La possibilité quasi certaine de reporter au pouvoir le Parti Conservateur aura certainement des conséquences tragiques pour la classe populaire du Canada et du Québec. L’annonce par Stephen Harper de devancer d’un an l’atteinte de l’équilibre budgétaire n’augure rien de bon pour la survie des services publics et des programmes sociaux. Déjà la Fédération des Femmes du Québec s’est fait retirer la part de subvention du gouvernement fédéral, laquelle correspond à 40% de son budget.
Alors comment renverser la vapeur ? Regardons d’abord les données des cinq dernières élections fédérales, de 1997 à 2008 :
Notre premier constat est que la droite s’est réorganisée. D’un parti régional sous la direction de Preston Manning en 1987, le Parti Réformiste s’est développé puis a fusionné en 2000 au sein de l’Alliance Canadienne. Puis nouvelle fusion en 2003 avec le Parti Progressiste Conservateur pour former le Parti Conservateur du Canada. Déjà en 1997 on peut constater que le total des votes du Parti progressiste conservateur et du Parti Réformiste atteignait 38,2%, soit seulement 0,3% en dessous Libéraux. En 2000 le total des votes de l’Alliance canadienne et du Parti Progressiste Conservateur donnait 37,7%, soit un pourcentage identique à celui du Parti Conservateur en 2008 et supérieur à celui de 2006.
La force et la montée de la droite conservatrice au Canada n’est pas un phénomène né d’hier et ne pourra être combattu par des votes prétendument stratégiques. Il est le produit d’un processus de réorganisation de la droite au Canada-anglais sur une période d’une vingtaine d’années. Au Québec c’est surtout à partir de 2006 que la montée conservatrice s’est véritablement fait sentir, passant de 8,8% en 2004 à 24,6%. Cette remontée correspondait à la débandade des Libéraux suite au scandale des commandites. À noter le BQ n’a pas bénéficié de cette crise politique, puisqu’il a perdu 6,8 points durant cette période.
Les votes stratégiques, qui en fait n’en sont pas, n’ont eu pour effet que de retarder la construction d’une alternative politique à l’échelle pan-canadienne, de retarder la nécessaire alliance entre les mouvements ouvriers et populaires canadiens et québécois sur le plan politique et d’amener la gauche au Québec à limiter son horizon dans les enjeux pancanadiens au seul cadre québécois. Concrètement nous sommes condamnés à des gouvernements conservateurs ou libéraux, piégés par le vote utile pour le Bloc québécois qui n’hésite par à soutenir des politiques conservatrices (soutien de l’envoi des troupes en Afghanistan). Aujourd’hui ce retard nous rattrape.
C’est dans cette optique que nous croyons important d’appuyer le NPD. Parce qu’il s’agit du seul lieu à partir duquel on peut construire un mouvement progressiste pan-canadien, parce qu’il est le seul lien qui peut potentiellement amener le mouvement ouvrier et populaire canadien et québécois à bâtir une alternative politique. À cet égard la question de la reconnaissance du Québec comme nation est un point majeur non seulement pour le NPD mais pour le mouvement ouvrier canadien également. Ce n’est que du bout des lèvres que le Congrès du Travail du Canada (CTC) reconnaît le Québec comme nation comme c’est le cas également pour beaucoup de syndicats canadiens. Le défi de l’unité du mouvement ouvrier et populaire canadien et québécois dépend pour beaucoup de la reconnaissance de la nation québécoise et de son droit à l’autodétermination par le NPD et les grandes organisations syndicales du Canada-anglais. Mais la conjonction de nos forces sur le plan politique dépassera sa simple addition parce qu’elle déclenchera une dynamique seule capable de répondre à l’impasse politique et à la montée de la droite car elle jettera les bases de la construction d’une alternative politique de gauche à l’échelle pancanadienne.
(1) Avant 2003 il s’agissait du Parti progressiste conservateur, lequel a fusionné en 2003 avec l’Alliance canadienne.