Le NPD est-il une alternative?

La question qui nous interpelle aujourd’hui est la suivante : le NPD est-il réellement une alternative au gouvernement Harper ? À un premier niveau, électoral et parlementaire, la réponse est oui : le NPD, en tant que parti à la gauche du PC et du PLC,  est bel et bien l’alternative gouvernementale pour les progressistes au Canada en 2015.

 

Un système politique fait pour les dominants

 

Cela dit, il faut reconnaître que les Conservateurs ont construits une certaine hégémonie idéologique et matérielle qui repose sur une solide base sociale au Canada hors Québec. Cette hégémonie bénéficie de la croissance démographique dans les provinces de l’ouest, de l’importance grandissante de l’électorat dans les banlieues, notamment dans la région de Toronto, ainsi que les vagues d’immigration récentes de populations possédant des valeurs sociaux conservatrices (notamment d’Asie), du fractionnement des bastions industriels traditionnels de la classe ouvrière, et d’autres facteurs sociaux complexes. Dans notre système de scrutin majoritaire uninominal, il est démontré que le Parti conservateur peut être élu (comme cela a été le cas en 2011) avec moins de 40 % des voix. Le NPD est donc confronté à un sérieux mur à ce niveau. Mais ce n’est pas tout. Comme on le constate, les dominants n’ont pas abandonné  leur espoir de ressusciter le PLC comme le parti d’alternance préféré — ce qui pourrait diviser et affaiblir encore davantage l’opposition électorale au gouvernement.

 

Questions de fond

À un autre niveau de réflexion, il faut cependant se demander si le NPD est réellement en mesure de proposer un programme progressiste face au gouvernement Harper. En réalité, même si le NPD se situe à la gauche du gouvernement Harper, ce parti ne s’oppose pas fondamentalement à l’orientation néolibérale des politiques économiques et sociales poursuivies et mises en œuvre au Canada depuis plus de trois décennies. Au mieux, le NPD offre une version adoucie du néolibéralisme.

La question primordiale est l’évolution du Canada sous l’égide de l’industrie pétrolière et du capital financier torontois, en faveur d’une dépendance accrue sur l’extraction et l’exportation du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta. Sur ces questions, il faut constater que le NPD ne s’oppose pas à l’exploitation des sables bitumineux. Il propose plutôt d’augmenter le raffinage de ces produits au Canada, et de miser sur des mécanismes de marché — par exemple, de plafonnement et échanges des crédits (cap and trade) pour contrôler la pollution. Ces mécanismes, typiques des approches néolibérales, sont considérés comme totalement inefficaces par la vaste majorité des écologistes. D’autre part, ces propositions vont à l’encontre de l’engagement du NPD (plateforme électorale de 2011) de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 à un niveau de 80% en-dessous de celui de 1990.

Très récemment les entreprises pétrolières, inquiétées par l’opposition aux oléoducs en Colombie Britannique (Northern Gateway) et aux États-Unis (Keystone) ont lancé une vaste campagne en faveur de la construction et l’utilisation de pipelines est-ouest, de l’Alberta jusqu’au Québec et au-delà vers des nouveaux marchés, car elles craignent la concurrence venant de la production  de pétrole de schiste aux États-Unis. Or plus de pipelines veut dire plus d’exploitation des sables bitumineux. Pourtant, Thomas Mulcair se déclare tout à fait favorable à ces oléoducs est-ouest, qu’il envisage (entre autres) comme un projet pour renforcer l’ « unité nationale » (il faut dire que le gouvernement péquiste semble également favorable à ce projet).

 

La question québécoise

 

Dans cette même optique, le NPD, un parti très majoritairement anglophone dès ses origines, a historiquement eu un grand malaise face à la question nationale québécoise. La Déclaration de Sherbrooke, adopté en 2006 par le NPD fédéral comme position sur la question québécoise, représente un pas en avant cependant, parce qu’elle reconnaît  explicitement le droit du Québec à l’auto-détermination. Il en va de même pour la promesse de reconnaître la validité d’une simple majorité (50% plus 1) en faveur de la souveraineté dans l’éventualité d’un futur référendum québécois, ce qui se reflète dans  le projet de loi C-470 du NPD déposé au Parlement. L’opposition virulente à ce projet de loi manifesté par le gouvernement Harper, le PLC et les grands médias confirme le manque de volonté total des partis traditionnels et des dominants en général d’envisager un changement fondamental dans le statut constitutionnel du Québec. Mais là encore le NPD se démontre inapte à défendre cette mesure démocratique, encore moins d’expliquer à la population canadienne les fondements de l’oppression nationale des Québécois et Québécoises. Le problème central pour le NPD réside dans sa détermination d’œuvrer uniquement à l’intérieur des structures et des institutions du régime fédéral canadien, et son incapacité d’envisager toute vision alternative du fédéralisme qui irait dans le sens de construire « un autre Canada ». Historiquement, le NPD refuse toute discussion de fond sur l’idée de refonder le Canada, comme on l’a vu dans le passé face au projet du PQ pour créer une nouvelle association entre un Québec souverain et le Canada !

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