L’anthropologue Pierre Trudel a d’abord rappelé que la rencontre se tenait sur un territoire non cédé occupé pendant plusieurs millénaires par des communautés autochtones.
La militante algonquine Shannon Chief (dont le nom traditionnel est la Femme-Ourse) a relaté les pénibles problèmes d’abus de pouvoir et de mauvaise gestion des fonds par les conseils de bande. Elle dénonce ces structures administratives non autochtones imposées par l’État colonial, qui provoquent, constamment, de la division parmi la communauté. Elle fait présentement des recherches, conjointement avec les Anciens (Elders) de sa communauté, sur la façon dont les Algonquins se dirigeaient dans le passé afin de proposer des alternatives à la situation présente. La déforestation et l’industrie minière incitent de même plusieurs chefs algonquins du Nord de l’Ontario à s’unir pour affronter ces problèmes.
Julien Vadeboncoeur, Innu enseignant au collège Kiuna[2], a expliqué la genèse de la Loi sur les Indiens (1876), qui a imposé aux « Indiens enregistrés » du Canada des règles contraignantes et avilissantes à leur mode de fonctionnement, à leurs pratiques culturelles, à l’éducation de leurs enfants, en plus de les déposséder de leurs terres. Au XIXe siècle, l’État colonial prenait conscience qu’il n’avait plus besoin des Indiens. D’une part, le commerce des fourrures, qui nécessitait leur aide, était en déclin. D’autre part, après la guerre de 1812 contre les États-Unis, les Autochtones n’étaient plus utiles en tant que soldats de réserve et chair à canon. Au même moment, l’État canadien, suivant la tendance impérialiste britannique, instituait le régime de propriété privée sur le territoire, entre autres pour construire le train entre l’est et l’ouest du pays. Les Autochtones devenaient alors un obstacle au développement (du capitalisme), et le nouvel objectif était de les faire disparaître afin de s’approprier leurs terres.
Après la Confédération en 1867, l’État a utilisé pour les réduire une méthode d’assimilation radicale et à grande échelle en kidnappant des milliers d’enfants autochtones et en les envoyant dans des pensionnats où leur culture et leur langue étaient interdites. Cette déportation provoqua une déconstruction socioculturelle importante dans les communautés, qui perdure encore, ainsi qu’un génocide maintenant reconnu comme tel.
Pour Vadeboncoeur, il est important de dénoncer et de remettre en question l’historiographie nationale visant à présenter l’assimilation forcée des Autochtones comme une triste chose du passé et les invitant à devenir des « citoyens canadiens à part entière » dans un grand Canada multiculturel et uni, un des « meilleurs pays au monde ». Cette proposition, relancée par l’actuel gouvernement Trudeau, rejette toute idée de discussion réelle autour du partage du territoire, de Nation à Nation, alors que, selon lui, la négociation des revendications territoriales est la clé d’une véritable nouvelle alliance entre les peuples cohabitant sur le territoire canadien.
Myriam Thernish, Innue originaire d’Uashat sur la Côte-Nord, est chargée de projet au Centre culturel et communautaire Montréal Autochtone (MA). En plus d’y enseigner la langue innue, elle est porte-parole d’un projet dont le but est « d’autochtoniser » Montréal. Montréal constitue en effet la plus grande ville autochtone du Québec avec ses quelque 20 000 résidentes et résidents autochtones, mais elle est en retard par rapport à d’autres villes canadiennes. Dans un premier temps, MA a sollicité la communauté autochtone de Montréal et a reçu plus d’une centaine de projets, en lien avec la toponymie, les œuvres d’art public, la création d’emploi ou le logement social. Les projets en lien avec le logement social valorisaient un type de développement urbain dans lequel la qualité des espaces naturels et des espaces publics autour et à proximité du bâtiment était aussi importante que le bâtiment lui-même.
Synthèse de Geneviève Beaudet[1]
Notes
- PierreTrudel est anthropologue et enseigne à l’UQÀM. Shannon Chief est une militante algonquine. Myriam Thirnish est chargée de projet au Centre culturel et communautaire Montréal autochtone. Julien Vadeboncoeur enseigne au collège Kiuna. Geneviève Beaudet est une militante pour la solidarité avec les Autochtones. ↑
- C’est un institut postsecondaire bilingue des Premières Nations situé à Odanak en Mauricie. ↑
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