L’année 2017 a marqué le 50e anniversaire de l’assassinat d’Ernesto « Che » Guevara, commandé par la CIA[2]. À la lumière d’un regain récent des dénonciations du Che et de la révolution cubaine, il importe de départager les faits des fictions. Voici cinq points saillants dont il faut tenir compte.
- Il y a un cercle croissant de gens qui tapent systématiquement sur Cuba, et qui recherchent effectivement le renversement de la révolution cubaine, y compris chez certains qui se proclament de gauche. Dans leur exigence de la perfection, ils ont tendance à ne voir que les échecs de la révolution cubaine et de ses dirigeants. Ils déforment la vérité et fondent leurs arguments sur des mensonges, tels que qualifier le Che de « stalinien zélé », attaché aux « pratiques autoritaires », notamment celles des comités de défense de la révolution (CDR) taxés d’organismes « d’espionnage » et de « contrôle ». En réalité, les CDR étaient et demeurent des institutions clés de la démocratie socialiste et participative, en évolution et loin de la perfection, que les jeunes révolutionnaires[3] cherchaient à établir en 1959, face à l’agression étatsunienne persistante soutenue par les partisans irréductibles de l’ancienne dictature de Batista. Aujourd’hui, cette agression continue par le blocus économique, la mainmise sur Guantánamo, des actions terroristes, des menaces militaires, une offensive culturelle orchestrée et les subventions aux « dissidents » (mercenaires), aux agents de la CIA et à certaines ONG à Cuba, sans compter les mensonges et la désinformation des médias de masse, également ceux de certains médias sociaux[4].
- Che a compris la centralité d’une politique fondée sur l’éthique avec une prévalence des facteurs subjectifs, d’où découle la transformation de la société cubaine en une école géante pour reconquérir la culture et les valeurs éthiques du pays. D’où les campagnes d’alphabétisation et de « travail volontaire », les progrès de l’enseignement, de la médecine, de la participation populaire, des réformes agraires, de la construction d’habitations, etc. Ces progrès ont transformé les objectifs idéalistes proposés à l’origine par Martí, Mella, Guiteras et d’autres révolutionnaires de l’histoire cubaine, en réalités sur le terrain alors qu’elles semblaient impossibles, même dans les rêves les plus fous !
- En refusant le recours aux méthodes capitalistes pour combattre le capitalisme, Che et Fidel ont mis en œuvre les méthodes dialectiques du marxisme-léninisme pour réaliser une révolution socialiste de libération nationale, transformatrice des institutions et des rapports sociaux et humains, par une praxis organisée et consciente qui – malgré les erreurs qu’eux-mêmes et leurs héritiers ont reconnues – perdure aujourd’hui.
- Comme on le savait à l’époque et ce qui a été confirmé dans ses écrits postérieurs à son assassinat, le Che a émis plusieurs avertissements quant aux périls venant des carences du « socialisme existant » et de la reprise mécanique des manuels et méthodes soviétiques[5]. Il a observé qu’au « dogmatisme intransigeant de l’ère stalinienne a succédé un pragmatisme inconsistant… un retour au capitalisme ». Il a perçu les actions et propositions de la révolution cubaine comme « contraires à ce qu’on lit dans les manuels [soviétiques] » et a contribué aux critiques marxistes perspicaces des sociétés capitalistes et socialistes, et de leurs théories.
- Che, comme Fidel, était profondément engagé en faveur de la paix, mais malheureusement, il a dû prendre les armes pour que le monde se rapproche de cet objectif éphémère. Pour la possibilité d’un monde sans guerre, Che a donné sa vie, comme Fidel y a consacré la sienne. On a beaucoup à apprendre de leurs exemples.
Notes
- Historien, activiste, poète, auteur de plus de 50 ouvrages, membre de la Table de concertation Québec-Cuba. Texte traduit par Marie Stewart. ↑
- CIA : Central Intelligence Agency (Agence centrale du renseignement) des États-Unis. ↑
- Au moment de la révolution, Fidel Castro avait 33 ans et le Che, 31. ↑
- Arnold August, Cuba–U.S. Relations. Obama and Beyond, Winnipeg, Fernwood Publishing, 2017. ↑
- Che Guevara, Critical Notes on Political Economy, Melbourne, Ocean Press, 2007 et Che Guevara, Philosophical Notebooks. Writings on Marxism and Revolutionary Humanism, Melbourne, Ocean Press, 2008.↑
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