Des dynamiques distinctes
La gauche sociale du « Reste du Canada » (ROC) est faible, fragmentée sur une base provinciale et concentrée dans les principales villes. Elle n’a pas de perspective globalisante. Pour cette gauche, la défense du droit à l’autodétermination se manifeste par un appui réservé aux Premières Nations, et son support à l’autodétermination du Québec reste marginal. Ce blocage repose sur le refus de tenir une réflexion et de prendre position sur la réalité du fédéralisme canadien. La dispersion et la fragmentation des luttes sociales et de cette gauche constituent la base matérielle sur laquelle repose cette attitude. Le Québec, pour sa part, est un maillon faible de l’État canadien en raison de son double statut de province et de territoire national d’un peuple opprimé dans cet État. Cette situation assure un cadre national à la résistance populaire qui facilite la centralisation, le renforcement et l’impact des luttes sociales. Au Québec, le mouvement souverainiste dirigé par le Parti québécois (PQ) qui a structuré le mouvement indépendantiste depuis 50 ans est en déroute. Il a repris à son compte les politiques néolibérales et la défense du libre-échange. Il s’est replié sur une politique identitaire faute de stratégie concrète de lutte pour l’indépendance.
Quelques pistes
La place de la lutte démocratique sur l’enjeu de l’indépendance du Québec reste au centre de la redéfinition d’un projet républicain tant pour le Québec que pour le ROC. La place des nations autochtones dans un tel projet doit aussi faire partie de la discussion. En effet, la réalisation de l’indépendance va ouvrir une crise majeure de l’État canadien. C’est pourquoi la lutte pour l’indépendance ne concerne pas uniquement le Québec, mais également l’État canadien. Cette crise peut déboucher sur une redéfinition des rapports entre les peuples dans cet État. La lutte pour l’indépendance et le projet républicain exigent donc des alliances au-delà du Québec. Finalement, la classe ouvrière canadienne va se retrouver face à un choix : soit elle reconnaît le droit à l’autodétermination du Québec, soit elle décide d’appuyer sa propre bourgeoisie pour défendre l’unité canadienne. Le choix en faveur de l’autodétermination sera grandement facilité si la bataille pour l’indépendance s’inscrit dans une lutte pour un projet de société égalitaire et pour la défense du droit à l’autodétermination des peuples autochtones.
Souveraineté populaire
Pour gagner la majorité, la lutte pour l’indépendance doit aspirer à la souveraineté populaire. L’élection d’une assemblée constituante, qui pourrait être la concrétisation de cette exigence, aurait l’avantage de mettre le peuple en marche pour qu’il puisse dégager les bases de ses valeurs communes et donner à la diversité québécoise des institutions permettant le vivre-ensemble. Une constituante permettrait de se donner une constitution républicaine, fondement d’un État plurinational décolonisé où il y aurait une égalité des nations. Dans une démarche constituante, il faut lier la lutte pour l’indépendance et la réalisation d’un projet de société égalitaire : reconnaissance des droits sociaux, reconnaissance dans les faits de l’égalité des hommes et des femmes, démocratie économique. La participation des peuples autochtones sous la forme qu’ils choisiront est essentielle à la réussite d’une telle démarche.
Synthèse de Bernard Rioux[1]
Notes
- Ronald Cameron est coordonnateur du Réseau québécois sur l’intégration continentale. Nora Loreto est une militante syndicale et communautaire. Emiliano Arpin-Simonetti est secrétaire de rédaction de la revue Relations. Jean-Marie Van der Maren préside le NPD au Québec. Niki Ashton est députée du NPD. André Frappier est responsable élu des communications à Québec solidaire. Bernard Rioux est rédacteur à Presse-toi à gauche. ↑
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