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Manifeste de l’université québécoise

Dans Le manifeste de l’université québécoise: pour une université libre, accessible, démocratique et publique la communauté universitaire québécoise s’unit pour dénoncer d’une même voix la dangereuse dérive que prennent nos universités depuis les dernières années:  projets de loi sur la gouvernance, hausse massive des droits de scolarité, sous-financement public chronique et privatisation grandissante. Bref, nous assistons présentement à une attaque sans précédent contre les principes et les missions qui sous-tendent le rôle des universités québécoises depuis leur fondation. Il faudrait « s’adapter », c’est-à-dire abandonner un système d’éducation public universel, issu d’une mobilisation sociale et politique unique dans l’histoire du Québec.

Les étudiantes, les étudiants, les professeures, les professeurs, les chargées et chargés de cours, les membres du personnel professionnel, technique, administratif et du personnel de métier ainsi que les auxiliaires d’enseignement et de recherche du Québec ne sont pas dupes! L’appel trompeur du gouvernement et de ses « lucides » aux principes d’accessibilité et d’équité cache très mal le projet politique proposé ici: la mise à mort de ce qu’il reste de la mission originelle de nos universités.



L’université québécoise est, depuis plusieurs années déjà, en pleine mutation. Gouvernance, hausse des droits de scolarité, sous-financement, privatisation : nous assis­tons présentement à une attaque sans précédent contre les principes et les missions qui sous-tendent le rôle des universités québécoises depuis leur fondation. Il faudrait « s’adapter », c’est-à-dire abandonner un système d’édu­cation public universel, issu d’une mobilisation sociale et politique unique dans l’histoire du Québec.

Nous sommes étudiantes, étudiants, professeures, pro­fesseurs, chargées et chargés de cours, membres du personnel professionnel, technique, administratif et du personnel de métier ainsi qu’auxiliaires d’enseignement et de recherche et nous ne sommes pas dupes !

« Pas de faux consensus, ni d’hypocrite lucidité: nous prenons aujourd’hui la parole afin de réclamer haut et fort l’université que nous voulons pour nous, nos enfants et nos petits-enfants. Ce manifeste est une promesse. Une promesse de ne pas abandonner la lutte tant que l’université québécoise ne sera pas indépendante, publique et universellement accessible. »

Les missions de l’université :
vive l’université libre !

L’unanimité derrière la question du sous-financement ne doit pas masquer le débat sur les finalités de l’univer­sité. Les questions de financement et de gestion d’éta­blissement doivent être abordées dans le cadre d’une redéfinition en profondeur de sa mission. À la vision hé­gémonique et unilatérale de l’économie du savoir, nous opposons la nôtre : une mission plurielle et démocratique qui place l’enseignement et la transmission des connais­sances au centre de l’université du XXIe siècle.

Afin de préserver et de renforcer la mission institution­nelle critique de l’université au sein de la société québé­coise et considérant que les universités n’ont pas comme principale fonction la formation de la main-d’œuvre en vue du développement économique ou de l’enrichisse­ment personnel futur, nous exigeons de la part du gou­vernement du Québec qu’il :

reconnaisse officiellement que les établissements d’en­seignement universitaire du Québec ont pour princi­pale mission le développement et la transmission de la connaissance, de la culture ainsi que la formation du ju­gement critique dans une perspective de contribution au développement humain et social.

Entre sous-financement et mal-financement

En accord avec les principes de l’économie du savoir, l’enseignement, activité première et fondamentale de l’université, est déclassé par la « production de savoirs », de savoirs pratiques en particulier. La recherche elle-même subit une transformation profonde : la recherche fondamentale est progressivement délaissée au profit de projets appliqués, immédiatement rentabilisables et fortement subventionnés. Nous constatons à quel point rien n’est envisagé pour pallier le déséquilibre déjà senti entre recherche appliquée, d’une part, et recherche fon­damentale et à portée sociale, d’autre part. Aujourd’hui, le mot d’ordre du financement de la recherche au Québec est devenu « le maintien et le renforcement des liens en­tre les chercheures et les chercheurs et les entreprises pour assurer un meilleur échange d’idées et de savoirs, afin de développer des produits et des services qui trou­veront preneur sur le marché ». Les disciplines « à faible rendement » sont évidemment laissées pour compte dans cette ruée vers l’or et, de plus en plus, seules les universités les plus riches ont les moyens de les mainte­nir. Pour les autres, le choix est terrible : la bourse ou la philosophie ? La réponse, elle, ne surprend pas.

Les propositions qui font passer le sauvetage financier de l’université par le renforcement de la tarification et de la privatisation ne feraient ainsi qu’attiser le brasier : nous les rejetons donc avec vigueur. Au rôle collectif de nos universités doit correspondre un financement col­lectif : c’est à l’État de garantir la qualité et l’accessibilité de l’éducation postsecondaire pour l’ensemble de ses citoyens, sur l’ensemble de son territoire. Public, ce re-financement doit impérativement s’accompagner d’une réflexion profonde sur la finalité de l’éducation postse­condaire. Il en va de la survie de l’université et de la sau­vegarde de sa mission première. Si l’université doit être financée collectivement, elle se doit surtout d’être à la hauteur de son idéal constitutif.

Considérant une attention accrue portée à la recherche appliquée ou axée sur son caractère productif, nous exi­geons du gouvernement du Québec qu’il :

  • favorise, par un financement adéquat, l’équilibre en­tre l’enseignement et la recherche au sein de chaque université ;
  • finance équitablement les vocations fondamentales et appliquées de la recherche universitaire.

Gouvernance ou collégialité ?

La vague déferlante de la privatisation de nos universi­tés ne s’arrête pas à leur financement et à leur finalité. Dans la dernière année, c’est l’organisation même de nos universités qui a été remise en question. Un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec dans le but de calquer les instances décisionnelles de l’université sur le modèle gestionnaire de l’entreprise privée. Nous refusons que nos universités soient administrées selon une logique économiciste et nous réitérons, plus sûrs que jamais, notre engagement en faveur de la collégialité et de la démocratie.

Considérant l’importance de l’indépendance de l’ensei­gnement et de la recherche, laquelle indépendance est essentielle à la crédibilité et au fonctionnement des com­munautés scientifiques et universitaires, nous exigeons du gouvernement du Québec qu’il :

  • reconnaisse et respecte la liberté académique propre au milieu universitaire ;
  • reconnaisse l’autonomie des universités dans la dé­finition de leurs structures et dans leurs prises de décisions, le tout dans le respect de leur mission fondatrice ;
  • préserve le principe central de la collégialité dans l’ad­ministration des institutions d’enseignement supérieur et, conséquemment, favorise une large participation du milieu universitaire à leurs instances.

L’éducation, un droit humain fondamental

Les bouleversements dans le financement des universi­tés ont comme conséquence directe l’augmentation du fardeau financier des étudiantes et des étudiants. Au fur et à mesure que l’État réduit sa participation, celle de la population étudiante augmente, parallèlement à celle des entreprises privées. Prétextant vouloir régler le problème du sous-financement, le gouvernement annonce que les droits de scolarité seront haussés massivement de nou­veau en 2012, posant un faux dilemme entre un finance­ment adéquat des universités et le maintien de droits de scolarité abordables. Nous refusons de faire ce choix ; nous refusons d’opposer qualité et accessibilité à l’éducation. Nous refusons d’opposer ces deux principes qui peuvent et doivent aller ensemble, tant dans le domaine de l’édu­cation que dans l’ensemble des services publics.

Considérant que le gouvernement du Québec est tenu de reconnaître que l’éducation est un droit et non un pri­vilège économique, et ce, en vertu de son engagement envers le PIDESC entériné en 1976, dont l’article 13c) précise que : « L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capa­cités de chacun, par tous les moyens appropriés et notam­ment par l’instauration progressive de la gratuité ; », nous exigeons du gouvernement du Québec qu’il :

  • renonce à son engagement d’imposer une nouvelle hausse des droits de scolarité en 2012 ;
  • procède à une réforme de l’Aide financière aux études qui aurait pour objet de diminuer, voire d’éradiquer, l’en­dettement des étudiantes et des étudiants et qu’il en revoie en profondeur les paramètres.

Une institution collective, un financement collectif

Trop souvent, la situation actuelle des finances publiques du Québec sert de prétexte malhonnête aux disciples de l’économie du savoir. Le navire serait percé de toutes parts et il faudrait impérativement saborder la mission institutionnelle de l’université et son accessibilité, tout comme l’ensemble des services publics et des program­mes sociaux. Nous proposons la voie inverse : colmatons les brèches. Si les finances publiques de la province sont mal en point, cela résulte des choix politiques effectués durant les dernières années par les différents gouverne­ments sous les avis judicieux de leurs lucides conseillers.

On nous présente systématiquement la situation actuelle des finances publiques comme inévitable. Les coupes dans le financement public et la présence accrue du sec­teur privé semblent issues de la fatalité. Cela est faux. Ce sont des choix politiques bien précis effectués par les gouvernements successifs qui ont causé la situation ac­tuelle. Ils ont causé le problème et maintenant, ils nous proposent une solution encore plus destructrice : notre réponse sera un refus catégorique. Nous ne sommes pas aveugles devant une telle hypocrisie et nous militons en faveur d’un réinvestissement massif dans nos institu­tions, financé par des moyens équitables et collectifs.

Considérant que le sous-financement dont souffrent les universités depuis plusieurs années constitue une me­nace à la qualité de la formation universitaire au Québec, nous sommons le gouvernement du Québec de :

  • procéder à un réinvestissement massif de l’État dans les établissements universitaires du Québec, réinvestis­sement financé par des moyens collectifs et équitables.

L’université que nous voulons pour le monde que nous voulons

Afin de faire avancer le débat collectif et de jeter les bases de l’université du XXIe siècle, nous convions l’en­semble de la société québécoise à participer à une large consultation populaire sur le sujet. Nous nous indignons de celle annoncée dernièrement par la ministre de l’Édu­cation, consultation dont les dés sont déjà pipés, puisque l’on nous apprend d’avance qu’il sera question d’y déter­miner les modalités d’une hausse des droits de scolarité. Nous ne pouvons pas cautionner cette finalité.

Considérant qu’une véritable consultation ne peut por­ter uniquement sur la hausse des droits de scolarité ni traiter à la pièce, et encore moins en une seule journée, les maux qui affligent l’université québécoise, nous exigeons :

  • la tenue d’un débat large et démocratique prenant la forme d’États généraux sur l’université québécoise vi­sant à établir un plan de développement à long terme.

La réflexion à entreprendre sur l’université de demain est aussi une réflexion sur la société que nous voulons, le monde dans lequel nous voulons vivre. Que restera-t-il du Québec lorsque ses institutions d’enseignement supérieur seront devenues des machines à produire une main-d’œuvre pour l’industrie de pointe ? Car si l’univer­sité fait naufrage, c’est avant tout parce que la société en entier est entraînée dans la dérive. L’université que nous voulons, c’est aussi le monde que nous voulons.

La Table des partenaires universitaires (TPU)

La Table des partenaires universitaires (TPU) regroupe plus d’une dizaine d’organisations syndicales et étudiantes du Québec qui représentent la communauté universitaire québécoise.

  • Association pour une solidarité syndicale étu­diante (ASSÉ)
  • Conseil québécois des syndicats universitaires (CQSU-AFPC)
  • Fédération des associations étu­diantes universitaires québécoises en éducation permanente (FAEUQEP)
  • Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ)
  • Conseil provincial du secteur universitaire (CPSU-SCFP-FTQ)
  • Fédération des professionnèles (FP-CSN)
  • Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU)
  • Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
  • Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU)
  • Table des syndicats universitaires (TSU-CSQ)

http://universitequebecoise.org

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