AccueilNuméros des NCSNo. 19 - Hiver 2018Canada-Québec : comment penser la convergence des gauches ?

Canada-Québec : comment penser la convergence des gauches ?

Avec Andrea Levy, Richard Fidler, Corvin Russel et André Frappier

 

Les travailleuses et les travailleurs, comme les mouvements progressistes et les syndicats, sont confrontés à l’État canadien et à ses agences qui servent à structurer et à institutionnaliser la domination du capitalisme sur le pays. Si les gauches du Québec et du Canada anglais s’entendent pour reconnaître cette réalité, les approches des dernières décennies n’ont pas permis de dépasser l’isolement dans lequel chacune a envisagé son action et même sa réflexion politique et stratégique. D’un côté, le mouvement national québécois a ébranlé les fondements de l’État canadien ; de l’autre, la gauche du Canada a eu une nette propension à s’identifier à cet État comme l’armature de sa résistance contre l’impérialisme américain. Alors que la montée populaire au Québec menaçait l’État du capitalisme au Canada, la gauche canadienne conférait à cet État un rôle central. S’il est vrai que depuis quelque temps un esprit critique face à l’État canadien apparaît dans la gauche canadienne, les ponts sont toujours peu développés. Cela dit, il est vrai que d’un côté comme de l’autre, on ressent davantage le besoin d’une réflexion conjointe et d’une coordination dans l’action, face à la montée de l’extrême droite, l’hégémonie politique et idéologique du néolibéralisme, les reculs sociaux multiples qui incitent à l’unité, aux rencontres et au travail en commun.

Cela dit, les difficultés héritées du passé sont profondes et remontent aux rapports d’inégalité étayés par l’histoire et l’architecture constitutionnelles. La gauche canadienne voit la question de la séparation du Québec comme un problème, alors qu’elle devrait être considérée positivement comme la clef du démantèlement de l’État canadien. Voilà pourquoi, d’ailleurs, la bourgeoisie au Québec, qu’elle soit de langue anglaise, française ou qu’elle soit étrangère, craint elle-même les effets d’un éventuel démantèlement de l’État au Canada. Il faut ajouter que la séparation du Québec pourrait contribuer à renforcer la position de la classe ouvrière au Canada vis-à-vis « sa » propre bourgeoisie.

La convergence entre les deux gauches aujourd’hui pourrait se réaliser autour de problèmes criants et concrets : dans la lutte contre les politiques d’austérité et les luttes pour sauver la planète, notamment. Un problème demeure néanmoins récurrent dans toutes les actions unissant les deux gauches. Lors des réunions syndicales pancanadiennes, par exemple, il est courant que la masse des délégué-e-s de langue anglaise ne prenne pas la peine d’utiliser l’équipement d’interprétation simultanée mis à sa disposition, de sorte que les interventions des francophones souvent ne comptent pas ou très peu… Autre problème : au Canada, la gauche est éclatée, ce qui rend abstraite l’idée de convergence. Des militantes et militants canadiens songent présentement néanmoins à surmonter ce problème de la dispersion.

Synthèse par Serge Denis[1]


 

Notes

  1. Andrea Levy est une chercheuse indépendante et rédactrice à Canadian Dimension. Richard Fidler anime le site Life on the left. Corvin Russel milite avec les mouvements autochtones en Ontario. André Frappier est responsable élu des communications à Québec solidaire. Serge Denis est professeur émérite en études politiques de l’Université d’Ottawa.

 


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