Disparition de journaux, perte et précarisation de milliers d’emplois, fragilisation du journalisme institutionnel, voilà à quoi se résument, pour le simple citoyen, les effets de la révolution numérique sur ce qu’on appelait « les médias de masse » au début de ce vingt et unième siècle, – avant l’arrivée des médias dits « sociaux ». Ce diagnostic est un peu court.
La grande transition
Le changement fondamental est celui du passage du modèle hiérarchique et oligopolistique de quelques producteurs et diffuseurs de contenu à celui des médias de masse individuels. Les citoyennes et les citoyens ne sont plus simplement des consommateurs d’information, mais aussi des producteurs et diffuseurs de contenu. Doublée d’une crise de confiance envers les médias, la crise des modèles d’affaires s’est faite au profit de nouveaux gros acteurs : les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui ambitionnent de tout ramasser. Bien entendu, Internet représente aussi une capacité de mobilisation accrue pour les mouvements sociaux mais, fondamentalement, les rapports de force n’ont guère changé et les sources d’inquiétude demeurent nombreuses : concentration des médias (d’où le problème de la diversité des sources d’information), concentration technologique et volonté de répression par les instances étatiques et les grands groupes privés. L’affaire Julian Assange en est l’exemple.
Dans le monde de l’information
Selon divers rapports[2], l’accès facile et « gratuit » à l’information par l’entremise des plateformes numériques a changé la donne. Pensons, par exemple, à la « cannibalisation » des revenus des médias traditionnels par ces agrégateurs de contenu qui utilisent les infrastructures technologiques sans jamais contribuer à la fiscalité des États ni au financement des entreprises de presse et des activités de production ou de création. L’écosystème médiatique numérique qui se met en place n’est pas sans remettre en cause la liberté d’expression et le droit du public à une information de qualité (pensons à la disparition des hebdos régionaux). Que faire donc devant cet état de fait ? D’abord, on peut s’inspirer des modèles d’aide à la presse développés ailleurs dans le monde : crédits d’impôt remboursables, développement de programmes afin d’appuyer le virage des entreprises de presse et leur capacité de mise en marché, etc. À plus long terme, et supposant une plus forte volonté politique à l’échelle nationale et internationale, citons l’imposition d’une taxe additionnelle sur les appareils électroniques ou aux fournisseurs de services ou aux entreprises de nouvelles technologies, tels Netflix ou Google.
Synthèse de Benoit Gaulin[1]
Notes
- Normand Landry est chercheur à la TELUQ et Pierre Roger est syndicaliste, secrétaire général-trésorier à la Fédération nationale des communications de la CSN. Benoît Gaulin est professeur de sociologie au cégep Ahuntsic. ↑
- MCE Conseils, L’avenir de la presse écrite et de l’information au Québec. Hypothèses de financement, mai 2016, <www.csn.qc.ca/wp-content/uploads/2016/06/Rapport_financement-medias_juin-2016.pdf>. ↑
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