Parce que nous sommes nombreux à être sortis de l’ombre où un capitalisme triomphant nous avait relégué, nous avons ressenti le besoin de nous regrouper pour écrire, filmer, créer. Pour témoigner, en somme, des événements extraordinaires qui secouent le confort et l’indifférence du Québec. [Éditorial]
Nous y sommes. Après des mois de débats, de réflexions, d’analyses, de création, de pleurs, d’espoirs - d’indignation, surtout. L’indignation enfin conjuguée au Nous. Des voix qui se retrouvent dans la soif du dialogue, de reconstruire une vie en commune qui nous rassemble plutôt qu’elle nous divise.
Ce « premier numéro » du magazine Nous Autres est à l’image de la diversité des expériences et des points de vues de ses artisans. Bien qu’il évoluera dans les prochains jours en vous proposant de nouvelles parutions, il vous offre dès sa mise en ligne deux douzaines de textes et de documents vidéos produits par ses membres fondateurs et quelques collaborateurs externes.
Né du printemps québécois pour résister à l’hiver politique, Nous Autres fait une large place à l’étincelle que fut le conflit étudiant – mouvement éveilleur de conscience réchauffant la fibre engagée de centaines de milliers de Québécois. Mario Jean a réalisé une vidéo montrant magnifiquement ce renouveau politique et social du Québec, bercée des mots de Moustaki, « une jolie fleur du mois de mai… qui nous donne envie de vivre… on l’appelle révolution permanente… » Mais le printemps québécois a aussi attisé notre colère et notre indignation face à la violence et l’arbitraire policiers, comme nous l’exposons dans notre éditorial accompagné d’un document vidéo choquant. En revanche, aux épreuves de force se sont opposées un foisonnement d’initiatives créatrices et militantes, comme on peut le voir dans « 7 jours de grève… la belle vie! » produit par 99% [Québec] pour Nous Autres.
Le réveil d’un peuple est aussi le réchauffement et la création de solidarités nouvelles. D’éveil à l’autre. Bertrand Laverdure montre, dans le poétique »Je ne suis rien avant la #manifencours, » combien la force d’être ensemble transforme nos subjectivités. Si les étudiants ont souvent occupé la première place dans les médias traditionnels, leur combat a permis également l’expression de revendications et d’indignations profondes – notamment des « Profs contre la hausse. » Anne Bérubénous offre les portraits de ces profs, croqués par Sylvie Béland.
En plus de ces nouvelles solidarités, le conflit social a également été un révélateur puissant des jeux de pouvoir au sein de la société québécoise. Dans un reportage fouillé, Moïse Marcoux-Chabot fait la genèse de points de droits obscurs qui ont permis à l’appareil policier de procéder ce printemps aux arrestations massives que l’on sait. De son côté, Bertrand Laverdure a lu pour nous un ouvrage déconstruisant le pouvoir économique et politique d’un des hommes les plus puissants du Québec, Paul Desmarais.
L’arrogance du pouvoir ne se limite ni à la puissance financière ni à celle de la police. Elle se reflète aussi dans la gestion des ressources naturelles du Québec, notamment dans le cadre du « Plan Nord. » Marie-Ève Rousseau a enquêté sur la gestion de l’organisme qui en a la charge.
Nous Autres cherche de la même manière à réfléchir de notre société. Ainsi, Éric Martin nous invite à réfléchir à notre destin commun dans un texte d’analyse approfondi, Reprendre nos esprits alors que Annabelle Moreau a lu pour nous le parcours militant de François Saillant. De la même manière, Nous Autres nous amènera à dépasser nos frontières, tant pour réfléchir à l’avenir du capitalisme, comme le fait Ianik Marcil dans « Quelle économie politique de gauche pour le 21e siècle » qu’à ses conséquences immédiates, comme nous le propose Léa Clermont-Dion dans un reportage sur les travailleurs de l’industrie sucrière au Burkina Faso.
La vie en commun, c’est aussi la création et l’imaginaire. C’est la raison pour laquelle les œuvres poétiques ou d’arts visuels auront belle place dans Nous Autres. On pourra y découvrir les caricatures caustiques de Karine Turcot comme ses textes de réflexion sur les usages du langage quotidien et son sens. Le jeune poète Julien Lavoie nous offre, dans « Le renouveau des croyances ou se rétablir au sens« , une belle réflexion sur nos racines et notre enracinement.
Les artisans de Nous Autres, c’est aussi Mario Jean, qui a dessiné notre logo, Shanti Loiselle qui a mis sa science pour construire notre site web, Daniel Sylvestre qui a dessiné les portraits des membres de l’équipe, Éric Robertson qui a donné un fier coup de main technique pour la production et la diffusion des vidéos comme plusieurs membres de l’équipe qui ont travaillé dans l’ombre à l’organisation, la coordination et la logistique du projet, notamment Johanne Morrisseau, Karine Turcot et Moïse Marcoux-Chabot.
Nous Autres n’est pas l’oeuvre que de ses membres fondateurs. Il accueille, notamment, dès sa mise en ligne:
- le philosophe Alain Denault (auteur de Noir Canada): « Aporie du fisc: impôt et décroissance« ,
- l’auteure, féministe et militante Sylvie Dupont (notamment co-fondatrice de La vie en rose): « Une impression de déjà-vu« ,
- l’alchimiste social Sébastien Paquet: « Cité émergentes« ,
- et même un revenant du 19e siècle, Charles Dickens, dans un texte inédit: « Tempérons la tempérance. »
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Bonne lecture et soyez attentifs à la suite des choses. Nous Autres évoluera en votre compagnie…