L’histoire de la revue Labor Notes illustre le fait que la force du mouvement ouvrier – et incidemment la pertinence des socialistes – repose sur une base militante et indépendante.
À tous points de vue, 1979 n’était pas le moment idéal pour lancer une publication de gauche destinée aux militantes et aux militants de base aux États-Unis.
Une loi scélérate visant à dérèglementer les secteurs conventionnés du camionnage et des transports aériens franchissait alors les dernières étapes de son adoption par le Congrès. Chrysler suppliait le Congrès de la sauver de la faillite et soutirait d’importantes concessions au puissant syndicat des Travailleurs unis de l’automobile. On assistait à une multiplication de reculs syndicaux touchant les industries les unes après les autres.
Paul Volcker de la Réserve fédérale des États-Unis haussait les taux d’intérêt et provoquait ainsi une profonde récession qui a coûté deux millions et demi d’emplois manufacturiers, stoppé les mouvements de grève et sapé une décennie et demie de gains syndicaux, et ce, avant même que Reagan ne congédie les contrôleurs aériens en grève en 1981.
Au plus profond de la récession en 1982, les syndicats industriels, qui avaient été les principaux initiateurs de rébellions de la base, de la mise sur pied de caucus afro-américains, de grèves sauvages et des refus d’entériner les contrats négociés par les élites syndicales, perdaient près de deux millions de membres.
L’ère marquée par la combativité ouvrière et traversée par des mouvements sociaux de masse cédait la place à une nouvelle période, placée à l’enseigne du néolibéralisme, caractérisée par le recul syndical, « la fin de bien-être collectif tel que nous l’avions connu » et la promotion de la production allégée (lean production), à moindre coût[3].
Bien sûr, on ne savait pas tout cela au lancement de Labor Notes. « On », c’était trois membres du groupe International Socialist (IS), Jim West, moi-même et un peu plus tard Jane Slaughter, dont le but était de présenter un point de vue de classe sur les luttes du mouvement ouvrier. L’expérience nous avait appris que pour être crédibles, les idées socialistes devaient s’enraciner dans les combats du mouvement ouvrier. L’objectif de Labor Notes était de travailler collégialement à créer une telle mouvance.
Comment y sommes-nous parvenus ? Bien sûr, nous nous référions à un corps théorique général sur la dynamique du capitalisme. Il y avait également une compréhension du mouvement ouvrier et syndical perçu comme une formation sociale stratifiée traversée de contradictions, non seulement entre la « bureaucratie » et la base, mais au sein même du milieu militant, entre les très impliqués et les plus tièdes, entre les groupes racisés et entre les genres.
Dès le départ, la revue s’est attachée à produire des analyses sur le rôle des femmes et des Afro-Américains dans les syndicats, à montrer comment la base luttait pour la démocratie syndicale et des directions imputables et pourquoi elle s’opposait à la tendance dominante qui était d’accepter des concessions.
Nous dénoncions la façon dont les directions syndicales propageaient des idées de collaboration et de concession, abandonnant les lieux de travail à l’arbitraire patronal; nous expliquions aussi pourquoi cette stratégie de survie d’une bureaucratie syndicale était ruineuse et vouée à l’échec.
La plus importante leçon à tirer de l’expérience de Labor Notes est qu’il faut s’engager directement dans le mouvement, avec les militantes et les militants, partager leurs préoccupations et leur faire sentir que d’autres comme eux y sont sensibles.
Selon Jim West, le rédacteur en chef à l’origine, « l’idée de départ était que partout dans les syndicats du pays, il y avait des groupes et des militants de base que nous avions pour tâche de mettre en réseau, de leur faire prendre conscience qu’ils faisaient partie d’un mouvement plus large ». A posteriori, on peut dire que cela a marché. Selon l’actuel directeur Mark Brenner, « Labor Notes a réussi à créer un espace important où les militants d’autres syndicats et des quatre coins du pays pouvaient constater qu’ils partageaient des expériences en commun, et pouvaient ainsi construire des ponts entre eux ».
Pour Will Johnson, membre de l’équipe de 2002 à 2007, la clé de la réussite du projet, c’est que nous avons compris que : « les lecteurs de Labor Notes étaient des leaders dans leurs lieux de travail. Ce qui m’a toujours frappé, note-t-il, autant en écrivant des articles qu’en organisant des conférences, c’est l’attention constante à l’impératif d’acquérir du pouvoir sur les lieux de travail ». Brenner souligne pour sa part : « Si vous voulez rejoindre et unir les membres, vous devez commencer par là où ils passent le plus clair de leur temps… au travail. Je pense même que notre insistance allait plus loin que cela : nous pensions que la force du mouvement reposait d’abord et avant tout sur son pouvoir dans les lieux de travail ».
Cela nécessitait donc une forte implication syndicale. Mike Parker, un ouvrier de l’automobile proche de Labor Notes, la décrit ainsi : « Je crois que le “focus sur la base” est important, mais la raison de notre succès, là où d’autres ont échoué, c’est que nous avons insisté sur la lutte de classe. Cela supposait de construire, d’impliquer, de mobiliser la base et de lui donner le contrôle, mais aussi de valoriser l’organisation et le pouvoir du mouvement ouvrier, si bien que nous luttions pour des réformes parfois menées par les dirigeants syndicaux qui y croyaient peu ou dont la conscience de classe était ambigüe, voire contradictoire ».
Mark Brenner ajoute : « Nous étions les seuls qui ne nous contentions pas de signaler que le déclin de la force syndicale résultait du caractère naturel de l’évolution des choses, des accords de commerce ou de la technologie, mais aussi que c’était le fruit du mouvement lui-même qui s’était mis dans le pétrin ».
Cette conception exigeait de travailler au sein des mouvements réformistes, tels les Teamsters for a Democratic Union. Mark Brenner précise que « promouvoir la réforme du mouvement syndical comme stratégie pour le revitaliser fut l’une de nos principales contributions, autant théoriquement – parce que cela introduit la dimension politique dans la discussion – que pratiquement, en aidant des générations de militants à penser stratégiquement, à se présenter aux postes de direction des organisations et de les gagner ».
Agir, éduquer et organiser ! Au-delà des slogans, ce furent les moyens non seulement de construire un pouvoir de la base, mais aussi d’asseoir le succès de la revue. Jim West note : « Finie la langue de bois, il faut s’ouvrir à quiconque adopte le point de vue de la base et se concentre sur les questions syndicales ».
Le cours des choses nous a appris, cependant, que pour réunir les gens, comme le disait Jim West, pour « leur faire sentir qu’ils faisaient partie d’un mouvement plus large », nous devions créer un lieu concret où les gens impliqués pourraient apprendre les uns des autres. Les dix-huit conférences tenues entre 1981 et 2016 ont été ce lieu privilégié.
La première conférence nationale, tenue en avril 1981 à Détroit, nous a surpris en attirant 576 participants auxquels on doit ajouter les 100 militantes qui ont pris part à une assemblée spéciale pour les femmes. Crystal Lee Sutton, la militante dont la vie est racontée dans le film Norma Rae[4], y a présenté un discours, tout comme Tony Mazzocchi, candidat à la présidence du Syndicat des travailleurs du pétrole, de la chimie et de l’industrie nucléaire (Oil, Chemical, and Atomic Workers) pointant du doigt la vieille garde politique. Il proposait rien de moins que de former un parti des travailleurs pour s’opposer au « cancer des deux vieux partis ».
Nous avons compris que les discours sur des sujets plus politiques – par exemple en faveur d’une politique autonome du mouvement, ou en opposition aux guerres – étaient plus efficaces lorsqu’ils étaient tenus par des leaders expérimentés et des activistes plutôt que sous la forme de sermons par les permanents syndicaux.
Dès le début, Labor Notes a accompli ce que personne ne faisait dans les milieux de gauche. Slaughter le rappelle ainsi : « Labor Notes a réussi lorsqu’il a pris à bras le corps des sujets que le mouvement dans son ensemble ne savait pas comment aborder, ou abordait de travers, et offrait à ses lecteurs et lectrices une analyse politique et une aide pratique pour y faire face ».
L’abandon de la lutte par des directions velléitaires a créé un espace qui a été occupé par des interventions sur des enjeux cruciaux, comme les concessions salariales, les avantages sociaux et les conditions de travail, l’intensification du travail due à l’introduction du travail en équipes et de la production lean, et l’absence de démocratie dans la majorité des syndicats.
S’attaquer aux concessions
En 1982, alors que se profilait le début d’une reprise économique, les demandes patronales de concessions ont paradoxalement augmenté et sont devenues pour nous un enjeu central pour les travailleuses et les travailleurs.
En 1983, Jane Slaughter[5] analysait non seulement l’étendue et les causes sous-jacentes de ces concessions, mais évoquait également des exemples de refus et de résistances parfois victorieuses. Ce livre a connu un succès immédiat. Les militants et les militantes s’en sont servi, souvent contre leur direction. Ces luttes n’ont pas toutes été gagnées, mais elles ont encouragé d’autres militants à résister et à se battre aussi.
Slaughter démontrait qu’il y a eu au moins deux vagues de concessions, la première marquant des reculs dans de grands secteurs industriels et s’inscrivant dans les conventions collectives elles-mêmes. La seconde vague a été pire encore en portant non seulement sur les salaires mais sur l’ensemble des conditions de travail. C’est ce qu’avait prévu Slaughter en rappelant la déclaration de Roger Smith, le président de General Motors, qui disait en 1983 : « Il n’est pas question de répéter ce que nous venons de vivre depuis trois ans. Nous nous engageons tous à soutenir des entreprises allégées et efficientes (lean and mean[6]). Les concessions ont donc continué, et de nouveaux moyens ont été mis en œuvre pour les institutionnaliser et pour affaiblir de façon permanente les travailleurs et les travailleuses.
Les équipes et cercles de production
En mai 1981, la revue Business Week proclamait venue l’ère de « nouvelles relations de travail ». On élabora d’abord des programmes de « qualité de vie au travail » (Quality of Work Life, QWL), qui devinrent plus tard des programmes de « qualité totale », ou de « participation des employés », mais qui reposaient tous sur la coopération entre les directions patronales et les organisations de travailleurs, bref sur la collaboration de classe. Mike Parker s’y était intéressé dès 1970 et publia en 1985 un guide syndical sur le sujet[7], car il n’existait aucun document pour guider les syndicalistes voulant aborder ces phénomènes d’un point de vue syndical.
Face à ces diverses formes de participation ouvrière et de toyotisme, Labor Notes est demeuré vigilant. Mike Parker et Jane Slaughter ont ainsi produit deux nouveaux manuels dans cette perspective : Choosing Sides: Unions and the Team Concept[8] en 1988 et Working Smart: A Union Guide to Participation Programs and Reengineering[9] en 1994.
C’est dans ces ouvrages qu’ils proposèrent le terme de « gestion du stress » pour désigner de nouvelles méthodes de production lean qui impliquaient une intensification du travail, en réduisant la main-d’œuvre tout en maintenant ou en accroissant le volume de la production. Les équipes de travail ou cercles de production y contribuaient aussi par le biais de la méthode kaizen (amélioration continue des processus). Le manuel Choosing Sides se concentrait sur l’industrie automobile où plusieurs de ces innovations ont d’abord été appliquées ; puis Working Smart étendit l’analyse à d’autres industries, en incluant les télécommunications, les hôpitaux, les services postaux, l’entretien domestique, les femmes au travail… Ces manuels se sont vendus par milliers.
Au milieu des années 1990, Labor Notes créait de nouveaux lieux d’apprentissage et d’échange pour les travailleuses et les travailleurs. Jane Slaughter les décrit ainsi : « Nous avons diffusé nos analyses de la gestion participative et de la production lean à Détroit, Atlanta et en Californie par le biais d’une douzaine de sessions de formation organisées à partir de la notion d’équipes de travail ». La production lean[10], on le sait, continue de nos jours sous de nouvelles formes ; mais comme le remarquait Slaughter, « ces programmes de coopération entre le travail et la gestion n’ont plus la cote, car les employeurs n’ont plus besoin de faire semblant de chercher la collaboration des travailleurs ».
Impliquant le recours à l’intimidation et à la menace de perte d’emploi, les normes d’efficience ont été de plus en plus mises en œuvre à travers la surveillance électronique et biométrique et l’utilisation de technologies comme le GPS, l’identification par radiofréquences et l’utilisation de codes barres.
Si les programmes d’efficience comme la gestion de la « qualité totale » visaient la standardisation et l’intensification du travail, les nouveaux types de surveillance[11] ont dilué encore plus les compétences des travailleurs et ont éliminé ce qui restait de la créativité au travail.
L’émergence de chaînes de production contrôlées électroniquement et l’approvisionnement par flux tendu (just-in-time), associés aux « révolutions logistiques », ont de plus accru les pressions à la performance sur d’innombrables lieux de travail. Les pressions internes et externes traditionnelles contre les cols bleus se sont ainsi étendues aux emplois comme les soins infirmiers et l’enseignement.
Souvent hypnotisés par la prétendue inévitabilité de ces technologies, les leaders de plusieurs syndicats ont tout simplement ignoré le fait qu’appliquées au travail, elles étaient construites pour répondre aux objectifs patronaux. Labor Notes a donc cherché des moyens de résister aux tactiques et stratégies changeantes des employeurs.
Les manuels et les sessions de formation ont aidé Labor Notes à élargir sa base originelle dans les industries de l’automobile, les aciéries, le secteur du camionnage et à rejoindre de nouveaux secteurs : les télécommunications, la santé, les transports, le secteur public et les services.
Alors que la classe ouvrière elle-même se modifiait, et que les patrons trouvaient de nouveaux moyens d’exploitation, nous avons tâtonné pour trouver une approche du conflit de classe sur les lieux de travail qui puisse faire face adéquatement aux formes accrues de désyndicalisation et d’intensification du travail. J’utilise le terme « tâtonner » parce qu’il serait exagéré de dire que nous avons tout de suite compris globalement les nouvelles approches des patrons comme la production lean, les nouvelles technologies, les tactiques sur les lieux de travail et les mouvements de réforme syndicale.
Par exemple, en 1995, nous avons tenté de proposer une semaine de travail réduite pour répondre aux pressions résultant de l’efficience et du travail précaire. Nous avons produit à cet effet une brochure intitulée Time Out! Elle n’a pas rencontré d’écho et le projet a dû être abandonné. Mais nous en avons tiré une importante leçon : il ne sert à rien de lancer des campagnes par le haut si elles n’ont pas pris naissance chez les militantes et les militants à la base.
Nous avons aussi pris conscience, en analysant les méthodes des gestionnaires, que nous accumulions un vaste inventaire d’expériences concernant les lieux de travail et la résistance ouvrière, très utiles pour combattre le patronat sur de nombreuses questions.
En 1989, nous avons tenu une session de formation sur « l’organisation du travail » au cours de laquelle des militants sont venus raconter leurs expériences. Le contenu de cette rencontre a été mis en forme en 1991 par Dan La Botz dans une brochure, A Troublemaker’s Handbook. How to Fight Back Where you Work – and Win![12], rééditée en 2005 par Jane Slaughter[13].
Ces « manuels de l’emmerdeur » reposaient sur le principe qu’on apprend plus d’une bonne histoire que d’une liste de bons conseils. Comme dans la rubrique du responsable syndical (Steward’s Corner) tenue dans Labor Notes, les manuels signalaient pour chacune des situations évoquées comment un groupe de travailleurs s’y était pris, si bien que le lecteur ou la lectrice pouvait appliquer ces tactiques à sa propre situation.
Cette méthode avait l’avantage d’utiliser des exemples concrets de la vie réelle ; l’auteur ne récitait pas des idées abstraites, mais se référait à celles qui avaient été expérimentées et s’étaient montrées efficaces pour certains.
À la fin des années 1990, Labor Notes était devenu un extraordinaire centre de formation syndical, disposant d’un personnel important. Ces années virent aussi Labor Notes s’engager dans le travail international, principalement avec l’Europe, par l’intermédiaire du Transnational Information Exchange (TIE). Face à l’ALÉNA, nous avons construit des liens avec les travailleuses et les travailleurs des trois pays concernés, principalement dans les secteurs de l’automobile et des télécommunications. Cela nous a amenés à travailler avec les Travailleurs canadiens de l’automobile (CAW), ceux de l’électricité (UE), le Frente Autentico del Trabajo (FAT) et le Centro de Información Laboral y Asesoría Sindical (CILAS) à Mexico dans des activités traversant les frontières.
Ce fut un travail formidable et l’approche permettant à chaque travailleur de rencontrer un vis-à-vis d’un autre pays a suscité chez les participants de nouvelles prises de conscience. Les protocoles hiérarchiques de l’internationalisme ouvrier dans lesquels les leaders syndicaux s’enferrent constituaient un obstacle pour les ouvriers de la base. Les petits groupes sous-financés comme TIE ou Labor Notes, avec le soutien des électriciens de l’UE, ont eu le mérite de contourner ces obstacles institutionnels. Manquant cependant de ressources, les activités transfrontalières de Labor Notes se sont finalement limitées à des conférences biennales.
Un plafonnement
À la fin des années 1990, Labor Notes a plafonné alors que le nombre de membres et les participantes et participants à ses conférences stagnait sous le millier. C’était probablement dû au fait que bien que nous continuions à publier de bons manuels, notamment celui de Mike Parker et Martha Gruelle sur la démocratie syndicale[14], nous n’avions pas réussi à en faire des instruments de mobilisation, comme cela avait été le cas avec les sessions de formation par équipes.
Les activités syndicales et celles des autres mouvements sociaux dépendent aussi de ce qui se passe dans leur environnement. De 1985 à 1995, des batailles importantes contre les concessions ont marqué le mouvement, notamment celles du local P-9 à la compagnie Hormel, de même que celles des mineurs de Pittston, des télécoms à Verizon, la grève des journaux de Détroit, la lutte à UPS en 1997…
En 1996, Paul Levy effectuait le bilan suivant : « Nous notons un activisme très répandu à l’intérieur même de nombreux syndicats, qui est beaucoup plus important qu’auparavant ». En plus de l’importante victoire électorale de 1991 de Ron Carey chez les Teamsters, Levy citait des mouvements de rébellion traversant une douzaine de grands syndicats.
Plusieurs de ces mouvements utilisaient les documents de Labor Notes pour former leurs militants. Par exemple, dans les deux années précédant la grève de 1997 à UPS, le syndicat a utilisé notre Working Smart pour informer les membres des pièges de l’implantation des approches d’effectivité (lean) que la direction d’UPS tentait d’introduire pour affaiblir la capacité d’action du syndicat. Dans certains endroits, des sympathisants de Labor Notes ont aidé à faire obstacle au programme de collaboration d’UPS. Ils furent aussi très actifs dans le New Directions Caucus[15] des Travailleurs unis de l’automobile dès le milieu des années 1980, et dans l’appui aux grévistes de Hormel.
Nos sessions de formation sur la stratégie de l’action dans les milieux de travail attiraient des centaines de militants et de militantes et constituaient alors un apport non négligeable aux luttes contre les concessions syndicales et contre la production lean. À la fin des années 1990, les grandes grèves sont devenues rares. Plusieurs campagnes pour réformer les syndicats se sont affaiblies, et avec elles, une bonne part de notre audience naturelle s’est dissipée.
La débâcle de Ron Carey en 1997, après la grève à UPS, a eu un impact négatif sur tout le milieu dans lequel agissait Labor Notes. L’élection de Ron Carey avait été la première grande victoire du mouvement pour la réforme syndicale, mais la combine de financement illégal mise en place par les organisateurs embauchés pour sa campagne électorale renforça le préjugé selon lequel tous les leaders syndicaux étaient finalement assez semblables. Même s’il fut finalement établi que Carey n’avait pas été informé de ces combines douteuses, les dommages étaient faits.
Il est aussi possible que les promesses d’un changement progressiste qui ont accompagné l’élection de John Sweeney à la présidence de l’AFL-CIO[16] aient détourné certains lecteurs potentiels de Labor Notes. Les efforts de réforme de John Sweeney et de l’équipe New Voice étaient vraiment verticaux et partaient du sommet.
La principale promesse de l’équipe New Voice était qu’elle allait arrêter le déclin des effectifs syndicaux par de nouveaux efforts d’organisation. Pendant que l’AFL-CIO agrandissait l’Organizing Institute pour former plus d’organisateurs syndicaux, il aurait aussi fallu que les syndicats affiliés consacrent plus d’énergie et de ressources à l’organisation. Les barrières institutionnelles à ce projet se sont avérées trop grandes, et c’est ce qui a conduit à la scission de 2005 avec la formation de Change to Win[17] qui devait aussi par la suite se scinder.
Mettant l’accent sur une réforme par la base, Labor Notes était critique de cette orientation bureaucratique. Bien que cette position ne nous ait pas permis d’élargir notre base à l’époque, elle s’est avérée fructueuse dans les années suivantes alors que de plus en plus de militants ont commencé à organiser des mouvements de réforme au ras des pâquerettes.
Une nouvelle génération
À l’orée du siècle nouveau, une génération de militantes et de militants plus jeunes a pris les rênes de Labor Notes. S’appuyant sur le manuel Troublemaker’s 2 de 2005, cette nouvelle génération s’est appropriée l’esprit du manuel pour le mousser à travers plus d’une douzaine de sessions de formation d’une journée préparée avec des militants locaux. Ces sessions tenues à partir de 2012 ont offert aux militants et militantes un lieu d’échange tout en élargissant, ville après ville, l’auditoire de Labor Notes.
La relance de cette activité s’est appuyée sur un renouveau du mouvement pour la réforme syndicale apparu chez les Teamsters, dans les syndicats des télécommunications, des transports, des postiers, des infirmières et d’autres, dont le point culminant a été la victoire en 2010 du Chicago Teachers Union’s Caucus of Rank-and-File Educators et leur grève de 2012, ainsi que le mouvement intervenu au Wisconsin en 2011.
Cette période a aussi été témoin de la croissance du mouvement des travailleurs migrants avec la marche pour la liberté (Immigrant Workers’ Freedom Ride[18]) qui traversa le pays en 2003 et qui donna lieu le premier mai 2006 à la campagne « Une journée sans immigrants ».
Surfant sur cette nouvelle vague d’activisme, l’équipe a produit trois manuels : The Steward’s Toolbox. Skills and Strategies for Winning at Work en 2012, reprenant surtout la rubrique Steward’s Corner de Labor Notes, How to Jump Start your Union. Lessons from the Chicago Teachers en 2014, et Secrets of a Successful Organizer en 2016[19].
Les conférences de 2014 et 2016 ont reflété cette situation, attirant plus de 2000 militants à Chicago, alors qu’elle se tenait pendant la grève des enseignantes et des enseignants, réaffirmant la viabilité d’une stratégie fondée sur la base militante.
Quelles sont les réussites de Labor Notes ?
L’intense travail des employés et collaborateurs, qui pendant des décennies ont fait de Labor Notes une institution au sein du mouvement ouvrier, n’a pas pu empêcher le déclin des effectifs syndicaux, ni la vague des concessions, ni l’évolution de la production lean et de la surveillance assistée par la haute technologie, ni le régime de la production à flux tendu, ni même l’ampleur atteinte par les inégalités pendant l’époque active de Labor Notes.
Mais alors, qu’avons-nous accompli ?
Pour y voir clair, il faut regarder au-delà de la façade syndicale, des grandes ententes qui font parfois la manchette des journaux d’affaires, et de ces leaders qui font la une, et prêter attention à ceux et celles qui demeurent souvent invisibles dans la société et parfois même à leurs propres yeux.
Ce sont ces militants invisibles de la lutte de classe dont les actions, l’engagement et la persévérance gardent les syndicats à flot et le mouvement ouvrier vivant. Ce sont ces militantes et ces militants qui forment des comités, agissent comme délégués, et parfois sont élus alors que les gratifications sont minimes. C’est la couche des militants syndicaux actifs.
Ces hommes et ces femmes doivent vivre avec l’idéologie de la bureaucratie qui caractérise le syndicalisme d’affaires et espèrent malgré tout que « le syndicat » fasse quelque chose pour la majorité, au-delà des canaux sclérosés de la négociation collective. Ils ne s’y résignent pas et s’engagent donc avec d’autres pour que les choses changent. C’est là que Labor Notes a trouvé son espace.
Les syndicalistes révolutionnaires et les nostalgiques du IWW (Industrial Workers of the World) qualifiaient cette couche de travailleurs de « minorité militante ». Or depuis des décennies, cette couche est désorganisée et dépolitisée. Même durant l’époque combative des années 1960 et 1970, les divers mouvements de la base et les grévistes de différents lieux de travail avaient peu de contacts entre eux; en général, ils étaient isolés et confinés à leur seule industrie, syndicat ou lieu de travail.
La plupart des changements, réformes et luttes au sommet dans le mouvement ouvrier des vingt dernières années ont eu peu d’impact sur cette situation. Ce qui manquait, ce sont ces militants radicaux qui jadis assuraient du leadership et de la cohérence à cette minorité militante, de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1930-1940.
Les radicaux des années 1970 qui voulurent jouer ce rôle étaient trop peu nombreux, inexpérimentés, souvent sectaires et arrivaient trop tard pour réussir. C’est cette fragmentation du militantisme qui nous a convaincus qu’on avait besoin d’autre chose. L’idée de Labor Notes comme on l’a dit précédemment, était d’amener les activistes à agir ensemble, à leur fournir un lieu de rencontre et de formation et les moyens de voir qu’il y en avait d’autres comme eux, tout simplement.
Le slogan « Remettons du mouvement dans le mouvement ouvrier » brandi par Labor Notes, en 1981, constituait en quelque sorte un appel à ces militants et militantes de s’attaquer à la tâche de former une minorité active plus conséquente. L’essoufflement de la poussée des années 1970 signifiait qu’il fallait repartir à une échelle plus modeste pour rejoindre les poches de résistance à l’intensification de la guerre du capital contre les travailleuses et les travailleurs. Le passage d’une génération à l’autre a laissé plusieurs campagnes de réforme en plan, alors que se poursuivait la modification de la composition raciale et de genre de la main-d’œuvre. Ce ne fut pas un processus linéaire.
Un processus en profondeur nourrissait la croissance d’un nouveau courant militant et démocratique. Plus que dans les débuts de Labor Notes, ce courant émergent partage en effet une série de principes et d’objectifs qui lui donne une certaine cohérence programmatique et politique : la volonté d’assurer la démocratie syndicale et un leadership responsable, le rejet de la coopération avec les patrons, la mise sur pied d’organisations solides sur les lieux de travail avec de bons délégués, la mobilisation et l’action directe quand c’est possible ou opportun, l’inclusion et l’égalité raciale et de genre, la résistance aux programmes d’austérité tant dans la société qu’au travail, et la conscience que tout cela ne peut être réalisé et obtenu que par la base elle-même, bref, le rejet des pratiques du syndicalisme d’affaires bureaucratique.
On doit beaucoup à Labor Notes pour cette cohérence politique et sa diffusion parmi les divers réseaux de militants et militantes. La conférence de 2016 illustre le rôle de Labor Notes dans la construction de cette vision alternative du positionnement du mouvement ouvrier dans son ensemble. Alors que les thèmes du syndicalisme et du travail y demeuraient centraux, plus du tiers des 125 ateliers portait sur des sujets politiques, sociaux ou internationaux.
Bien sûr, il y en avait parmi nous qui étaient à l’origine plus ambitieux. La conception socialiste à la source du projet Labor Notes impliquait qu’il s’agissait d’un processus transitoire. En empruntant à Trotsky son analogie, cela signifiait qu’il fallait agir tel un « pont » entre d’une part, des luttes au quotidien, et d’autre part, un combat de classe, éventuellement socialiste, pour la transformation globale du monde.
Un pont a bien sûr deux extrémités. Théoriquement, la conscience de classe et les mouvements de lutte constituent des points d’arrivée de ce pont dont la structure est composée par les organisations socialistes. À titre de pont, ce n’était pas le rôle de Labor Notes de se définir et d’agir comme un centre de formation, d’organisation et de publication socialiste. Adopter ce rôle aurait drastiquement limité notre audience et l’efficacité de notre projet.
Les idées mises de l’avant par ce projet étaient transitionnelles ; elles visaient à saper la conscience conservatrice produite autant par la bureaucratie syndicale d’affaires que par les autres forces de la société prônant la résignation, l’acceptation défaitiste des choses telles qu’elles sont.
Labor Notes a réussi dans une large mesure. Mettant l’accent sur la construction d’un pouvoir ouvrier sur les lieux de travail et dans les syndicats, Labor Notes s’est attaqué aussi dès le départ aux problèmes politiques, sociaux et économiques affectant la vie de la classe ouvrière.
On l’a vu aux conférences où son radicalisme politique le démarquait des gros bataillons du mouvement ouvrier américain, par exemple dans l’appui quasi unanime accordé par la conférence de 2016 à Bernie Sanders.
La dimension politique n’a jamais été vue comme la tâche principale et plusieurs se sont désolés qu’elle n’ait pas pris plus de place. Une action politique indépendante est toutefois transitionnelle — comme un pont — lorsque, sans adopter un programme franchement socialiste, elle implique tout de même une rupture avec les deux principaux partis et avec leur adhésion au capitalisme et à ses règles du jeu (incluant le modèle néolibéral).
Labor Notes a essayé d’intégrer cette perspective dans son message. Dès le départ, au moment du discours de Tony Mazocchi sur le parti ouvrier lors de la conférence de 1981, avec la couverture constante des initiatives et efforts politiques indépendants dans les années 1980 et la campagne de 2000 « travailleurs pour Nader », Labor Notes a toujours promu une action politique indépendante. Plusieurs intervenants aux conférences insistaient sur l’idée d’une action politique indépendante. Pensons à Bill Fletcher Jr qui plaida pour un parti des travailleurs, aux nombreux intervenants canadiens qui soulevèrent aussi cette question sans compter le marxiste français, Daniel Singer, qui prédisait que le nouveau millénaire serait sur le plan international celui de la gauche, sans oublier le socialiste indépendant Bernie Sanders bien avant qu’il ne devienne connu de toutes et tous. Or l’action politique indépendante n’est pas encore partie intégrante du programme ou du faisceau d’idées des courants et réseaux ouvriers de la base, qui forment pourtant la minorité militante potentielle.
Aurions-nous pu faire plus ? Il faut se rappeler que tout ce que Labor Notes a fait était fondé sur des activités de base qui existaient déjà. C’est la leçon que nous avons apprise dès le début. À la fin de la première décennie du millénaire, alors que le Parti des travailleurs avait perdu de son élan et que se terminait la campagne de Nader, il n’y avait rien d’inspirant vers quoi se tourner, et le gouffre semblait trop large pour construire ce pont vers l’action politique indépendante.
Labor Notes aurait-il dû insister plus pour donner des formations sur ce sujet ? Peut-être. Mais quand l’alternative se posait entre le choix de faire porter la formation sur les actions et stratégies pratiques d’une part, et celui d’insister sur l’éducation politique et même la propagande d’autre part, pour le meilleur ou pour le pire, nous avons toujours choisi l’action. Ce fut un choix judicieux qui explique que le projet a si bien marché.
Ce ne sont pas tous les collaborateurs de Labor Notes qui accepteront l’idée que l’absence d’une approche plus politique ou socialiste ait été un problème. Mais pour certains d’entre nous, favorisant la construction d’une conscience politique plus poussée de la base, la tension entre les exigences de la lutte au quotidien et les perspectives d’avenir demeure un dilemme non résolu.
Il y a des signes de changement à ce sujet et il faut s’y intéresser.
Les changements d’ère rendent encore plus pertinentes les leçons de l’expérience Labor Notes pour la gauche aujourd’hui. Les socialistes plus intellectuels comme la plupart d’entre nous peuvent jouer un rôle dans le mouvement ouvrier. L’isolement des radicaux politiques de la classe ouvrière repose largement sur leur propre faute. Les idées, connaissances et savoirs que nous avons sont appréciés par ceux qui luttent pour le changement ; il faut toutefois qu’on apprenne à les partager de l’intérieur et qu’on ne les impose pas depuis les estrades.
Le mouvement ouvrier d’aujourd’hui et de demain peut sembler plus restreint qu’il y a une génération ou deux, mais il est plus vaste dans ses préoccupations, sa composition ethnoraciale et de genre et son ouverture progressive au politique.
Si les socialistes n’assument pas leur rôle dans ce mouvement, les probabilités de résurgence diminueront de même que l’espoir de construire un mouvement socialiste réellement puissant.
Si l’entourage de Labor Notes ne constitue pas encore cette minorité de militants avec un solide foyer révolutionnaire que les Big Bill Haywood, Elizabeth Gurley Flynn ou Eugene Debs auraient célébré, c’est néanmoins un réseau contemporain dense et vivant de militantes et militants ouvriers. Rassemblé autour de la revue, des conférences et des colloques, des manuels, des journées de formation, d’un site Web, d’un blogue, d’une lettre hebdomadaire, des archives et d’une présence dans les médias sociaux, le réseau Labor Notes s’affirme comme un courant démocratique du XXIe siècle à l’intérieur d’un mouvement ouvrier de type bureaucratique demeuré au XXe siècle. Il reste à voir si ce réseau peut évoluer vers une minorité militante comme celle qui donna sa cohérence aux luttes ouvrières passées. Mais il est clair que sans Labor Notes, ce n’est même pas de l’ordre des possibles.
Kim Moody[2]
Traduction de l’anglais par Thomas Chiasson-LeBel
Notes
- Traduction de l’article « The rank and file’s paper of record » paru dans Jacobin, en août 2016, <www.jacobinmag.com/2016/08/labor-notes-rank-and-file-reform-unions-concessions-labor/>. ↑
- Kim Moody est cofondateur de Labor Notes et auteur de plusieurs ouvrages sur le mouvement ouvrier américain. ↑
- Note du traducteur. L’expression « production allégée » est une traduction de lean production, dans laquelle lean signifie amincie. Dans le cadre de la gestion du travail, cette expression en est venue à signifier une réduction des coûts de production (coupe dans la main-d’œuvre) qui, par le biais d’une intensification du travail, maintient ou accroit le volume produit. ↑
- Norma Rae, film américain réalisé par Martin Ritt et sorti en 1979. ↑
- Jane Slaughter, Concessions, and How to Beat them, Détroit, Labor Notes, 1983. ↑
- Note du traducteur : lean and mean est une expression qui qualifie un accroissement de la production combiné à une réduction de la main-d’œuvre. L’expression peut jouer sur le double sens du mot mean qui évoque autant l’austérité que la méchanceté. ↑
- Mike Parker, Inside the Circle: A Union Guide to QWL, Boston, South End Press, 1985. ↑
- Mike Parker et Jane Slaughter, Choosing Sides: Unions and the Team Concept, Boston, South End Press, 1988. ↑
- Mike Parker, Jane Slaughter et Larry Adams, Working Smart: A Union Guide to Participation Programs and Reengineering, Détroit, Labor Notes, 1994. ↑
- Charlie Post et Jane Slaughter, « Lean production: why work is worse than ever, and what’s the alternative? », Solidarity, 2000, <www.solidarity-us.org/leanproduction>. ↑
- Jane Slaughter, « Harassment an issue in UPS bargaining, as big brown becomes big brother », Labor Notes, 25 mars 2013, <http://labornotes.org/2013/03/harassment-issue-ups-bargaining-big-brown-becomes-big-brother>. ↑
- Dan La Botz, A Troublemaker’s Handbook. How to Fight Back Where you Work – and Win!, 1ère éd., Détroit, Labor Notes, 1991. ↑
- Jane Slaughter, A Troublemaker’s Handbook 2. How to Fight Back Where you Work and Win!, Détroit, Labor Notes, 2005. ↑
- Mike Parker et Martha Gruelle, Democracy is Power. Rebuilding Unions from the Bottom Up, Détroit, Labor Notes, 1999. ↑
- Jane Slaughter, « Remembering Jerry Tucker », Labor Notes, 23 octobre 2012, <http://labornotes.org/2012/10/remembering-jerry-tucker>. ↑
- AFL-CIO: American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations. ↑
- Steve Early, « Whither Change to Win? », In These Times, 10 octobre 2011, <http://inthesetimes.com/working/entry/12074/whither_change_to_win>. ↑
- Nancy Cleeland, « Immigrants set out on their own freedom ride », Los Angeles Times, 23 septembre 2003, <http://articles.latimes.com/2003/sep/23/business/fi-ride23 >. ↑
- Mischa Gaus, The Steward’s Toolbox. Skills and Strategies for Winning at Work, Détroit, Labor Notes, 2012; Alexandra Bradbury, Mark Brenner, Jenny Brown, Jane Slaughter et Samantha Winslow, How to Jump-Start your Union. Lessons from the Chicago Teachers, Détroit, Labor Notes, 2014; Alexandra Bradbury, Mark Brenner et Jane Slaughter, Secrets of a Successful Organizer, Détroit, Labor Notes, 2016. ↑
Vous appréciez cet article ? Soutenez-nous en vous abonnant au NCS ou en faisant un don.
Vous pouvez nous faire parvenir vos commentaires par courriel ou à notre adresse postale :
Collectif d’analyse politique
CP 35062 Fleury
Montréal
H2C 3K4