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Pourquoi une université populaire ?

Pourquoi une université populaire ?

 

Les NCS organisent prochainement une 4e édition de son Université populaire. L’évènement est en fait co-organisé avec plusieurs réseaux, associations et organisations représentant la riche densité du mouvement populaire au Québec.

 

L’Université populaire prend son sens sur deux registres inter-reliés, celui de la pensée critique d’une part, et celui de la lutte populaire d’autre part.

 

D’où viennent les idées justes ?

 

En ce qui concerne la pensée critique, l’Université populaire part du principe que la production de savoirs et de connaissances n’est pas l’apanage d’institutions spécialisées (notamment les universités), mais ressort d’un travail intellectuel et scientifique en cours dans et par les mouvements populaires. En effet, les mouvements sont des producteurs d’idées. Ils investissent dans de vastes enquêtes et explorations pour décortiquer le réel. Ils enregistrent des données avec lesquels ils produisent des synthèses extrêmement riches, ancrées sur les pratiques sociales. Ils s’engagent dans des débats de société fondamentaux où s’exprime sur des questions économiques, politiques, environnementales, le point de vue des dominés.

 

De manière générale, les « idées justes » proviennent toujours, dans leur avènement, des pratiques sociales. De cette naissance se développent des processus d’analyse et de synthèse desquels des savoirs émergent, dans un va-et-vient constant entre théorie et pratique.  La théorie n’est jamais « désincarnée », dans une tour d’ivoire quelconque. La pratique également doit revenir sur elle-même, entrer dans la complexité des structures plus ou moins visibles, et permettre l’élaboration de connaissances et de méthodologies toujours plus avancées.

 

Pour les mouvements populaires, cette production de savoirs est partisane, elle n’est ni neutre ni « en dehors » des pratiques sociales en question. C’est une production de savoirs orientée vers la résistance et la construction d’alternatives, face à un monde où les dominants cherchent constamment à disloquer, à éparpiller et à réduire des mouvements. C’est également un processus facilité par l’interaction entre divers types d’intellectuelLEs, ceux des mouvements populaires d’une part, et ceux du monde de la recherche et de l’enseignement d’autre part, dans un rapport qui est profondément politique et dont les frontières ont été élaborées initialement par des chercheurEs-militantEs comme Marx, Rosa Luxembourg, Gramsci, Pierre Bourdieu et tant d’autres. Ce dialogue est exigeant. Il vise à faciliter la construction d’une nouvelle subjectivité par et pour les acteurs du changement. Il  doit être alimenté par des efforts constants, dont l’université populaire des NCS est une composante.

 

L’Université populaire et le « moment » politique

 

Un deuxième registre de considérations motivant l’importance de l’Université populaire est lié à la conjoncture actuelle où les mouvements populaires sont interpellés. Depuis quelques années, les mouvements ont construit leur identité et leur force, ce qui a abouti à la vaste mobilisation des Carrés rouges. Un an plus tard, les dominants en tremblent encore. Les politiciens de droite, les intellectuels de service, les médias-poubelles ne cessent de déverser des torrents de haine et de mépris sur cette confrontation qui a permis aux mouvements populaires de faire reculer les dominants et de gagner, dans une certaine mesure, la « bataille des idées ». Précédemment, d’autres jalons importants ont marqué cette avancée (pensons notamment à la Marche des femmes (1995 et 2000) et au Sommet des peuples des Amériques (2011), sans compter les splendides résistances animées par les étudiantEs, les écologistes, les syndicalistes, les féministes depuis plus de dix ans maintenant.  Le mouvement populaire au Québec exprime une force dont il est fier, à juste titre. Un peu partout dans le monde, le Québec est vu comme une terre de révolte créative, de dignité et de solidarité. Ce n’est pas rien !

 

En même temps, le mouvement populaire est fragile. Les dominants sont acharnés et déterminés. Ils ratissent large et dévoient des forces sociales et politiques pour leur faire accepter l’inacceptable, comme on le constate maintenant avec le PQ. Ils déploient également de nouvelles stratégies répressives pour punir, surveiller, contrôler, sur la base de l’idéologie terrorisante du tout-le-monde-contre-tout-le-monde, qui cible et profile les « autres » (immigrantEs, réfugiéEs, dissidentEs de toutes sortes). Ils imaginent à chaque jour de nouveaux moyens pour continuer la prédation et le pillage des richesses produites par le peuple. Dans leur obsessive quête de l’accumulation pour l’accumulation, ils mettent notre terre Pachamama en danger. Avec leurs immenses moyens médiatiques, ils essaient sans cesse de  décourager et de discréditer ceux et celles qui se battent pour le changement.

 

Devant cela, les résistances sont également acharnées et continuent. Elles explorent de nouveaux chemins, construisent de nouvelles convergences, imaginent comment envahir l’espace politique et social avec des réelles alternatives. Cette animation est difficile, parsemée d’embûches, et elle requiert un sérieux investissement intellectuel, au-delà des sentiers sans issue du dogmatisme et du je-sais-tout-isme, en puisant, de manière créative, dans ce qu’ont léguées les générations précédentes et en créant de nouvelles connaissances et de nouvelles conceptualisations.

 

Interpellations

 

Avec tout cela, l’Université populaire sera un moment et un lieu de multiples interpellations, articulées par plusieurs voix et perspectives :

 

  • Comment faire converger davantage les luttes au niveau local, municipal, national et même international ?
  • Comment changer les rapports de forces réels et, osons le dire, vaincre, dans la lignée des Carrés rouges, du printemps arabe, de Idle no More, des mouvements Occupy, et de tant d’autres mobilisations amples et unificatrices ?
  • Comment investir dans le politique sans résignation ni romantisme, en étant capable de déployer de vastes alliances et de construire un projet contre-hégémonique ?
  • Quelles sont les nouveaux sentiers qui s’ouvrent aux luttes pour l’émancipation, sur la base de la justice sociale, de la démocratie, de la dignité et du respect ?
  • Comment renforcer les méthodologies et les outils dont le mouvement populaire dispose dans son travail intellectuel pour élaborer les alternatives ?

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