La prochaine université populaire des NCS accorde beaucoup d’attention à la question autochtone qui sera discutée sous l’angle de l’histoire, de l’État, du capitalisme et des résistances.
Depuis 2006, Stephen Harper a entrepris de mettre de l’avant son projet de refonder l’État canadien autour d’un capitalisme « pur et dur » doté d’une armature religieuse conservatrice. Tel qu’évoqué au début, les nations autochtones n’existent pas dans cet imaginaire néoconservateur, au-delà d’images folklorisées. Les revendications territoriales sont inacceptables. Plus encore, le système des administrations autochtones doit être démantelé. Pour justifier ce tournant, le gouvernement avec l’appui des médias déclenche une vaste campagne de dénigrement. Pour autant, les peuples autochtones persistent et signent, comme la nation atikamekw qui bloque des routes sur ses territoires pour limiter l’accès des exploitants aux ressources forestières.
Aujourd’hui, les autochtones occupent une place particulière, mais non unique, dans le dispositif stratégique mis en place par l’État canadien. En théorie en tout cas, cette réalité indique qu’une convergence entre le mouvement autochtone et le mouvement populaire au Québec et au Canada est nécessaire. Mais on le sait, les obstacles sont importants. D’emblée, les mouvements sociaux doivent partir de la réalité coloniale structurée par les États et imposée aux peuples autochtones. La revendication autochtone n’est pas seulement pour réclamer de meilleures conditions et même des droits, mais pour briser le rapport qui continue de les subjuguer comme peuples. À un autre niveau, il faut accepter que les Blancs, y compris le peuple québécois, ne sont pas « propriétaires » du territoire. Il n’y a pas de relation durable qui parte de cette réalité, ce qui impose de dialoguer de peuple souverain à peuple souverain, d’égal à égal.
Une bataille opiniâtre
On le sait et on le voit, imposer un tel dialogue d’égal à égal n’est pas une mince tâche. Les élites et les politiques étatiques tentent toujours de diviser par la démagogie, le mensonge et la cooptation. Mais dans l’histoire récente, il y a eu des luttes et des convergences. Souvenons-nous de la campagne courageuse du Réseau de solidarité avec les autochtones au moment de la crise d’Oka, ou encore aux interventions persistantes de la Ligue des droits et libertés. Encourageons-nous du fait que des intellectuels, des artistes, des enseignants blancs et autochtones réussissent à se mettre ensemble pour éveiller et éduquer, comme la revue Recherches amérindiennes, le Festival « Présence autochtone »), sans compter les initiatives étudiantes qui abondent à l’UQAM et à Concordia, de même qu’au campus de Val d’Or de l’UQAT par exemple. Ces efforts sont admirables pour changer la perception du « peuple invisible », selon la belle et triste expression du poète et cinéaste Richard Desjardins.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin. Est-ce faisable? Sur un registre politique, c’est exactement ce que Françoise David vient de dire en appui aux actions d’Idle no More et en opposition aux politiques de Harper qui mènent à l’érosion des normes environnementales, l’exploitation accélérée des ressources naturelles, au non-respect de la souveraineté des nations autochtones.
Pour vraiment concrétiser tout cela, on peut écouter les populations autochtones, qui ont une autre conception du monde. La présence humaine sur la terre n’est pas séparée de cette terre. Les humains sont une composante d’une réalité plus vaste où ils coexistent dans une dépendance mutuelle et perpétuelle avec les autres formes de vie et même de non-vie. Cette nécessaire solidarité, c’est ce que veulent dire les Quechuas et les Aymaras des Andes par la PACHAMAMA, un terme qu’on a de la difficulté à traduire (la « terre mère »). Les diverses réalités, l’humain, la vie non humaine et l’environnement naturel ne peuvent se développer dans la conflictualité. Cette idée, qui semblait ésotérique il n’y a pas si longtemps, resurgit dans un monde où la voix des autochtones résonne de plus en plus fortement.