Par ailleurs, la thèse de l’accident purement circonstanciel ne tient pas la route lorsqu’on examine les résultats de cette circonscription depuis le score remarquable de Paul Cliche en avril 2001 coalisant l’ensemble des forces de gauche et préfigurant son unification en voie de réalisation. On peut même remonter au score du minuscule mais courageux PDS de 1998 pour constater, aux fils des scrutins, le net enracinement des valeurs et des thèses de la gauche souverainiste dans cette circonscription. Ce vote est d’abord un vote d’adhésion aux valeurs de Québec Solidaire.
Voter pour le bon docteur?
D’autres attribuent l’essentiel du résultat au seul succès personnel du
candidat. On louange ses indiscutables qualités de communicateur politique,
son aura professionnel, son charisme etc. Nul doute que tout cela a influé
sur le résultat mais n’est-ce pas une autre façon de discréditer une
victoire que de la personnaliser à outrance? Bref, s’il y a un certain vote
d’estime autour de la candidature de M. Khadir, il faut se garder d’en
exagérer l’importance. Ce type d’analyse, très people, passe à la trappe les
progressions enregistrées par d’autres candidatures dont celle de Françoise
David, la co-porte-parole de Québec Solidaire dans un contexte beaucoup plus
difficile. Cette vision glamour de la politique ignore également
l’importance du travail de terrain où les candidats et candidates, enracinés
dans leur milieu, tendent l’oreille aux préoccupations concrètes des gens et
se font leur porte-parole. Qui a relevé qu’Amir réclamait plus de médecins
pour le CLSC de son quartier? Comme professionnel de la santé, Amir s’est
fait surtout connaître pour la farouche opposition de son parti à la
privatisation du secteur de la santé. Lorsque certains votent pour le bon
docteur, ce n’est surtout pas pour s’incliner devant un titre professionnel
mais d’abord parce que nous ne voulons pas troquer notre carte soleil
contre une carte de crédit. Les gens qui ont votés pour Amir ont confiance à
la solidité de ses convictions sociales. Il ne fera pas comme un certain
autre docteur qui a récemment quitté le gouvernement libéral pour faire la
promotion du secteur privé. Il y a aussi, derrière ce vote, comme un mandat
particulier: défendre et promouvoir un système de santé de qualité,
universel et gratuit.
S’il faut accoler une étiquette à la victoire de Québec Solidaire c’est
bien celle de la pugnacité des équipes militantes qui ont su labourer au bon
endroit et en profondeur depuis une dizaine d’années. Cette victoire c’est
d’abord la leur et ils sauront bien trouver le moyen de transformer cette
circonscription en véritable bastion de la gauche. Non pour s’y enfermer,
mais pour rayonner et essaimer afin de contribuer à créer deux, trois
plusieurs Mercier. C’est ainsi que l’accidentel épiphénomène apparaîtra pour
ce qu’il est vraiment: un premier signe avant coureur d’une montée de la
gauche politique en cette période de crise du néolibéralisme et de ses
douloureuses recettes.
Josée Vannasse et François Cyr sont membres de Québec Solidaire et
co-directeurs de la campagne du candidat dans Mercier.