Les discriminations envers les filles commencent dès les premières années de la vie (et même avant, si l’on prend en compte le « foeticide » des filles). D’ores et déjà, la Banque mondiale a identifié 58 pays dans lesquels la crise pourrait déboucher sur un accroissement de la mortalité infantile atteignant 400 000 décès par an, en majorité des petites filles.
La crise menace aussi les progrès de la scolarisation des filles. « Au cours des vingt dernières années, le pourcentage des enfants n’ayant jamais fréquenté l’école est tombé de 21 % à 11 % pour les garçons de 10 à 14 ans, et de 39 % à 18 % pour les filles », rappelle le rapport. Faute de moyens pour payer l’école ou poussées par un besoin d’aide dans les tâches domestiques, nombre de filles risquent de s’éloigner du tableau noir.
De plus, les effectifs féminins ont augmenté davantage que ceux des garçons entre 2000 et 2006 à l’école primaire, les filles parviennent difficilement à passer le cap de l’enseignement secondaire (43 % d’entre elles seulement y accèdent dans les pays en développement). Or plusieurs études ont montré qu’un minimum de dix années de scolarisation est nécessaire pour « rentabiliser les avantages de l’éducation au sens économique », indique Plan international.
Pour la jeune femme elle-même, la poursuite d’études a une incidence très concrète : « Celles qui ont fréquenté l’enseignement secondaire gagnent 2 000 dollars de plus que celles qui se sont arrêtées à l’école primaire », note encore le rapport, s’appuyant sur des données de la Banque mondiale.
En les déscolarisant, la crise renvoie surtout les enfants au travail, formel ou informel. Le phénomène avait pourtant décru ces dernières années, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Pas moins de 218 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans – soit un sur sept – travaillent aujourd’hui, principalement dans l’économie informelle.
Autre fléau aggravé par les crises : la prostitution. « Les usines ferment partout et, maintenant, les femmes sont abordées par des trafiquants sexuels qui leur demandent si elles veulent aller travailler en Occident », déclare Jitra Kotchadet, responsable syndicale en Thaïlande, citée par Plan international.
Mais c’est sur l’emploi des femmes que la récession se fait d’ores et déjà sentir. Rappelant les conséquences désastreuses des crises récentes – en Asie en 1997, en Argentine en 2001, ou l’éclatement de la bulle Internet la même année aux Etats-Unis – sur la main-d’œuvre féminine, le rapport pointe les premiers effets de la crise actuelle.
Selon l’OIT, 22 millions de femmes pourraient perdre leur emploi dans le monde en 2009, le taux de chômage augmentant plus vite pour les femmes que chez les hommes. L’OIT souligne qu’entre 50 % et 55 % des salariées occupent des emplois considérés comme « vulnérables » (par le salaire ou le statut) contre 47 % à 52 % des hommes.
Dans les pays émergents, où le marché du travail s’est fortement féminisé à la faveur de la mondialisation, notamment dans les services, dans la santé ou dans l’habillement, l’impact est déjà énorme. « Dans le secteur formel, et notamment dans les secteurs destinés à l’exportation, où 75 % à 80 % de la main-d’œuvre est féminine, 7 travailleurs licenciés sur 10 à cause de la crise financière sont des femmes », souligne l’Alliance nationale des femmes des Philippines, citée par Plan international.
En Afrique, selon Ritu Sharma, présidente de Women Thrive Worldwide, coalition d’une cinquantaine d’associations américaines, cent mille emplois de l’industrie textile – dont 90 % sont occupés par des femmes pauvres – sont menacés. A contrario, aux Etats-Unis, les femmes, employées en grand nombre dans les secteurs de l’éducation et de la santé, seraient plus protégées du chômage.
Ces licenciements massifs peuvent avoir des conséquences dramatiques quand l’emploi s’exerçait hors des frontières nationales. Les femmes représentant « au moins la moitié de la population des migrants internationaux », selon un rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), ces pertes d’emploi entraînent une baisse des envois de fonds aux familles restées au pays.
En 2009, la Banque mondiale a prévu un déclin de 7,3 % de ces flux financiers, évalués en 2007 à 14,5 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros).
Sur le Web : le rapport « Because I am a girl » est accessible en anglais à l’adresse www.plan-uk.org.
Article paru dans le Monde, édition du 23.10.09. LE MONDE | 22.10.09 | 15h23