La « guerre de position »

Gramsci avait utilisé cette image dans ses «Lettres de prison» pour décrire les contradictions du mouvement social ascendant en Europe du vingtième siècle, qui était cependant dans une impasse. Le «coup fumant» de la révolution russe, pensait Gramsci, ne pouvait tout simplement pas être répété : la structure de classe européenne était en mesure de résister aux coups de boutoir et la rupture révolutionnaire n’était pas à l’ordre du jour. D’une «guerre de mouvement» offensive et jusqu’au-boutiste comme l’avaient défini les militants russes, le mouvement devait bifurquer et passer  à une «guerre de position».  Celle-ci impliquait un mouvement lent, un grignotage des positions de l’adversaire, une longue série de combats laborieux, épuisants, aussi bien sur le plan des forces que sur le plan des idées.

Dans cette vision, l’État contrairement à une perception bien ancrée n’était pas un «objet» ou un «lieu» à capturer tel un «palais d’hiver», mais un rapport multidimensionnel de forces à transformer. Aujourd’hui une nouvelle exploration du thème s’impose. Intuitivement, le mouvement social sait qu’il doit éviter la défaite et trouver une façon de garder ses forces, son ascendant moral, et de maintenir ses efforts pour construire une nouvelle hégémonie.

Envahir les tranchées de l’adversaire

Aux confins de la planète se jouent des enjeux considérables. Au Népal par exemple, un mouvement paysan organisé par un parti qui se définit comme maoïste est parvenu aux portes du pouvoir. Aux portes seulement, car son leadership a l’intelligence de constater que la rupture est hors de portée. Pas seulement sur une base strictement militaire. Mais du fait que la montée des groupes subalternes (paysans, minorités ethniques, femmes) que représente cette coalition doit politiquement se négocier un espace avec une fraction des dominants et une partie des classes populaires urbaines.

Les formidables avancées du mouvement populaire ont réussi en renversant la dictature à transformer le rapport de forces. Le mouvement des subalternes, essentiellement composé de paysans armés ne se présente pas «en ville» les «mains vides». Il entoure, tant géographiquement que politiquement, la ville qui n’est pas seulement une urbanité mais aussi une culture, un rapport social et une manière de gérer le pouvoir. Il cherche à détacher de cet espace des classes populaires semi-prolétarisées pour leur proposer une autre utopie. C’est bien sûr un immense pari qui peut débouler en sens inverse et rien n’est donné d’avance.

 

 

 

Article précédent
Article suivant

Articles récents de la revue