dramatiques en Union soviétique même eurent pour effet que l’idée de révolution mondiale céda la place, dès 1924, à celle de la construction du socialisme dans un seul et unique pays. L’internationalisme cédait la place au patriotisme soviétique puis russe. Dès lors l’internationale n’avait plus aucune fonction et elle fut dissoute en 1943, au beau milieu de la Deuxième Guerre mondiale.
Notre présentation traitera du concept de révolution mondiale à la fois conceptuellement et historiquement. On se concentrera sur les dynamiques révolutionnaires et contrerévolutionnaires (fascismes) de l’entre deux guerres. On conclura sur la question de l’internationalisme, clé de voute de la stratégie révolutionnaire, et son actualité face à la mondialisation néolibérale.