On aurait pu s’attendre à un peu plus de la part de Pauline Marois face à la mobilisation étudiante en cours. On ne peut pas dire qu’elle a convaincu beaucoup de monde par sa promenade de 5 minutes dans la manifestation et en promettant de revoir la funeste décision si elle est élue ! Le message des jeunes est pourtant clair : pas de hausse ! Et en filigrane, élargissement (pas rétrécissement) de l’accès à l’éducation supérieure. Pas besoin d’être Fidel Castro pour penser cela, l’éducation est un droit, et non un privilège. Et en plus, si on veut faire son économiste, c’est un « investissement » qui rapportera énormément à notre société à long terme.
Il faut dire que cette valse-hésitation du PQ ne date pas d’hier. Après l’intronisation de Lucien Bouchard en 1995, l’inflexion a été majeure. L’option « lucide » s’est rapidement imposée dans un discours culpabilisant dont Lulu était passé maître : au Québec on ne travaille pas assez (on est paresseux) et on est trop gâtés. Exactement comme le disait depuis toujours la droite la plus bêbête. Après le départ précipité de Bouchard, Bernard Landry a continué sur le même registre. « On est sérieux », ce qui voulait dire, on est « dans le rang », on applique les prescriptions néolibérales : privatisations, déréglementation et fascination pour le libre-échange, dont Landry se disait le champion. Il est vrai qu’il y a eu quelques bons coups, comme la création des CPE.
Une fois sorti du pouvoir, le PQ a continué le dérapage. Les « lucides » ont mené le bal, tout en se disant compatissants avec la cause populaire. Sur le fond cependant, ils ont repris le même discours. C’est ainsi qu’il y a à peine un an, Nicolas Marceau, un jeune loup « montant » du PQ en tant que critique de l’opposition en matière de finance se disait d’accord, en bon « lucide » qu’il est, avec une hausse des frais de scolarité « au rythme de l’inflation » prenait-il la peine de dire. Les libéraux applaudissaient, de même que les ténors de la droite dans le genre Alain Dubuc : « enfin le PQ devient réaliste ». Plus tard décrié par le comité des jeunes du PQ, Marceau a essayé de se faire oublier. Aujourd’hui on n’a un peu de difficulté à le croire quand il se dit « solidaire » avec les étudiant-es.
On pourrait dire que cela était une erreur de parcours. Mais en réalité, ce genre de double discours structure le PQ. L’exploitation des gaz de schistes ? On est contre mais on pourrait être pour. La nécessité de renforcer le secteur public et de stopper la folle ronde des PPP et des PPC ? Peut-être que oui, peut-être que non. Réformer le système politique pourri et anti-démocratique dont on subit les conséquences ? Bonne idée mais pas pour maintenant.
Actuellement, le PQ va vers la gauche, parce que les étudiants ont le vent dans les voiles, parce que la population en a marre non seulement de Charest mais des inepties de Legault et des autres lucides recyclés et à moitié recyclés. Il s’agit alors de capter un électorat qui pourrait glisser vers QS et réclamer des vrais changements dans une sorte de deuxième vague orange.
Soyons honnête, il y a quelque chose de positif dans cela puisque cela reflète cette masse critique de la population qui aspire, dans d’autres mots, à une nouvelle révolution tranquille. Pour autant, il est inquiétant de voir le PQ tenter de surfer sur un mouvement social qui n’est pas le sien, et dont il s’est même détaché lorsqu’il était au pouvoir. Se profile alors l’éventualité assez négative de voir le retour du PQ au pouvoir dans les mêmes conditions qu’avant. Un prochain gouvernement PQ pourrait bien essayer de « gérer » le chaos actuel, quitte à l’humaniser un peu. Mais s’il refuse de sortir de la prison du néolibéralisme, il sera condamné, comme à l’époque du roi Lulu, de confronter les aspirations populaires. Un autre scénario est-il pensable ? Pour cela, il faudrait que QS acquière plus de force et puisse, de concert avec les mouvements sociaux, forcer des changements par en bas. On est loin de cela. Peut être qu’on n’est pas si loin que cela.