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Québec solidaire après les élections

QS est sorti de l’ombre

Les conditions ont été de loin meilleures pour faire sortir QS de la marginalité pour cette élection par rapport à la dernière. La couverture médiatique a été plus consistante, nonobstant le refus des partis d’intégrer QS dans le débat dit des «chefs». Certes, QS était la plupart du temps présenté comme le parti «en plus» des trois «grands partis». Cependant à part les éditorialistes ultra-droite de Power Corporation, les reportages et les opinions ont été souvent sympathiques, principalement à Radio-Canada, dont l’audience n’est pas négligeable. On a eu aussi droit à des appuis clairs et résonnants, comme ceux de Pierre Foglia et de Gil Courtemanche, qui ont par la suite été amplifiés par les appuis de Claude Béland et de quelques autres personnalités sociales et culturelles. Également cette fois, QS disposait d’un programme assez bien ficelé ainsi que d’un secrétariat national. À cela se sont ajoutés deux équipes «de choc», renforcées par quelques «professionnels» de l’organisation et des communications, dans les comtés de Mercier et de Gouin, qui ont mobilisé beaucoup de personnes, reçu beaucoup d’appuis, ce qui a permis à Amir et à Françoise de sillonner leurs comtés en long et en large et avec les résultats que l’on connaît.

La masse critique

Malgré ces deux facteurs positifs, il faut constater que l’appui à QS a rétréci (environ 20 000 voix de moins), ce qui donne un résultat plutôt décevant de moins de 4%. On peut se consoler que c’est le double du vote reçu par le Parti Vert, mais même là c’est décevant puisqu’on aurait pu espérer un transfert des Vers aux Solidaires. Mais visiblement, cela ne s’est pas produit. On pourra dire que ce déclin est lié au taux (énorme) d’abstention, mais ce n’est pas tout à fait vrai puisque les votes pour le PQ et le PLQ ont augmenté (c’est le vote de l’ADQ qui s’est effondré). On doit donc constater que le message, même s’il a plus circulé, n’a pas vraiment passé.  Sans blâmer d’autre que soi-même, on peut se demander cependant pourquoi les mouvements sociaux, dont la proximité politique avec QS est trop évidente, ne se sont pas plus mouillés. Les syndicats (à part le Conseil central de Montréal de la CSN), les groupes communautaires, le mouvement étudiant, écologiste, les organisations de solidarité internationale, la grande mouvance de l’économie sociale, ne se sont pas «mouillés», sinon que de façon individuelle. Dans un tel contexte, on ne pouvait pas s’attendre à des miracles. Après tout, le NPD (au Canada anglais), les partis socialistes et communistes (France, Italie), le PT au Brésil et tous les autres partis de gauche dans le monde dépendant, dans une large mesure, de la mobilisation et de l’appui concret des mouvements sociaux. Il semble qu’ici persiste cette tradition de non-intervention qui date depuis longtemps, et qui aujourd’hui se mêle avec des appuis plus ou moins déclarés au PQ, comme la «moins pire» des options. Dans ce contexte, la masse critique n’est pas là.

Saisir notre chance

Il faut accepter le fait que le projet de QS reste peu attirant pour une masse de gens qui ont été assommés pendant des décennies d’idéologie néolibérale, y compris par la presque «social-démocratie» péquiste, et qui en plus maintenant se font dire que la crise va les emporter. Il ne faut pas sous-estimer la domination des perspectives néolibérales même si parfois c’est par «défaut», vu le fait qu’il n’y a pas d’alternative «crédible». Or voilà le point justement : QS n’est pas une alternative crédible pour la grande masse des gens. Et là-dessus, il faut noter deux processus contradictoires. Pour beaucoup de jeunes, QS n’est pas attrayant, trop «soft» et surtout enfoncé dans un système politique aussi antidémocratique que trompeur. Conclusion pour ces jeunes, cela ne vaut pas la peine. Pour d’autres, moins jeunes, QS ne peut qu’être une sorte de «mouche du coche» sympathique mais inefficace, qui ne fait pas le «poids» face au PQ. Bien sûr, le PQ est en déperdition, idéologiquement parlant (tant sur la dimension social-démocrate que sur la dimension nationaliste), mais il reste encore la référence pour plusieurs millions de personnes dont une bonne partie pense, «il n’y a rien de mieux». Aujourd’hui donc le défi demeure. Amir à l’Assemblée nationale saura dire haut et fort ce que plusieurs citoyens et citoyennes pensent, et cela devrait faire une différence. Il pourra le faire d’autant mieux que QS pourrait relancer la mobilisation, avec des initiatives citoyennes sur l’économie, la santé, l’éducation, le déclin des régions. Il n’y a pas de raison pour que QS ne devienne pas un pôle autour duquel les individus mais aussi les mouvements peuvent s’agglutiner, non pas dans un rapport de subordination, mais dans la convergence. Dans ce sens, cela concrétiserait le rêve d’un parti des urnes qui est aussi un parti de la rue. Tout cela sera efficace avec une certaine modestie du langage et des perspectives, pas pour «cacher» quoi que ce soit, mais parce que c’est approprié et légitime de refuser le système néolibéral en place et de proposer des réformes politiquement pertinentes et techniquement réalisables. Ce que nous suggérons ici est un ré-enracinement organisationnel et politique via des actions et des initiatives concrètes, en évitant la surenchère verbale qui fait partie de la tradition de la gauche, malheureusement.

À la prochaine

Les quatre prochaines années seront certainement turbulentes. Charest et son copain Harper (à moins que cela soit l’autre copain Ignatief) vont revenir à la charge. Ils oseront profiter de la crise pour approfondir, et non atténuer, le virage néolibéral, quitte à arrondir certains coins avec des succédanés temporaires. Sur le fond cependant, les dominants sur lesquels sont appuyés ces partis ne veulent absolument pas d’un nouveau «grand compromis» comme celui qui avait émergé de la grande crise des années 1930. Ils pensent pouvoir bricoler quelques mesures et continuer leur «globalisation» et leur financiarisation qui les ont rendus tellement plus riches depuis 25 ans. Pourquoi agiraient-ils autrement ? Hier comme aujourd’hui, ce ne sont pas les dominants, mais les dominés qui forcent le changement. La balle est dans notre camp.

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