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Modération ou extrémisme ? Regards critiques sur la loi 21

Extrait de l’introduction à l’ouvrage collectif Modération ou extrémisme ? Regards critiques sur la loi 21, sous la direction de Leila Celis, Dia Dabby, Dominique Leydet et Vincent Romani, Presses de l’Université Laval, 2020

 

Certains vont dire qu’on va trop loin. D’autres vont dire qu’on va pas assez loin. En réalité, ce projet de loi, y’est modéré, comme le sont les Québécois. […] Pour éviter des longues batailles juridiques, on a décidé d’utiliser la clause dérogatoire dès l’adoption du projet de loi. C’est un outil légitime qui a déjà été utilisé par René Lévesque et par Robert Bourassa. Au Québec, ça fait longtemps qu’on a décidé de séparer la religion et l’État et ça fait plus de dix ans qu’on débat des signes religieux. Y’est temps de fixer des règles, parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit.

François Legault[1]

Sur une toile de fond assez anodine, avec un drapeau du Québec placé bien en évidence, François Legault offre à la population une vulgarisation du projet de loi sur la laïcité de l’État[2] par l’entremise de son compte Facebook, le 29 mars 2019, soit dans les jours suivant son dépôt officiel à l’Assemblée nationale. Dans l’espace d’une courte vidéo, le premier ministre met de l’avant le projet de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour clore « enfin », à son sens, le débat épineux sur la place des signes religieux dans la province. Mais l’extrait susmentionné suscite plusieurs questionnements importants : ce projet de loi, nous dit le premier ministre, est modéré. Mais selon quelles normes et d’après quelles perspectives ?

François Legault termine son message par l’affirmation d’une justification qui renvoie à la façon de vivre au Québec. Ce passage constitue notre point d’entrée pour cet ouvrage collectif : nous nous interrogeons sur la façon de vivre et de réguler la religion au quotidien au Québec, à l’aune de la Loi sur la laïcité de l’État (communément appelée loi 21). La place qu’occupe la religion dans l’espace public est une question qui anime la société québécoise depuis plusieurs siècles, bien avant la confédération canadienne ; il ne s’agit donc pas d’un débat récent. Ce livre a pour objectif d’offrir un panorama global et critique sur le traitement de la religion et de la laïcité au Québec, en employant des perspectives disciplinaires différentes. Il a aussi pour but d’interroger tant la façon dont le gouvernement de la CAQ a procédé dans sa tentative de clore le débat que les conséquences socioéconomiques, juridiques et politiques qu’entraînera la loi 21.

Le projet de loi 21 a été adopté suivant un échéancier au rythme effréné entre mars et juin 2019. Il s’agit de la seconde loi sur la régulation du religieux au Québec[3] et de la quatrième ébauche législative à l’Assemblée nationale depuis 2010[4]. Après son introduction le 28 mars 2019 par Simon Jolin-Barrette, le ministre désigné responsable et chargé du dossier de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion[5], le projet de loi est passé à l’étape des consultations devant la Commission des institutions entre le 7 et 16 mai 2019. À la différence des projets législatifs antérieurs sur la régulation du religieux, la CAQ a choisi de procéder à des consultations particulières[6], restreignant fortement la participation des individus et des groupes concernés. L’étude détaillée du projet de loi a eu lieu, quant à elle, entre le 4 et 13 juin 2019. Malgré des échanges musclés sur le bien-fondé du projet législatif ainsi que des questionnements importants sur les articles eux-mêmes, la loi 21 a été adoptée sous le bâillon le 16 juin 2019. Au moment où ces lignes sont écrites, au moins quatre contestations judiciaires de la loi 21 cheminent devant les tribunaux.

Plusieurs arguments ont été utilisés par le gouvernement afin de justifier le projet de loi. Ces arguments invoquent des principes et des sentiments politiques et juridiques forts, parfois en tension les uns avec les autres : l’affirmation d’une « authenticité » québécoise historique autorisant le contournement des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, l’affirmation d’une modération à la fois identitaire et juridique qui se défend de toute velléité discriminatoire, l’affirmation d’une urgence et d’une fatigue sociales imposant un règlement rapide, l’affirmation d’une légitimité populaire électorale autorisant des procédés législatifs expéditifs.

Contre ces arguments et ces procédés, plusieurs voix se sont élevées. Parmi elles, les universités ont constitué des sites importants de contestations. Mentionnons la lettre au Devoir du 5 avril 2019, « 250 universitaires contre le projet de loi 21 », aujourd’hui signée par 438 professeures, professeurs et enseignants des universités québécoises[7], qui dénonçait le dérapage politique inhérent à cette loi. Soulignons aussi le colloque public du 17 mai 2019, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), où sont intervenus une vingtaine de chercheurs, chercheuses universitaires et membres des communautés concernées, d’où émanent un certain nombre de contributions à ce livre[8].

L’argument populiste du gouvernement, arguant d’une légitimité électorale pour écarter l’expertise universitaire qui conteste son action, doit faire réfléchir. Plusieurs réfutent la prétention des « experts et expertes » à dire aux citoyens et citoyennes ce qu’il est légitime de penser ou de vouloir. Mais il ne s’agit pas pour ceux et celles qui ont contribué à cet ouvrage de prétendre à une position de surplomb par rapport à nos concitoyens et concitoyennes. Il s’agit plutôt pour nous de mobiliser nos savoirs disciplinaires respectifs pour assumer pleinement notre rôle d’universitaires dans la Cité et participer au débat public suscité par la loi 21. Ce faisant, nous prenons au sérieux la mission de critique sociale et politique que les universités, conformément à leurs chartes et principes constitutifs, doivent assumer. Il relève, en effet, de la vocation des acteurs et actrices du monde universitaire d’intervenir et de débattre en vue de contribuer au bien public, et cela par plusieurs voies et moyens, y compris ceux de la critique.

Nous écrivons cela sans ignorer, bien sûr, que plusieurs universitaires ont aussi participé à la mise en place de cette loi, notamment comme experts ou expertes à l’appui d’un gouvernement qui, paradoxalement, se plaît souvent à délégitimer les interventions des universitaires dès lors qu’elles lui sont défavorables. Mais constater l’absence d’unanimité fait aussi partie du jeu démocratique.

Plusieurs positions critiques sont possibles dans le projet de « dire la vérité au pouvoir » au nom du bien commun. De la critique de l’opportunité – voire de la légitimité – de proposer une telle loi, aux diverses critiques de la manière de le faire, les auteurs et autrices de ce livre fournissent un arsenal argumentatif qui tâche de déconstruire les raisons avancées par le gouvernement et par les défenseurs de la conception de la laïcité inscrite dans la loi 21.

Nous sommes cependant conscients des limites de notre démarche et nous voulons ici en souligner deux. Nous reconnaissons d’abord que la participation à ce travail collectif d’universitaires issus de communautés musulmanes, juives et sikhes (trois religions particulièrement ciblées par la loi 21) demeure insuffisante. La discrimination systémique explique, pour une bonne part, la rareté disproportionnée de personnes racisées dans des postes universitaires permanents au Québec. Malgré cela, nous avons décidé d’aller de l’avant avec cette publication, car il nous semble urgent de faire entendre des voix dissidentes alors que le gouvernement Legault et plusieurs de ses défenseurs n’hésitent pas à présenter la loi 21 comme une « grande loi québécoise » à l’instar de la loi 101. Un second enjeu est celui de l’ouverture aux communautés affectées, car la critique ne saurait être seulement universitaire. Nous espérons toutefois que les contributions de ce livre seront à même d’ouvrir des dialogues avec tous ceux et celles qui souhaitent poursuivre la réflexion critique sur le projet caquiste. Afin de relever ce défi, nous avons tenté d’offrir aux lecteurs et lectrices intéressés des textes à la fois documentés et accessibles.

Notre livre s’organise en cinq parties. La première partie offre un cadre conceptuel et historique en situant la loi 21 dans son contexte québécois : celui de la transformation de l’enjeu canadien-français en nationalisme québécois ; celui d’un mode particulier de construction identitaire reposant en partie sur l’orientalisme diffusé dans le système scolaire ; celui d’une racialisation des religions et des groupes religieux, racialisation que le gouvernement cherche à occulter par le refus de reconnaitre le moindre élément raciste dans le projet de loi 21 et dans la société. Ainsi, pour Dalie Giroux, la laïcité revendiquée aujourd’hui tient à une forme de nationalisme qui reconduit le colonialisme d’exclusion envers certains groupes. La domination anglophone historique est remplacée par la revendication politique francophone qui minorise d’autres groupes. Dans ce contexte, ceux et celles qui persistent à vouloir construire le nationalisme sur la base de la peur érigent en menace une masse de personnes migrantes et citoyennes altérisées. Giroux montre comment ce nationalisme fabrique des boucs émissaires pour combler des fragilités identitaires d’une manière qu’elle juge économiquement et écologiquement insoutenable à long terme. Pour Catherine Larochelle, l’enjeu scolaire du rapport aux musulmans et musulmanes et à l’affirmation d’une nation coloniale est loin d’être nouveau. En analysant les archives scolaires, elle démontre comment l’orientalisme, comme mode d’appréhension artistique et savant des sociétés orientales, répand dans les écoles québécoises, dès le xixe siècle, une vision exotisante et infériorisante des Orientaux et Orientales et de l’islam. Cette infériorisation contribue à l’affirmation d’une supériorité civilisationnelle de la francophonie catholique blanche. Enfin, le chapitre de Vincent Romani s’intéresse à l’occultation et la négation du racisme dans le dispositif de défense de la loi 21. Il montre, d’une part, comment la racialisation des groupes religieux est une forme historique d’oppression en Occident et, d’autre part, comment l’ignorance blanche et l’innocence coloniale s’alimentent mutuellement pour permettre l’indignation en réaction au soupçon de racisme. Les stratégies de codage du racisme permettent de le rendre invisible et indicible, en particulier lorsqu’un tel projet est présenté comme « modéré ».

La seconde partie du livre porte sur la conception de la laïcité mise de l’avant par le gouvernement Legault dans la loi 21 et la remet en question à partir de trois perspectives différentes. Dans son chapitre, Michael Nafi examine l’interprétation du principe de séparation des Églises et de l’État contenu dans la loi 21 et montre comment celle-ci n’est pas neutre, mais suppose la consécration du rapport à la religion qu’entretiennent une majorité de Québécois et de Québécoises, en raison d’une évolution propre à l’histoire du christianisme, érigée comme le modèle à suivre. Nafi en appelle plutôt à un véritable dialogue interculturel sur les façons de penser le rapport entre la conscience intime et l’expression publique des convictions et des pratiques religieuses. David Koussens souligne, pour sa part, comment la loi 21 énonce une conception appauvrie de la laïcité, réduite aux seuls enjeux de visibilité du religieux dans la sphère publique. Il montre, plus précisément, comment la loi 21 procède au détournement du principe de neutralité de l’État. Si ce principe peut être décrit comme ayant émergé de la jurisprudence des tribunaux, qui ont imposé à l’État une obligation de neutralité afin de mieux garantir la liberté de conscience et de religion, la loi 21, à l’inverse, mobilise le principe de neutralité précisément pour limiter l’expression de cette liberté. Dans sa contribution, Michel Seymour montre comment le débat sur la laïcité souffre d’une confusion entre laïcité de l’État et sécularisation de la société : si l’État peut et doit assurer la première, il ne doit pas tenter d’imposer la seconde à travers l’exercice de son pouvoir de contrainte. Seymour se distingue de plusieurs critiques de la loi 21 en défendant le principe de l’adoption d’une charte de la laïcité. Mais la charte de la laïcité dont il évoque la nécessité s’adosserait sur une conception bien différente de la laïcité que celle du gouvernement caquiste puisque, portant sur les institutions et non sur les individus, elle permettrait une mise en œuvre de la neutralité de l’État véritablement respectueuse des différentes façons – individualistes ou communautariennes – de vivre une expérience religieuse.

La troisième partie de ce livre se penche sur les inégalités économiques qui sont renforcées par la loi 21. Les trois contributions de cette partie montrent, à partir de données et de théories complémentaires, que les discriminations racistes au travail ne sont pas un fait nouveau. Elles insistent aussi sur le fait que les débats sur les minorités religieuses ont ébranlé le sentiment d’appartenance à la société québécoise pour les groupes ciblés. Le chapitre cosigné par Leila Benhadjoudja et Leila Celis montre comment le débat parlementaire sur la loi 21, qui converge avec celui de la charte des valeurs et celui des accommodements raisonnables, a contribué à renforcer des attitudes racistes qui sont à la base de la discrimination à l’emploi. La loi 21 apparaît comme une incarnation de la colonialité des rapports de pouvoir en ce qu’elle affirme, par la force de la loi, la place précaire que doivent occuper les femmes racisées dans le marché du travail et dans la société. Le prétexte féministe mis en avant par le gouvernement (la loi énonce l’égalité entre femmes et hommes dans un considérant) est ainsi contredit par une analyse féministe décoloniale. Les débats diffusés et la loi elle-même sont des pratiques discursives qui, en plus de favoriser la précarisation des racisés et racisées ont une connotation suprémaciste qui est négligée dans les médias. Le chapitre de Sonia Ben Soltane, en s’appuyant sur des entrevues qu’elle a réalisées à Montréal, analyse comment le débat s’est progressivement déplacé d’un questionnement du rôle et de la place de la religion dans la société vers ce qu’elle appelle un « faux problème social » menant à des violations de la liberté de religion. Selon Ben Soltane, la loi 21 est l’aboutissement de ce déplacement. L’ambiance créée par ces différents débats sur la place du religieux dans la société a rendu possibles des manifestations islamophobes qui affectent la vie quotidienne de personnes de cette confession qui sont tantôt immigrantes, tantôt nées au Québec. Enfin, la contribution de Marie-Soleil Martineau analyse comment les discriminations à l’intersection entre le sexisme et le racisme, promulguées par la loi 21, créent des inégalités de revenu. En s’appuyant sur des données statistiques et des études qualitatives, l’autrice soutient que la loi consolide « l’ethnicisation des inégalités sociales » par une approche sexiste qui présente l’islam comme une menace pour la société. Martineau démontre que la loi 21 vient fermer la possibilité d’intégration à l’emploi, là où il était le plus accessible pour les femmes musulmanes, c’est-à-dire dans le secteur public.

Les contributions de la partie 4 s’intéressent à la mise en tension des principes démocratiques dans le processus d’adoption de la loi 21. Ce processus a été marqué par la volonté du gouvernement Legault d’assurer sa promulgation rapide malgré l’opposition affirmée ou prévisible de certains des contre-pouvoirs les plus importants qu’une démocratie constitutionnelle puisse placer sur le chemin d’une majorité : l’opposition parlementaire, les tribunaux, la société civile ou encore les pouvoirs municipaux. Ainsi, dans son chapitre, Dominique Leydet s’intéresse à la place paradoxale occupée par l’Assemblée nationale dans le discours caquiste. Si le gouvernement Legault a semblé sacraliser l’Assemblée en affirmant qu’elle seule avait la légitimité d’énoncer la volonté du peuple québécois sur la question de la laïcité et de décider du bien-fondé d’une loi qui touche les droits fondamentaux, il n’a pas hésité à court-circuiter les travaux parlementaires, faisant bien peu de cas des moyens dont l’Assemblée dispose en principe pour remplir sa mission. S’inspirant, pour sa part, de l’œuvre de Tocqueville, Benoît Morissette s’intéresse au rôle que peuvent jouer les gouvernements municipaux comme contre-pouvoirs essentiels au pouvoir dont dispose un gouvernement provincial s’appuyant sur une majorité. Il montre ainsi comment les villes, en tant que gouvernements de proximité, peuvent, par la décentralisation administrative, freiner les risques de dérive associés à ce que Tocqueville a appelé « l’omnipotence de la majorité ». C’est dans cette perspective que Morissette propose une analyse originale des relations difficiles entre la Ville de Montréal et le gouvernement Legault lors des débats sur l’adoption de la loi 21. Un dernier chapitre, signé par Khaoula Zoghlami, offre une réflexion nécessaire sur la place des femmes musulmanes dans le processus législatif menant à la loi 21. Zoghlami montre tout d’abord comment la participation des femmes musulmanes voilées fut marginale dans le processus de consultation, et comment leur parole fut plus contrôlée que celle d’autres groupes en faveur de la loi devant la commission des institutions. Enfin, elle analyse la parole de femmes musulmanes qui se sont exprimées en faveur de la loi, et montre comment ces prises de parole ont été instrumentalisées par le gouvernement.

La cinquième partie s’intéresse à l’utilisation préventive par le gouvernement Legault des dispositions dérogatoires permettant de suspendre les droits fondamentaux énoncés dans les chartes québécoise et canadienne afin de prévenir toute contestation de la loi 21 devant les tribunaux. Dans sa contribution, Louis-Philippe Lampron montre comment le recours complaisant à ces dispositions ouvre une brèche pouvant affaiblir durablement cet autre contre-pouvoir essentiel que représentent les libertés et droits fondamentaux. Michel Coutu, quant à lui, montre comment l’insertion d’une disposition dérogatoire dans la Loi constitutionnelle de 1982 a été l’expression d’un compromis entre les tenants de la tradition britannique de la souveraineté parlementaire absolue et les partisans du constitutionnalisme. Après avoir montré rapidement pourquoi nous devrions rejeter toute velléité de retour à la doctrine de la souveraineté parlementaire absolue, Coutu explore les possibilités qu’offre le droit international des droits de la personne pour contester le recours aux dispositions dérogatoires des chartes québécoise et canadienne par le gouvernement Legault. Dia Dabby propose, enfin, une analyse fine du texte même de la loi 21, en s’intéressant aux choix de vocabulaire juridique posés par ses rédacteurs et leurs effets sur la cohérence avec la jurisprudence canadienne. Dans la dernière section de son chapitre, Dabby esquisse une analyse éclairante des différentes contestations judiciaires que la loi 21 a déjà suscitées et en dresse un tableau fort utile.

Ces critiques conjuguées mettent en évidence la gravité du travail de sape opéré par le gouvernement Legault lors du processus d’adoption de la loi 21 sur les fondements mêmes de la démocratie québécoise, de même que la nécessité pour l’ensemble des citoyens et citoyennes du Québec de prendre conscience de l’importance de ce qui se joue avec la loi 21 afin d’y réagir de façon conséquente. Cela inclut la manifestation d’une solidarité nécessaire avec celles et ceux qui se trouvent le plus directement affectés par une loi qui porte d’abord atteinte à leur liberté fondamentale d’exprimer et de pratiquer leur foi de la façon qu’ils et elles jugent la plus appropriée.

Post-scriptum

Depuis que nous avons entrepris ce livre sur la loi 21 et ses effets, le Québec est passé d’une « crise » des accommodements et du religieux à une crise sanitaire. Nous ne pouvons ignorer le changement de cap qui s’est opéré dans les derniers mois. Les enjeux liés à la place des minorités n’occupent plus le premier plan et restent à peine visibles à l’horizon. Et pourtant, il nous semble essentiel de continuer ce débat. En effet, on peut penser que, dans le contexte de sociétés fragilisées par la pandémie, la question des droits fondamentaux de minorités marginalisées reste cruciale à toute réflexion sur les conditions du vivre-ensemble dans les États démocratiques contemporains. Par ailleurs, les questions d’égalité raciale et des rapports Nord-Sud, sous-jacentes au débat sur la loi 21, sont devenues particulièrement saillantes dans la crise provoquée par la COVID-19. Pensons, par exemple, au fait que les groupes minoritaires constituent une part disproportionnée du personnel soignant dont tous et toutes reconnaissent le sous-paiement et les conditions de travail déplorables, que l’on songe encore à l’exploitation structurelle des travailleurs agricoles temporaires du Sud dont le rôle crucial dans la production alimentaire au Québec et au Canada est mis en lumière par la fermeture des frontières ou enfin à l’accessibilité réduite aux services sanitaires des communautés autochtones et racisées. Finalement, s’il est une chose que cette crise sanitaire inédite a permis de souligner à nouveau, c’est l’importance de l’égalité, de la solidarité humaine, de la compassion et du bien-être, tant physique que psychologique, de tous ceux et celles qui, ensemble, forment société.

[1].        François Legault, [En ligne] https://www.facebook.com/FrancoisLegaultPremierMinistre/videos/2191663874481844/.

[2].        Loi sur la laïcité de l’État, LQ 2019, c-12 [loi 21].

[3].        Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, RLRQ c R-26.2.01.

[4].        Projet de loi 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements, 1re sess., 39e lég., Québec, 2010 (réinscrit à la 2e sess., 39e lég., Québec, 2011) ; projet de loi 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodements, 1re sess., 40e lég., Québec, 2013.

[5].        Ce ministère est devenu celui de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. Nous estimons que ce changement de nom n’est pas anodin à la discussion dans cet ouvrage.

[6].        Les autres projets législatifs ont procédé par consultations générales : voir à ce sujet les chapitres 10, 12 et 15.

[7].        Cette lettre a émané de l’Observatoire international sur le racisme et les discriminations de l’UQAM.

[8].        Ce colloque a été organisé de façon conjointe par l’Observatoire sur les diasporas du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) et par l’Observatoire international sur le racisme et les discriminations de l’UQAM.

 

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