Se contenter de faire le minimum, ce n’est pas respecter les droits
Au cours de la dernière campagne électorale, le Parti québécois s’est engagé à « construire au moins 3000 logements sociaux par année pour loger nos familles ainsi que les personnes vulnérables et itinérantes », ainsi qu’à « construire des logements chez les communautés autochtones et inuites, particulièrement au Nunavik » 1.
Le budget de novembre 2012 a respecté au minimum le premier engagement, en annonçant le financement de 3000 unités dans le programme AccèsLogis, et ce, pour un an seulement. Rien de plus n’a été fait que ce qui était déjà prévu par le gouvernement précédent sur le deuxième engagement. Or, la gravité et l’urgence des problèmes d’habitation sont telles qu’il faudra bien plus que 3000 logements pour assurer le plein respect du droit au logement.
Urgence en la demeure
En mars 2013, la Commission populaire itinérante sur le droit au logement a remis un rapport intitulé Urgence en la demeure. Ce rapport est le fruit du travail de 14 commissaires qui, de manière indépendante, ont parcouru le Québec, tenant des audiences dans les 17 régions administratives et entendant un total de 351 témoignages provenant d’organismes ou de personnes vivants directement les problèmes de logement. Des audiences ont notamment été organisées à Kuujjuaq sur le territoire inuit du Nunavik et dans la communauté Anishnabe de Lac Simon en Abitibi.
Le constat fait par les commissaires est accablant : « Au terme de ses travaux, la Commission en vient à la conclusion que le logement ne va pas bien au Québec! Ce n’est pas une exagération de dire que les commissaires ont été bouleverséEs par les témoignages reçus. Certes, toute personne a droit au logement et ce n’est pas l’ensemble des locataires du Québec qui est victime de la violation de ce droit. Toutefois, la violation du droit au logement des plus vulnérables est tout simplement inacceptable et elle entraîne celle de plusieurs de leurs autres droits humains. Une société riche et développée comme le Québec ne peut tolérer qu’un pourcentage significatif de la population soit privé, dans les faits, d’un droit aussi élémentaire que celui de se loger »2.
En septembre 2013, Statistique Canada a publié les résultats sur le revenu et le logement de l’Enquête nationale auprès des ménages menée en 2011. Ces chiffres montrent que l’expression « crise du logement » utilisée par la Commission n’est pas exagérée.
L’Enquête nous permet de constater que 479 775 ménages locataires québécois consacrent maintenant plus que la norme de 30 % de leur revenu au loyer. Parmi ceux-ci, 227 875 en engloutissent plus de la moitié. Même si les comparaisons avec le recensement de 2006 sont un peu hasardeuses, les chiffres de 2011 ne provenant pas, comme par le passé, d’un formulaire long obligatoire, nous ne pouvons que remarquer qu’il s’agit d’une augmentation de 12 % par rapport à la situation vécue au Québec cinq ans auparavant. L’accroissement a été de 29 % dans la région métropolitaine de Gatineau et de 21 % dans celle de Trois-Rivières4.
Il est pour le moins révélateur que le nombre de causes pour non-paiement de loyer ait augmenté durant la même période de 7 % au Québec, de 24 % au bureau régional de Gatineau et de 37 % à celui de Trois-Rivières4. L’Enquête de Statistique Canada confirme aussi que le problème d’incapacité de payer est vécu plus durement par certains types de ménages. C’est notamment le cas de ceux à plus faible revenu. Ainsi, alors que 37 % de l’ensemble des ménages locataires québécois consacrent plus de 30 % de leur revenu au loyer, cette situation est vécue par 91 % des ménages locataires gagnant moins de 10 000 $ par année, par 77 % de ceux qui font entre 10 000 $ et 20 000 $ et par 48 % de ceux dont le revenu se situe entre 20 000 $ et 30 000 $.
Au Québec, 17 % de l’ensemble des ménages locataires paient plus de 50 % de leurs revenus en loyer, mais ce pourcentage monte à 86 % chez les ménages ayant des revenus inférieurs à 10 000 $ et à 35 % chez ceux qui font entre 10 000 $ et 20 000 $5. Les personnes vivant seules sont aussi plus en difficulté. Elles représentent en effet les deux tiers des ménages locataires payant plus de 30 % de leur revenu pour se loger et 70 % de ceux qui en consacrent plus de la moitié. Le FRAPRU ne dispose pas encore des données de l’Enquête sur le sexe et sur l’immigration en rapport avec le logement, mais nous pouvons parier qu’elles confirmeront que les femmes et les ménages issus de l’immigration récente sont également plus durement touchés.
L’Enquête fournit aussi des données démontrant que les conditions de logement continuent à se détériorer dans les communautés autochtones et en particulier dans les villages inuits du Nunavik. Ainsi, 20 % des logements étaient surpeuplés en 2011 dans le village de Kuujjuaq, ce pourcentage montant à 37 % à Inukjuak et Puvirnituq et à 53 % à Salluit! Quant aux logements ayant besoin de rénovations majeures, leur pourcentage est de 18 % à Kuujjuaq, 29 % à Inukjuak, 42 % à Salluit et 46 % à Puvirnituq6.
Le manque de logements locatifs
Le Rapport sur le marché locatif 7 publié à l’automne 2013 par la Société canadienne d’hypothèques et de logement confirme que la pénurie de logements locatifs, qui s’est amorcée dès 2000, n’est plus aussi générale que ce fut le cas pendant plusieurs années. Le taux de logements inoccupés est maintenant de 3,1 % à l’échelle du Québec et il dépasse même 5 % dans trois régions métropolitaines de recensement. Il demeure cependant inférieur au taux d’équilibre de 3 % dans les régions de Québec (2,3 %), de Montréal et de Saguenay (2,8 % dans ces deux cas).
Les logements familiaux continuent par ailleurs à être plus rares, le taux d’inoccupation des appartements de trois chambres à coucher et plus étant de 2,6 % pour l’ensemble du Québec, 2,3 % à Montréal, 1,5 % à Saguenay et 1,3 % à Québec. La pénurie demeure également extrême dans les régions à développement économique effréné comme l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord. Le taux de logements inoccupés est en effet de 0,1 % à Val — d’Or, de 0,6 % à Sept-Îles et Rouyn-Noranda et de 0,8 % à Amos. Le rapport de la SCHL révèle aussi que l’amélioration de l’offre de logements locatifs s’appuie en très large partie sur la mise en location d’unités de copropriétés vacantes. Le pourcentage d’appartements de copropriétés mis en location atteint maintenant 12 % dans la région métropolitaine de Montréal et 10 % dans celle de Québec8.
Sur l’île même de Montréal, 17 000 unités de copropriétés sont présentement en location, ce qui a évidemment un effet non négligeable sur l’offre de logements locatifs. Cette amélioration risque cependant d’être bien temporaire. De plus, les loyers des appartements de copropriétés sont beaucoup plus élevés que les autres. Dans l’agglomération de Montréal par exemple, leur loyer atteint 1227 $ par mois, alors qu’il est de 716 $ dans l’ensemble des logements locatifs. La construction de logements locatifs traditionnels, elle, est carrément amorphe.
Même si les chiffres définitifs des mises en chantier n’ont pas encore été rendus publics pour 2013, il semble qu’elles n’auront pas augmenté significativement par rapport à 2012 qui, elle, était la pire année à ce chapitre au Québec depuis le début des années 2000. Dans le cas de l’île de Montréal, c’est la construction de logements coopératifs avec AccèsLogis qui a permis d’éviter de justesse que 2013 ne soit encore plus désastreuse que 2012.
Malgré cet apport, à peine 739 logements locatifs ont été mis en chantier durant l’année, ce qui peut difficilement être considéré comme réjouissant.
Aller plus loin
Le FRAPRU a démontré en conférence de presse, au début de janvier, jusqu’à quel point le gouvernement fédéral doit être blâmé pour s’être retiré, à partir du 1er janvier 1994, du financement à long terme de nouveaux logements sociaux, ce qui, en vingt ans, a privé le Québec de 65 000 logements destinés aux ménages à faible revenu. Ottawa doit également être fortement critiqué pour les miettes qu’il accorde dorénavant aux provinces et aux territoires pour ce qu’il appelle le logement abordable.
D’ici 2019, le Québec ne recevra que 58 millions $ par année d’Ottawa pour tous ses programmes d’habitation : AccèsLogis, allocation-logement, rénovation domiciliaire, adaptation de domicile, etc. Quel que soit le parti au pouvoir, Québec a continué de développer de nouveaux logements sociaux après le retrait fédéral, ce que n’ont pas fait d’autres provinces. Il ne faut cependant pas se péter les bretelles pour autant. En 1993, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU s’inquiétait qu’« étant donné l’existence évidente de sans-abri et de conditions de logement insuffisantes », « les dépenses consacrées au logement (par le gouvernement canadien) ne soient pas supérieures à 1,3 % des dépenses publiques ». Ce jugement ne devrait-il pas aussi s’appliquer au gouvernement québécois?
Le budget des dépenses 2013-2014 n’accordait que 332 millions $ à la Société d’habitation du Québec pour tous ses programmes de logement, ce qui ne représente que 0,5 % de l’ensemble des dépenses de programmes du gouvernement québécois. Comment peut-on par ailleurs se contenter de 3000 logements par année (ce qui n’est même pas encore assuré au-delà de 2013-2014), quand on sait que, selon les chiffres mêmes utilisés par la Société d’habitation du Québec, 260 700 ménages locataires y sont théoriquement accessibles parce qu’ils ont « des besoins impérieux de logement » 9? C’est 87 fois plus! Cet écart est encore plus important quand on considère que, sur les 3000 logements réalisés dans AccèsLogis, un maximum de 1500 est clairement destiné aux ménages les plus en difficulté qui se voit assurer de ne pas consacrer plus de 25 % de leur revenu au loyer. Bien sûr, le Québec dispose d’autres programmes comme l’allocation-logement qui offre une aide financière aux ménages en difficulté, qu’ils soient locataires, chambreurs ou propriétaires. Ce ne sont cependant pas les 57,66 $ offerts en moyenne par mois à ces ménages qui règlent leurs problèmes de logement de manière aussi complète que le logement social.
Cela étant dit, il est inacceptable que les principales balises de ce programme (dont le montant maximal d’aide) soient demeurées les mêmes qu’au moment de sa création en 1997 et que les personnes seules et les couples sans enfants de moins de 52 ans (50 ans en 2015) n’y aient pas minimalement droit. Quand il a accepté en 1976 d’endosser le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Québec s’est engagé à agir « au maximum de ses ressources disponibles (…) en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent pacte par tous les moyens appropriés » 10.
On ne peut sûrement pas dire que ce soit le cas quand 0,5 % des dépenses de programmes du gouvernement québécois vont à assurer le respect du droit au logement. Se contenter d’aussi peu, ce n’est pas respecter les droits.
Nos demandes concernant le logement
Le logement social est un instrument privilégié de redistribution de la richesse. Un document récent publié par la Société d’habitation du Québec (SHQ) montre bien ses retombées sociales, notamment en matière de santé11. Elle rejoint par un autre biais une des grandes conclusions du rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement : « Aucun compromis et aucune compromission ne devraient être admis dans la mise en œuvre d’un droit aussi fondamental, d’autant plus qu’il existe une interdépendance étroite entre les droits de base, dont celui à l’éducation, à la nourriture, au logement et à la santé.
Une entrave à l’un de ces droits se répercute inévitablement sur les autres » 12. Pour le dire d’une manière plus positive, le meilleur respect d’un de ces droits se répercute sur celui des autres. Or, cela n’est pas incompatible avec la création d’emplois sur laquelle le ministre des Finances axe sa consultation prébudgétaire. Un volet précédent de l’étude de la SHQ13 tire une série de constats à ce sujet. Elle en conclut qu’en 2010-2011, les interventions de la Société ont permis la création ou le maintien de 13 758 emplois directs ou indirects et qu’elles représentaient près de 10 % des heures travaillées dans le secteur de la construction résidentielle.
Pour ces raisons, le programme AccèsLogis, le seul qui permette encore le développement de nouveaux logements sociaux au Québec, doit être renouvelé dans le prochain budget et il doit l’être de manière pluriannuelle, comme ce fut le cas dans les budgets de 1997 et 2001 qui ont tous les deux annoncé des investissements sur cinq ans. Les subventions accordées dans AccèsLogis doivent également être indexées et bonifiées pour être davantage adaptées à la réalité actuelle du marché immobilier et mieux répondre à certaines nécessités, dont la construction verte et l’accessibilité universelle. Le respect du droit au logement exige cependant bien davantage de la part du gouvernement québécois.
C’est pourquoi le FRAPRU le presse d’annoncer le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux en cinq ans. Un tel niveau d’investissement permettrait :
1— l’augmentation substantielle du nombre de logements coopératifs et sans but lucratif réalisé dans le cadre d’AccèsLogis;
2— la remise sur pied, après vingt ans d’absence, d’un programme permettant la réalisation de nouveaux HLM, c’est-à-dire de logements publics entièrement destinés à des ménages à faible revenu ainsi assurés de ne pas consacrer plus de 25 % de leur revenu au loyer;
3— la réalisation de logements sociaux avec soutien communautaire pour les personnes itinérantes et ainsi la concrétisation d’un des pans de la Politique gouvernementale en itinérance qui devrait être prochainement présentée par le gouvernement;
4— la construction de davantage de logements sociaux au Nunavik, ainsi que pour les Autochtones visant « hors réserves »;
5— d’autres initiatives en matière de logement social, par exemple la mise sur pied d’un programme d’acquisition de logements locatifs privés et-ou de chambres en vue de leur transformation en logement coopératif, sans but lucratif ou public.
En ce qui a trait à la remise sur pied d’un programme de HLM, mentionnons que, bon an mal an, près de 40 000 ménages sont sur une liste d’attente pour un tel logement et ne peuvent compter pour y accéder que sur le départ (ou le décès) des locataires qui y demeurent présentement.
À Montréal seulement, la liste d’attente de l’Office municipal d’habitation comprenait 22 739 noms au 31 décembre 2013… Toutes ces mesures vont dans le sens d’une recommandation de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement qui pressait le gouvernement québécois d’« accroître de manière urgente la construction de logements sociaux afin que le logement social occupe une part grandissante du marché locatif et réponde plus adéquatement aux besoins des locataires les plus vulnérables » 14. Le rapport faisait remarquer avec justesse que « le logement social représente au Québec 11 % de l’ensemble du parc locatif », alors que « cette proportion est de 75 % aux Pays-Bas, de 59 % en Autriche et de 51 % au Danemark » 15.
Le FRAPRU revendique également :
• Un accroissement du financement du soutien communautaire dans les logements sociaux venant en aide aux personnes vivant des problématiques particulières. Le budget octroyé par le Ministère de la Santé et des Services sociaux est gelé depuis plusieurs années à 5 millions $. Compte tenu de la hausse du coût de la vie et de l’aggravation des problématiques, ce budget devrait être triplé.
• L’indexation des paramètres du programme Allocation-logement et son ouverture à tous les ménages à faible revenu qui en sont présentement exclus, c’est-à-dire les personnes seules et les couples sans enfant de moins de 52 ans. Le FRAPRU estime insuffisant de diminuer jusqu’à 50 ans l’âge minimal d’accès à cette aide financière, comme c’est prévu présentement. Il s’agit d’une discrimination inacceptable.
• La mise sur pied d’un programme d’aide d’urgence permettant de venir en aide à l’année longue à des ménages qui se retrouvent sans logis. Ce programme devrait assurer la récurrence des suppléments au loyer d’urgence que le gouvernement a accordés depuis 2001 à des ménages devenus sans-logis en raison de la pénurie de logements locatifs. Il y en avait toujours 978 à la fin de 2012. La récurrence de ces suppléments permettrait de rassurer les ménages qui en bénéficient présentement, mais aussi de venir en aide à d’autres ménages incapables de se trouver au logement autour de la journée traditionnelle des déménagements, le 1er juillet, ou à tout autre moment durant l’année.
Comme il l’a fait au début des années 2000, le gouvernement devrait aussi offrir une aide financière aux municipalités pour l’accueil des sans-logis, leur hébergement et l’aide à leur recherche de logements.
Pour un revenu décent
Comme bien d’autres, le FRAPRU avait compris que le gouvernement péquiste allait présenter un nouveau plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, à l’automne 2013. Il a plutôt publié un document intitulé La solidarité : une richesse pour le Québec qui ne comporte qu’une seule nouvelle mesure touchant directement cet enjeu, soit la bonification de l’aide financière aux personnes seules prestataires de l’aide sociale. Dans un communiqué réagissant à cette mesure, le FRAPRU l’a qualifiée de « chiche » et de « mesquine ».
Pourquoi avoir réagi aussi fortement? Dans son document, le gouvernement explique que la prestation actuelle de 604 $ par mois ne permet de couvrir que 49 % des besoins de base des personnes. Or, la bonification de 20 $ accordée à partir du 1er février 2014 portera ce pourcentage à 50,6 %. À terme, après l’ajout de 10 $ par an en 2015, 2016 et 2017, elle ne couvrira, de l’aveu même du document, que « 52,5 % des besoins de base » 16. L’Enquête nationale de Statistique Canada révèle que le loyer médian payé par les personnes seules gagnant moins de 10 000 $ par an – essentiellement celles à l’aide sociale – est de 521 $ par mois au Québec.
Avec 604 $ de prestation par mois, ces personnes devaient y consacrer 86 % de leur revenu. Avec les bonifications annoncées, ce pourcentage passera à 83 % en 2014 et à 80 % en 2017! Loin d’être une mesure de lutte contre la pauvreté, la bonification annoncée par le gouvernement vient plutôt confirmer l’intention gouvernementale de condamner des personnes à la pauvreté, en ne leur accordant pas un niveau de prestation qui soit suffisant pour subvenir à tous leurs besoins. Il s’agit d’une violation du « droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence » 17.
C’est pourquoi le FRAPRU a qualifié la mesure de « chiche ». Le qualificatif « mesquin » vient de l’exclusion de plusieurs personnes qui n’auront même pas droit au petit montant annoncé par le gouvernement. Il s’agit notamment des locataires dont le logement social ou privé fait l’objet d’une subvention gouvernementale. Quant aux personnes qui reçoivent un faible montant d’allocation — logement, elles verront leur bonification réduite d’autant. L’aide au logement reçue par ces personnes, qu’elle soit importante ou plus minime, ne les empêche pas pour autant d’être pauvres…
Le FRAPRU considère que le budget doit changer de cap et reconnaître pleinement le droit de toute personne à un revenu décent. En ce sens, le FRAPRU propose un rehaussement de la prestation de base de l’ensemble des personnes assistées sociales, quelle que soit leur situation à un niveau suffisant pour couvrir tous leurs besoins. Le gouvernement doit par ailleurs prévoir une meilleure reconnaissance financière des besoins spéciaux dans le cas de présence d’un handicap ou de problèmes graves de santé.
Une fiscalité plus équitable
Lors de la campagne électorale de l’été 2012, le Parti québécois s’est notamment fait élire en s’engageant à adopter différentes mesures allant dans le sens d’une fiscalité plus équitable : retrait de la taxe santé et de la hausse des frais de scolarité prévue par l’ex-gouvernement libéral ; ajout de deux paliers d’imposition pour les contribuables à plus haut revenu ; imposition de 75 % des gains de capital au lieu de 50 % comme c’est le cas présentement. Force est de constater que le gouvernement a rebroussé chemin sur la majorité de ces engagements, dès la première manifestation d’« angoisse fiscale » des mieux nantiEs. La Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, dont le FRAPRU est un membre actif, a proposé toute une série de mesures fiscales et autres18 qui, si elles étaient mises en place, permettraient de libérer 10 milliards $ additionnels par année, en réduisant certaines dépenses (par exemple, au niveau des médicaments) et en réduisant ou en éliminant certains avantages fiscaux qui ne profitent essentiellement qu’aux contribuables à haut revenu et aux grandes entreprises. On nous permettra de nous attarder, à titre d’exemples, sur certaines mesures proposées. •
Augmenter la contribution fiscale des entreprises financières notamment en rétablissant la taxe sur le capital dans leur cas C’est en invoquant la situation difficile de l’industrie manufacturière que l’ancien gouvernement libéral a aboli la taxe sur le capital. Or, les institutions financières ne sont pas du tout en difficulté, ce qui ne les empêche pas de profiter du même avantage fiscal. En 2013, les profits annuels des six plus grandes banques canadiennes ont au total été supérieurs à 30 milliards $ au Canada, la palme revenant à la Banque Royale du Canada qui, à elle seule, a empoché 8,4 milliards $.
Augmenter la contribution fiscale des banques et autres entreprises financières est une simple question de justice qui permettrait, selon l’évaluation de la Coalition, d’aller chercher des revenus additionnels de 600 millions $ par année. Or, additionnée au budget actuel dévolu à AccèsLogis, cette somme serait suffisante pour atteindre l’objectif de 10 000 nouveaux logements sociaux par année.
• Imposer 100 % des gains de capital des particuliers et des entreprises Pourquoi à peine 50 % des gains obtenus par la vente de biens immobiliers ou d’actions boursières sont-ils soumis à l’impôt, alors que ce taux est de 100 % dans le cas des gains d’emplois? Il s’agit d’une iniquité que le Parti québécois lui-même avait reconnue en prenant l’engagement électoral de remonter à 75 % le taux d’inclusion des gains de capital. En 2012, cette mesure fiscale a représenté des dépenses fiscales de l’ordre de 958 millions $ pour le gouvernement québécois, 556 millions $ dans l’impôt des particuliers et 402 millions $ dans celui des sociétés.19
• Augmenter le nombre de paliers d’imposition En s’engageant à ajouter deux paliers d’imposition, le Parti québécois avait là aussi reconnu l’iniquité fiscale actuelle. Il s’est malheureusement contenté d’ajouter un seul palier. En 2014, les contribuables gagnant 100 970 $ et plus verront leurs revenus dépassant ce plafond imposé à 25,75 % plutôt que 24 % comme c’était le cas auparavant. Il en aurait fallu bien plus pour mettre fin à l’injustice. UnE contribuable gagnant plus de 200 000 $ ou même 1 000 000 $ par an sera soumis au même taux d’imposition que celui ou celle qui fait 100 970 $.
La Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics propose 10 paliers d’imposition qui permettraient, à son avis, d’aller chercher des revenus additionnels de 1 milliard $ par an. Chose certaine, l’ajout d’autres paliers d’imposition pour les contribuables à haut revenu représenterait un pas en avant vers une fiscalité plus progressive, tout en augmentant les revenus de l’État sans affecter ceux et celles qu’on désigne comme faisant partie de la classe moyenne.
• Diminuer le plafond des REER de 24 270 $ à 12 000 $ par année En 2014, les contribuables peuvent placer jusqu’à 24 270 $ dans le REER, ce qui permet du même coup de les mettre à l’abri de l’impôt. Un tel niveau de contribution ne peut être atteint que par les particuliers à très haut revenu. En 2011, 40 % des contribuables ont cotisé à un tel régime. Pour les personnes qui l’ont fait, la contribution moyenne a été de 5318 $.
Proposer de rabaisser le plafond des contributions à 12 000 $ est donc plus que raisonnable et rapporterait 300 millions $ par année. Le FRAPRU ne partage pas l’obsession du déficit zéro à tout prix qui est le fait de tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis deux décennies. Il estime cependant qu’une fiscalité plus équitable et progressive donnerait une marge de manœuvre suffisante au gouvernement québécois pour mieux respecter l’ensemble des droits et améliorer les services publics, tout en parvenant à un meilleur équilibre financier.
Elle permettrait également au gouvernement de retirer toutes les mesures injustes et régressives adoptées dans les budgets libéraux de 2010 et 2011 et reconduites pour l’essentiel par le gouvernement péquiste, en particulier l’introduction d’une taxe santé, la hausse des frais de scolarité et l’augmentation prévue des tarifs d’hydro-électricité à partir de 2014.
Notes:
1 Parti québécois, L’avenir du Québec est entre vos mains, été 2012, engagements 30 et 31 du bloc S’entraider.
2 Urgence en la demeure, Rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement, mars 2013, p. 41.
3 Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages de 2011 : Tableaux de données, Tranches de coûts d’habitation, tranches de revenu total du ménage en 2010, rapport des frais de logement au revenu, mode d’occupation incluant présence d’une hypothèque et logement subventionné et genre de ménage pour les ménages propriétaires et locataires dans les logements privés non agricoles et hors réserve du Canada, provinces, territoires, régions métropolitaines de recensement et agglomérations de recensement.
4 Régie du logement, Demandes introduites et relancées en non-paiement de loyer par bureaux régionaux de la Régie, documents fournis au FRAPRU par la Régie.
5 Statistique Canada, op. cit.
6 Statistiques Canada, Profil de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, subdivisions de recensement, Kuujjuaq, Inukjuak, Puvirnituq et Salluit.
7 Société canadienne d’hypothèques et de logement, Rapport sur le marché locatif, automne 2013, Faits saillants — Québec.
8 Société canadienne d’hypothèques et de logement, Rapport sur le marché locatif, automne 2013, RMR de Montréal et Rapport sur le marché locatif, automne 2013, RMR de Québec.
9 Ce chiffre est basé sur les données du recensement de 2006. Il devrait donc être supérieur quand les chiffres de 2011 seront publiés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
10 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, article 2, alinéa 1.
11 AECOM, Étude sur les impacts sociaux des activités de la Société d’habitation du Québec, juin 2013.
12 Urgence en la demeure, op. cit, p. 1.
13 AECOM, Étude d’impacts des activités de la Société d’habitation du Québec, septembre 2011.
14 Urgence en la demeure, op. cit., p. 10.
15 Idem, p. 44
16 Gouvernement du Québec, La solidarité : une richesse pour le Québec, Agir auprès des personnes, soutenir ceux qui aident, préparer l’avenir, automne 2013, p. 14.
17 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, article 11, alinéa 1.
18 Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, Finances publiques : d’autres choix sont possibles. Mettons la richesse à NOS services. Solutions fiscales et mesures de contrôle des dépenses, juin 2013. Le document se trouve sur le site web de la Coalition http://www.nonauxhausses.org/outils/alternatives- fiscales-justes-et-equitables-pour-les-finances-publiques/
19 Ministère des Finances du Québec, Dépenses fiscales – Édition 2012, 2013, tableaux A 6 et A 7.
Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) Janvier 2014