Résumé
Dans la grande majorité des disciplines intellectuelles en sciences sociales, la loi traîne avec elle une certaine réputation qui en fait un véritable élément de « contrainte » pour les agents sociaux dans une société. N’entendons-nous pas souvent dire que « nul n’est censé ignorer la loi », ou que dans un « État de droit », le gouvernement accepte d’agir dans le respect du droit et de la loi? Guy Rocher a mis de l’avant une expression qui nous permet d’aller au-delà de certaines perceptions spontanées ou de certains postulats qui perdurent en sociologie du droit. Nous pensons plus particulièrement ici au concept « (d’) effectivité de la loi ». Cet outil abstrait, qu’il a forgé, nous permet de juger d’une mesure législative à l’aide de son effet attendu et de son effet inattendu. Dans le texte qui suit, nous appliquons ce concept à certaines dispositions de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) qui a été adoptée par les membres de l’Assemblée nationale en 1985. Cette loi, qui est toujours en vigueur au moment où nous écrivons ces lignes (2011), a défini de nouvelles règles du jeu lors des négociations entre le gouvernement et les représentants des salariés syndiqués dans les secteurs public et parapublic. Notre étude démontre, à notre grand étonnement, que les principales dispositions de la loi portant sur la détermination de la rémunération n’ont jamais été appliquées ou suivies par les membres du gouvernement pour la période allant de 1985 à 2010. Ce constat nous amène à considérer qu’avant de déduire d’un modèle théorique quelconque que la régulation sociale découlerait de règles issues de la loi, il importe d’examiner de plus près quel est l’effet réel de la loi. Une loi qui donne lieu à une application opposée à ses principales dispositions correspond, selon nous, à une effectivité inavouable : une « effectivité nulle ».
Introduction
De nombreux auteurs se sont intéressés, jusqu’à maintenant, à différentes questions rattachées à la problématique des relations de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec. À la lecture de ces études, on peut constater que les relations entre l’État et le mouvement syndical ont été scrutées sous plusieurs angles. À titre d’exemple, mentionnons que les diverses lois spéciales adoptées par les gouvernements qui se sont succédé de 1964 à aujourd’hui ont fait l’objet de nombreuses études[2]. Les mobilisations syndicales et la nature des revendications des salariées et salariés syndiqués, à l’œuvre dans les secteurs public et parapublic, ont aussi fait l’objet de plusieurs analyses[3].
Dans les pages qui suivent, nous entendons aborder une question qui n’a pas fait l’objet d’analyses particulières. Nous nous proposons de jeter un regard théorique critique sur certaines dispositions de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) qui régissent, depuis 1985, les négociations dans les secteurs public et parapublic. Il s’agit plus particulièrement des dispositions concernant la fixation de la rémunération. Nous entendons vérifier si le pouvoir exécutif se comporte, sur cette question, selon les dispositions prévues à la loi.
Mentionnons-le d’entrée de jeu, il n’existe pas, en tant que tel, de grille d’analyse théorique spécifiquement adaptée aux négociations dans les secteurs public et parapublic. Les deux seuls politologues à avoir tenté de rendre compte de ces négociations (Carol Levasseur[4] et Gérard Boismenu[5]) l’ont fait à l’aide de la grille d’analyse de l’école parisienne de la régulation. Dans le cadre de cette perspective théorique, la loi apparaît comme un principe d’action qui participe à la définition des formes institutionnelles d’un mode de régulation. La loi est réputée, ici, avoir la capacité d’imposer par la coercition certains comportements aux groupes et aux individus[6].
Que ce soit en économie politique, en droit, en science politique, en sociologie ou en relations industrielles, la loi traîne avec elle une certaine réputation qui en fait un véritable élément de contrainte pour les agents sociaux dans une société. De plus, la loi est associée à un élément venant d’un dispositif de pouvoir pas comme les autres : l’État. Un pouvoir étatique capable d’adopter ou de décréter des règles de conduite obligatoires et impératives, s’accompagnant de sanctions et s’appliquant à toute une population d’un territoire donné ou à un groupe ciblé[7].
Mais voilà, entre la loi et son application et entre la loi et son observation par une composante du pouvoir politique (le pouvoir exécutif en l’occurrence ici), il peut y avoir un écart réel et même une contradiction[8]. D’où l’importance à notre avis, d’entreprendre un cheminement critique face à la conception qu’on se fait de la loi d’un point de vue théorique. La loi, si précise soit-elle, n’entraîne pas toujours un respect automatique par les acteurs sociaux ou (et) par les membres du pouvoir exécutif. Toute perspective d’analyse théorique qui associe la régulation (sociale, économique, politique et juridique) à la loi doit se montrer attentive à l’application variable ou à la non-observation de la loi par les membres du gouvernement lui-même. D’où l’importance, selon nous, d’examiner la présence ou non d’effets involontaires pouvant aller jusqu’à la non-application d’une disposition de la loi par le pouvoir exécutif (pouvoir qui est mandaté, dans un État de droit, pour exécuter la loi). Les analyses théoriques, en sciences sociales et en droit, qui font de la loi un élément « coercitif », doivent tenir compte de l’étude de l’effectivité de la loi selon les perspectives d’analyse mises de l’avant par Guy Rocher[9].
Le texte qui suit comporte quatre parties. Dans la première, nous rappellerons, dans leurs grandes lignes, les rondes de négociations qui se sont déroulées entre l’État et les organisations syndicales dans les secteurs public et parapublic de la réforme du Code du travail (en 1964 et 1965) jusqu’à la ronde des décrets de 1982-1983. Rondes de négociations qui ont donné lieu à certaines crises sociales importantes et à des interventions unilatérales de la part de l’État-législateur.
Dans une deuxième partie, nous porterons notre attention sur le processus qui a conduit à l’émergence et à l’adoption de nouvelles règles du jeu dans les secteurs public et parapublic au Québec (Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2)). Nous tenterons de faire ressortir certains des effets attendus de cette nouvelle loi par le gouvernement du Québec.
Dans une troisième partie, nous exposerons les principales dispositions de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) concernant la détermination de la rémunération pour les salariées et salariés des secteurs public et parapublic au Québec.
Dans un dernier temps (partie 4), nous insisterons sur un effet inattendu de la loi concernant la fixation de la rémunération. Nous constaterons, à la lumière des diverses rondes de négociations de conventions collectives entre l’État et les organisations syndicales, sous l’emprise de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2), que les résultats des négociations ont toujours été, jusqu’à juin 2010, contraires aux dispositions de la loi.
L’étude du processus d’émergence de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) à l’effectivité des dispositions relatives à la détermination de la rémunération nous permettra de constater que la voie entre l’action gouvernementale et certaines dispositions de la loi n’est pas une voie linéaire ou automatique. Il existe toujours des voies d’évitement permettant aux membres de l’équipe ministérielle de gouverner sans égard pour les règles législatives régissant les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic. On peut constater un immense écart entre l’effectivité attendue et l’effectivité observée en ce qui à trait à certaines dispositions de la loi régissant la négociation dans les secteurs public et parapublic au Québec.
DE LA RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL (EN 1964-1965) JUSQU’À 1982-1983[10]
C’est à la suite de nombreuses pressions d’origine syndicale que le gouvernement du Québec achèvera la version finale de son projet de réforme du Code du travail en 1964 (le projet de loi 54)[11]. Celui-ci a pour effet de libéraliser le régime de négociation des rapports collectifs de travail, en étendant aux employées et employés de certains services public et parapublic le droit de grève (à l’exception des fonctionnaires, des enseignantes et des enseignants). En 1965, lors de l’adoption de la Loi de la fonction publique et lors de l’adoption de l’article 43 du Code du travail, les fonctionnaires, les enseignantes et les enseignants se verront reconnaître le droit de faire la grève[12].
Si le nouveau régime de négociation contient l’ensemble des mesures qui permettent aux salariées et salariés, réunis au sein d’un syndicat, d’exprimer la totalité ou leurs principales revendications, il ne faut pas conclure trop rapidement sur les chances de succès de ce type de régulation des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic. Par la suite, le gouvernement imposera d’autorité certaines restrictions à ce cadre de négociation et il sanctionnera sévèrement l’exercice de moyens de pression par l’adoption de lois spéciales.
De 1964-1965 à l’adoption de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) en 1985, six rondes de négociation entre l’État et les salariés syndiqués de la fonction publique et parapublique ont eu lieu[13]. Une seule de ces rondes de négociation n’a pas donné lieu à l’adoption d’une loi spéciale, soit celle de 1968. Toutes les autres ont fait l’objet de mesures dilatoires ou exceptionnelles interdisant ou reportant l’exercice du droit de grève, imposant un retour au travail, décrétant les conditions de travail des salariés syndiqués, freinant ou réduisant les hausses de salaires. Entre les périodes de négociation, le gouvernement du Québec a tenté – et réussi, dans certains cas – à modifier le régime de négociation, réduisant le champ du négociable ou (et) restreignant l’exercice du droit de grève[14].
Les négociations dans les secteurs public et parapublic ont été, à certaines occasions, très mouvementées durant la période allant de 1964-1965 à 1983. Elles ont même donné lieu à des crises sociales importantes (pensons ici aux négociations de 1972 et aux négociations de 1982-1983). Vers la fin de l’affrontement de 1982-1983, le ministre du Travail de l’époque, monsieur Raynald Fréchette annoncera qu’il est « devenu impératif de modifier le processus de négociations collectives entre l’État et ses employés »[15]. C’est ce à quoi le gouvernement, dirigé par René Lévesque, s’occupera durant la période allant de mars 1983 à juin 1985.
SUR LE PROCESSUS D’ÉMERGENCE ET D’ADOPTION DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE NÉGOCIATION DES CONVENTIONS COLLECTIVES DANS LES SECTEURS PUBLIC ET PARAPUBLIC (L.R.Q., CHAPITRE R8.2)
Du mois de mars 1983, à l’adoption de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) en juin 1985, six événements importants jalonnent le processus de modification du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic au Québec. Ces six événements sont :
1) le discours inaugural du premier ministre du Québec le 23 mars 1983 ;
2) le rapport Cadieux-Bernier ;
3) la publication en mai 1984 du document de consultation intitulé Recherche d’un nouvel équilibre, réforme du régime des négociations du secteur public, document de consultation;
4) la lettre du président du Conseil du trésor aux présidents des centrales syndicales le 11 octobre 1984 ;
5) l’avant-projet de loi 37 (décembre 1984) ;
6) le projet de loi 37 et son adoption en juin 1985.
1. Le discours inaugural
Lors du discours inaugural du 23 mars 1983, le Premier ministre Lévesque fait l’annonce que son gouvernement entreprendra une révision du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Il dit à ce sujet :
« Par ailleurs, le gouvernement employeur et les employés du secteur public doivent à l’évidence mettre au point, en matière de négociations de conventions collectives, de nouvelles règles du jeu qui reposent sur des bases plus solides et plus transparentes. La société québécoise, on l’a dit moult fois, mais il faut que ce soit la dernière fois qu’on ait à le dire, ne peut plus se permettre ces affrontements à répétition, stériles, coûteux et qui, en définitive, n’apportent vraiment rien à personne. L’histoire des négociations du secteur public depuis plus de quinze ans le démontre surabondamment. Pour sortir de ce cercle vicieux, le gouvernement entend proposer, dans les meilleurs délais, la mise sur pied d’un groupe d’enquête, parlementaire ou autre, doté de moyens adéquats et qui, dans un laps de temps raisonnable, rencontrera tous les intéressés et formulera les recommandations susceptibles de renouveler le régime de négociation dans le secteur public[16]. »
Sitôt sorti de la crise des relations de travail dans les secteurs public et parapublic en 1982-1983, le gouvernement semble décidé à vouloir tourner la page sur « quinze ans » de négociation ayant conduit, selon lui, à des « affrontements à répétition, stériles, coûteux et qui, en définitive n’apportent vraiment rien à personne ». Bref, le gouvernement du Québec, par la voix du Premier ministre, annonce qu’il mettra en branle un processus ayant pour but de formuler des recommandations en vue de « renouveler » le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Il ne s’agit donc pas d’adopter une simple loi spéciale suspendant l’exercice de certains droits pour une brève période de temps. Pour le gouvernement, l’heure est venue de modifier les « règles du jeu ».
2. Le rapport Bernier-Cadieux
À la suite du discours inaugural, le gouvernement du Québec forme un comité de recherche (le groupe de recherche Cadieux-Bernier) qui est chargé de préparer un dossier de type descriptif et comparatif des régimes de relations de travail dans les secteurs public et parapublic de certains pays industrialisés (Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, France, Italie, Suède, Etats-Unis et Canada) en regard de trois aspects : 1) les droits des syndicats du secteur public; 2) les mécanismes de fixation des conditions de travail; et 3) les mécanismes de règlement des conflits de travail.
Le Rapport Cadieux-Bernier est disponible dès décembre 1983. Le document conclut que le système des relations de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec impose de nombreuses contraintes à l’État et accorde de nombreux « avantages » aux syndicats. Ce régime de libre négociation dans les secteurs public et parapublic, aux yeux des auteurs, semble comporter un vice de structure qui le rend particulièrement fragile. Ce système accorde des « avantages » aux syndicats, il est « sans point d’équilibre » et il en résulte constamment des affrontements.
« Le régime des relations de travail dans le secteur public québécois ne comporte pas de tels mécanismes de régulation et de contre-poids. Il conjugue tout simplement le maximum de droits syndicaux à un mécanisme de négociation permettant aux pressions syndicales d’avoir le maximum d’impact. Dans un tel contexte, le gouvernement a le choix de faire les concessions qu’impose la situation ou de suspendre le fonctionnement du régime même. Le point d’équilibre des forces en présence se situe à l’extérieur du système des relations de travail. Ce n’est pas un hasard en effet si au Québec, depuis une vingtaine d’années et sous quatre gouvernements différents, les conflits de travail ont dégénéré en conflits sociaux et ont abouti ultimement devant l’Assemblée nationale pour trouver leur dénouement à l’extérieur des règles du jeu convenues au départ. Notre système de relations de travail dans le secteur public n’a pas trouvé son point d’équilibre[17]. »
Et les auteurs du rapport d’ajouter: « le Québec peut être considéré comme une société particulièrement <généreuse> ou <libérale> quant aux droits qu’il consent aux syndicats de son secteur public ». Société tellement « généreuse » que les auteurs se demandent : « la générosité du régime juridique qui encadre l’activité syndicale dans le secteur public québécois est-elle responsable des difficultés que le Québec a connues régulièrement depuis quinze ans? ». Si Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier hésitent à donner une réponse catégorique à cette question (car ils admettent que plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de ces difficultés), ils mentionnent :« Il est difficile en revanche de croire que la nature du régime juridique n’a joué aucun rôle dans les difficultés que le Québec a connues ». Cette étude ne comporte cependant aucune recommandation précise. Tout au plus vise-t-elle à fournir « un éclairage et des points de référence mais, précisent les auteurs, les réajustements à entreprendre pour rendre notre système plus fonctionnel n’ont rien d’évident ou de mécanique. Ils relèvent d’analyses et de choix politiques et sociaux qui doivent être élaborés et assumés par notre société (…)[18]. »
3. Recherche d’un nouvel équilibre
Cinq mois après la publication du Rapport Cadieux-Bernier, le gouvernement du Québec fait connaître son analyse du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic dans un document de consultation intitulé : Recherche d’un nouvel équilibre. Réforme du régime des négociations du secteur public. Ce document de consultation de 16 pages contient 27 questions. Il est axé autour de cinq grands thèmes dont « l’égalité des parties négociantes », et « l’affrontement systématique ». Même s’il ne s’agit pas d’un document exprimant la position gouvernementale, on y trouve, sur le mode interrogatif, des pistes de « solutions » à envisager en vue de réformer le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Ce document de consultation reprend, en l’amplifiant, la conclusion du Rapport Cadieux-Bernier, à savoir que la crise dans les secteurs public et parapublic au Québec est imputable au régime de négociation. Partant de là, en vue de réduire les tensions dans ces secteurs pris en charge ou financés par l’État, il faut, selon les auteurs du document, ni plus ni moins, remettre en question certaines des dispositions de ce régime.
L’avant-propos du document, signé par le ministre délégué à l’Administration et président du Conseil du trésor M. Michel Clair, fournit un bon exemple de l’intention du gouvernement en place d’entreprendre une grande réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic: « certaines sociétés, aussi développées et aussi démocratiques que la nôtre, sont parvenues à établir des régimes de négociations et de discussions des grands enjeux collectifs beaucoup moins générateurs d’antagonismes que le nôtre, et où des intérêts aussi divergents que ceux qui existent ici, parviennent à se faire valoir et respecter avec beaucoup moins de tensions et d’à-coups[19]. »
Interrogatif, le ministre poursuit dans son avant-propos en se demandant :
« Est-il possible, au Québec, de se sortir des ornières des dix ou quinze dernières années pour entrer dans un régime de négociation dans le secteur public et parapublic qui tout en respectant des standards démocratiques internationaux, permette, à la fois à la collectivité de recevoir des services adéquats, compte tenu de sa capacité de payer, aux syndicats de faire valoir les intérêts de leurs membres (…), aux gestionnaires d’administrer efficacement et humainement leurs ressources, au gouvernement de faire des choix pour lesquels il a été élu et tout cela, sans sombrer dans des affrontements répétitifs?[20]. »
C’est donc avec un souci évident de mettre un terme pour de bon à la série d’affrontements qui avaient ébranlé les secteurs public et parapublic depuis « dix ou quinze ans » et convaincu que le régime de négociation avait contribué à la genèse de ces affrontements que le ministre, sans attendre le résultat de la consultation, précise : « Le gouvernement est cependant déterminé à agir, à changer ce régime d’affrontements qui ne satisfait personne et il entend donc, dès l’automne 1984, arrêter sa position et proposer les mesures gouvernementales ou législatives nécessaires pour implanter un nouveau régime[21]. »
La volonté gouvernementale de changer le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic ne peut faire de doute. Mais à quoi correspond son analyse de la crise des relations de travail dans les secteurs public et parapublic et quels changements préconise-t-il à travers son document de consultation?
Dans l’introduction au document de consultation on peut lire ce qui suit :
« Au Québec, depuis 1964, l’État a privilégié la négociation collective comme instrument de détermination des conditions de travail des salariés du secteur public. Vingt ans plus tard, après plusieurs rondes de négociation, de nombreuses modifications et d’importants soubresauts, force est de constater que le régime actuel de négociation comporte des défaillances structurelles majeures, favorise la confusion quant au rôle de l’État, conduit régulièrement à des affrontements et n’a pas la souplesse nécessaire pour s’adapter aux profonds changements que vit actuellement notre société. Bref, nous sommes captifs d’un régime de négociation qui n’a pas d’équilibre interne et qui n’engendre pas de solutions à ses problèmes[22]. »
C’est donc en s’appuyant sur ce diagnostic, où le régime de négociation est vu comme le facteur responsable des affrontements dans les secteurs public et parapublic, que le gouvernement envisage un changement. Le document de consultation précise que : « Le changement, dans un domaine aussi névralgique et sensible, pour qu’il ait des effets durables, doit s’effectuer graduellement et porter autant sur les fondements du régime que sur ses structures et sur le développement d’instruments et de situations favorisant le changement des mentalités[23]. »
Les changements doivent porter sur les « fondements », les « structures » et les « instruments » à créer en vue de changer les mentalités. Pour atteindre ces trois objectifs, le gouvernement envisage un certain nombre de modifications dont une porte sur « l’égalité des parties négociantes ».
Selon le document de consultation : « L’analyse des négociations depuis 1972 démontre l’existence d’un immense malentendu né de la confusion entre le rôle de l’État-gouvernement et le rôle de l’État-employeur. Il est essentiel que ces deux rôles de l’État soient démarqués ne serait-ce que pour que les <règles du jeu> soient connues à l’avance[24]. »
Dans un nouveau régime de négociation, la définition des frontières entre l’État-gouvernement et l’État-employeur « devrait permettre d’exclure du rapport de forces, et peut-être même du champ de la négociation traditionnelle, les questions qui relèvent ultimement de la responsabilité exclusive du gouvernement et auxquelles il ne saurait se dérober[25].»
Pour « rééquilibrer » le rôle des parties négociantes, le gouvernement n’écarte donc pas la possibilité de soustraire du champ du négociable la masse salariale. Dans ce cadre de négociation où la rémunération serait, à toutes fins utiles, décrétée à la suite « (d’)une consultation formelle auprès des divers agents sociaux-économiques », le rôle de l’État-législateur devrait consister à « s’assurer du maintien d’un équilibre entre le marché du travail du secteur public et celui du secteur privé. […] Cet équilibre nous apparaît devoir se concrétiser par l’acceptation du principe de l’alignement par comparaison de la rémunération globale du secteur public sur celle du secteur privé[26]. »
Le nouveau régime de négociation envisagé du point de vue du gouvernement du Québec doit, au sujet de la rémunération, permettre à l’État « (d’exercer) ses responsabilités ». Le respect de cet objectif semble possible aux yeux du gouvernement, en autant que la rémunération des salariés syndiqués des secteurs public et parapublic ne soit plus le résultat d’une négociation autorisant l’exercice d’un rapport de force syndical, mais qu’elle soit établie en tenant compte seulement du « principe général de parité de la rémunération globale entre le secteur public et le secteur privé ».
Le document de consultation est très précis sur la source des crises qui ont secoué les relations de travail dans les secteurs public et parapublic. « Le système actuel de négociation a engendré des affrontements successifs dont plusieurs ont débouché sur des crises politiques et sociales majeures. Cette situation n’est plus acceptable tant pour les intervenants que pour la société québécoise. […] bien que la négociation porte en elle la possibilité de conflits, il faut trouver les moyens d’en réduire les probabilités et les circonscrire[27]. »
Le régime de négociation est directement identifié comme le responsable des « crises politiques et sociales majeures » qu’a connues le Québec. Plus précis que le rapport Cadieux-Bernier, le document de consultation du ministre Michel Clair mentionne : « Il apparaît qu’un des grands défauts du système actuel est son fonctionnement par à-coups. En effet, à tous les trois ou quatre ans, les parties se préparent pour un grand <happening> qui se transforme inévitablement en un rapport de forces où il y a, fatalement, des <gagnants> et des <perdants>[28]. »
La solution à ce régime de négociation, qui apparaît aux yeux du gouvernement comme « vicié » à sa base, réside, selon lui, dans la réponse qui sera apportée à la question suivante : « Ne serait-il pas plus facile d’ajuster continuellement les conditions de travail à l’évolution de la conjoncture et aux besoins de l’heure? ». Concrètement, le gouvernement, dans le cadre de sa consultation, invite les personnes intéressées à formuler des propositions sur la « périodicité des négociations », la « fréquence ou la forme » des négociations, « la durée séparant deux rondes de négociation », la « possibilité d’ajustements annuels (…) sur la rémunération », etc.
Le document de consultation contenait la précision suivante :
« le gouvernement doit répondre de ses actes devant l’ensemble du corps électoral. Il lui appartient donc de faire les choix budgétaires fondamentaux qui reflètent ses politiques économiques et sociales. Le lieu pour discuter des choix qui concernent l’ensemble de la société ne saurait donc être celui de la négociation dans les secteurs public et parapublic, qui ne touche que 15% des salariés du Québec. Le gouvernement doit agir pour l’ensemble de la collectivité. Dans cette foulée, il semblerait opportun que le gouvernement fasse connaître ses priorités en matière de développement social et économique, les limites de sa capacité de payer, le niveau des services et les conséquences qui en découlent sur l’environnement budgétaire d’une négociation qui concerne près de la moitié du budget. Cette annonce devrait être précédée d’une consultation formelle auprès des divers agents sociaux-économiques (sic)[29]. »
Manifestement, le gouvernement est prêt à faire son « choix politique » à cette étape du processus de révision du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. En clair, il envisage le retrait de la rémunération du champ de la négociation.
4. La lettre du 11 octobre 1984
Dans une lettre adressée aux présidents des centrales syndicales (le 11 octobre 1984), le ministre Michel Clair annonce que le gouvernement du Québec a désormais « la conviction » « qu’il n’est de l’intérêt de personne que le Québec revive les déchirements sociaux et politiques qu’ont trop souvent occasionnés les rondes de négociation dans le secteur public. Le gouvernement n’entend donc pas mener, par conséquent, de nouvelles négociations dans la <forme traditionnelle>[30]. »
La réforme du régime de négociation n’est donc plus une vague menace. Par sa lettre du 11 octobre 1984, le ministre Michel Clair indique qu’il n’y aurait plus de négociations dans la « forme traditionnelle ». A ce sujet, il mentionne : « Nous croyons que le régime de négociation traditionnel doit être amendé […]; sur le plan de la rémunération globale, il faut réduire les <écarts milliardaires> entre les offres et les demandes, écarts qui trop souvent n’ont engendré qu’illusion, frustration et affrontement dans un système basé davantage sur les appétits que sur la réalité[31]. »
Dans sa lettre du 11 octobre 1984 le ministre Michel Clair précise la direction qu’entend prendre le gouvernement du Québec en regard de la négociation de la rémunération :« La rémunération globale demeurerait négociable mais ne serait fixée de manière définitive que pour une année à la fois[32] ».
La lettre se termine par un appel aux centrales syndicales à « se sortir des ornières de l’affrontement » et à « procéder » selon les nouvelles règles proposées pour les négociations dans les secteurs public et parapublic. À défaut d’entente, le gouvernement n’écarte pas la possibilité « (d’)une modification unilatérale du régime de négociation ».
5 . L’avant-projet de loi
Dans l’avant-projet de loi 37 déposé le 20 décembre 1984, le ministre Michel Clair précise le nouveau mode de détermination des conditions salariales et de travail que le gouvernement du Québec semble disposé à mettre en place. Il suggère de retirer de la négociation la question de la rémunération et de la fixer à partir de travaux qui seraient réalisés par l’Institut paritaire de recherche sur la rémunération. Cet Institut serait appelé à publier chaque année un rapport (fin novembre) sur l’état et l’évolution de la rémunération des employés du secteur public par rapport à d’autres salariés québécois. Après la publication de ce rapport de l’Institut et après « négociation » avec les organisations syndicales (sans que les membres de ces organisations puissent recourir à la grève), le gouvernement devra déposer devant l’Assemblée nationale, pour la mi-avril, un projet de règlement fixant la rémunération des salariées et salariés des secteurs public et parapublic.
Cet avant-projet de loi a pour effet de réduire de beaucoup le pouvoir de négociation des organisations syndicales; de plus il réduit la portée et l’étendue du droit de grève. Selon le ministre, il est nécessaire de modifier la dynamique des négociations dans les secteurs public et parapublic. À ce sujet il affirme :
« Les négociations dans les secteurs public et parapublic au Québec ont connu une évolution qui s’est caractérisée principalement au cours des 15 dernières années par une centralisation de plus en plus grande, des affrontements de plus en plus systématiques, stériles et coûteux pour le bon fonctionnement socio-économique de notre société. Tel qu’il a fonctionné depuis plus de quinze ans, notre régime de négociation a généré des conflits de plus en plus durs, alors qu’il était censé générer des solutions.
Les dures leçons des événements de 1982 à ce sujet ont convaincu le gouvernement, et je pense l’immense majorité de nos concitoyens, de la nécessité très évidente de modifier ce régime de négociation si l’on veut réellement sortir le Québec des ornières de l’affrontement[33]. »
De l’avant-projet de loi au projet de loi 37, les organisations syndicales organisent diverses manifestations d’opposition qui ne parviennent pas à ébranler la volonté du ministre Clair. Le projet de loi 37 comporte une seule modification majeure par rapport à l’avant-projet de loi : le droit de faire la grève sur la question des salaires est autorisé une fois tous les trois ans (c’est-à-dire, uniquement pour la première année d’une convention collective de trois ans).
6. Du projet de loi 37 à la loi
Lors de la présentation de son projet de loi 37 à l’Assemblée nationale du Québec (le 2 mai 1985), le ministre fait une présentation très descriptive et somme toute assez technique des principales dispositions contenues dans la réforme qu’il entend mettre en place. Qu’on en juge par ce qui suit :
« Ce projet a principalement pour objet de créer un Institut de recherche sur la rémunération; de définir le cadre de la négociation des conventions collectives dans les secteurs de l’éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux; de déterminer des matières susceptibles de faire l’objet de négociation à l’échelle locale ou régionale et des matières pouvant faire l’objet d’arrangements locaux; d’établir un mode nouveau de détermination des salaires et échelles de salaires pour chacune des deux années suivant la première année des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic;(…)[34]. »
Sur la négociation des salaires, élément important d’un régime de liberté syndicale, le ministre déclare :
« En ce qui concerne les salaires et les échelles de salaires des employés des secteurs public et parapublic, les stipulations des conventions collectives applicables pour la première année seront négociées et agréées comme les autres stipulations qui sont l’objet de négociations. Pour chacune des deux années subséquentes de la convention, la détermination sera faite selon les modalités suivantes. Après la publication par l’Institut de son rapport annuel sur la rémunération, les parties tenteront de s’entendre sur les salaires et échelles de salaires pour l’année subséquente. A la suite de cette négociation, un projet de règlement sera élaboré et, au cours du mois d’avril, proposé à l’approbation du gouvernement après avoir été soumis à l’examen d’une commission parlementaire. Une fois fixées ainsi par règlement, les stipulations sur les salaires sont intégrées pour l’année en cours à la convention collective[35]. »
Dans le cadre de quatre communiqués de presse, le ministre Michel Clair tente de dégager le sens de la réforme proposée. Il indique, au sujet de l’impact que le gouvernement attend de cette réforme, que le projet de loi « s’inscrit dans une recherche pour diminuer les tensions qui entourent traditionnellement le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public. Je crois qu’il comporte à la fois la garantie d’un traitement équitable pour les employés du secteur public (…)[36]. »
Au sujet du sens et de la portée du nouvel Institut de recherche sur la rémunération que le projet de loi met en place, le ministre précise,
« Je crois que le projet de loi garantit aux employés du secteur public les mécanismes leur permettant de négocier une rémunération équitable et garantit aux québécois (sic) la diminution des tensions lors des négociations. Nous avons tenté de redonner un certain équilibre au régime de négociation et j’espère que les syndicats du secteur public accepteront de travailler rapidement au sein de l’Institut de recherche sur la rémunération. Ce serait le signe d’une volonté de diminuer les affrontements stériles, d’un désir de solutionner les problèmes sur la base d’une compréhension partagée de la réalité plutôt que sur le rapport de force traditionnel[37]. »
Pour l’essentiel, la réforme proposée par le ministre Michel Clair vise « la diminution des tensions » et la mise en place d’un régime qui pacifie les relations de travail dans les secteurs public et parapublic.
LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI CONCERNANT LE MODE DE NÉGOCIATION DES SALAIRES
La Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) a été adoptée et sanctionnée le 19 juin 1985. Cette loi est toujours en vigueur, et comme on pourra le constater un peu plus loin, certaines de ses dispositions n’ont jamais été appliquées. C’est le cas du mode de négociation des salaires[38]. Cette loi établit un nouveau cadre juridique pour la négociation collective dans les secteurs public et parapublic. Dans les notes explicatives contenues au projet de loi 37 on lit ce qui suit .
Ce projet a principalement pour objet :
« 2) de définir le cadre de la négociation des conventions collectives dans les secteurs de l’éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux; (…) 4) d’établir un nouveau mode de détermination des salaires et échelles de salaires pour chacune des deux années suivant la première année des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic[39]; »
La Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) statue que les augmentations salariales ne sont déterminées qu’une année à la fois. La première année peut faire l’objet d’une négociation (avec droit de grève pour les salariées et salariés syndiqués des secteurs public et parapublic), les deux suivantes sont déterminées dans le cadre d’un règlement[40].
SUR UN EFFET INATTENDU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE NÉGOCIATION DES CONVENTIONS COLLETIVES DANS LES SECTEURS PUBLIC ET PARAPUBLIC (L.R.Q., CHAPITRE R8.2) CONCERNANT LA DÉTERMINATION DE LA RÉMUNÉRATION
Depuis l’adoption de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) jusqu’en juin 2010, nous avons assisté à onze rondes de négociations entre l’État et les salariés des secteurs public et parapublic au Québec[41]. Ces négociations ont toutes la particularité de s’être déroulées dans un cadre fort différent de celui prévu dans la loi[42]. Comme nous l’avons mentionné plus haut, dans ses grandes lignes, la loi prévoit que seule la première année de la convention peut faire l’objet d’une négociation en ce qui concerne les salaires. Les deux suivantes devant être l’objet d’un règlement adopté par le gouvernement.
En 1986, le gouvernement du Québec a convenu d’une convention collective pour une durée de trois ans, accordant des augmentations de salaire de l’ordre de 3,5% (le 1er janvier 1986); de 4% (le 1er janvier 1987) et de 4,5% (le 1 janvier 1988). Cette convention collective viendra à échéance le 31 décembre 1988. Lors de la ronde de négociation de 1989, les augmentations salariales convenues entre les parties négociantes sont de l’ordre de 4% en 1989, de 4,5% en 1990 et de 4% en 1991. Les conventions expireront le 31 décembre 1991. En avril 1991, une entente de principe est conclue entre le gouvernement et les représentants syndicaux, prévoyant une prolongation de six mois de la convention collective (échéance des conventions reportée du 31 décembre 1991 au 30 juin 1992), accompagnée d’une augmentation de 3% au dernier jour de la convention collective (1er juillet 1992). En février 1992, le président du Conseil du trésor invite les organisations syndicales à renoncer à l’entente conclue pour la remplacer par une nouvelle prolongation qui comportera des concessions salariales de la part des salariées et salariés de l’État. Les parties conviennent en mai 1992 d’une nouvelle prolongation d’un an de la convention collective (du 30 mai 1992 au 30 juin 1993). L’augmentation salariale de 3% au 1 juillet 1992 est maintenue.
En juin 1993, le gouvernement adopte une loi spéciale[43] qui décrète une prolongation des conventions collectives du 30 juin 1993 au 30 juin 1995. La masse salariale est amputée de 1% (c’est-à-dire de 2,6 jours de congé sans rémunération pour les années 1993-1994 et pour 1994-1995). Les clauses normatives sont reconduites pour une période de deux ans. Le gouvernement offre la possibilité de remplacer la coupe salariale de 1% par d’autres économies dans l’organisation du travail. En août 1995 (à la veille du référendum d’octobre 1995) débutent des négociations en vue du renouvellement des conventions collectives maintenant échues depuis juin 1995. Les parties conviennent d’abroger la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal (L.Q. 1993, c. 37) à compter d’octobre 1995 et des augmentations salariales suivantes : 1% le 1 mars 1997 et 1% le 1 mars 19
Au début de 1997 (février 1997), le gouvernement rouvre les conventions collectives et fixe des objectifs de résultat. Les salariés syndiqués des secteurs public et parapublic doivent accepter diverses formes de coupures découlant des coûts de main-d’œuvre. L’objectif visé par le gouvernement est le suivant : diminution de 15,000 postes à temps complet. Objectif qu’il parviendra à imposer aux organisations syndicales en adoptant une loi spéciale, la Loi sur la diminution des coûts de main-d’œuvre dans le secteur public et donnant suite aux ententes à cette fin (L.Q. 1997, c. 7). En décembre 1999[44] (après dix-huit mois de négociations), le Front commun syndical (CEQ-CSN-FTQ) obtient une entente négociée d’une durée de quatre ans. Les hausses salariales convenues sont de l’ordre de 9 % (1.5 % pour 1999; 2.5 % par année pour les trois années suivantes).
Du printemps 2001 au printemps 2003, l’intersyndicale formée de la CSN, la CSQ, la FIIQ, la FTQ et le SFPQ entreprend des travaux visant à réaliser l’équité salariale dans les secteurs public et parapublic au Québec (identification des catégories d’emploi à prédominance féminine, élaboration d’un plan d’évaluation et rédaction d’un questionnaire d’enquête accompagné d’un échantillonnage). En vue de régler le dossier de l’équité salariale, il fut même convenu en 2002 de prolonger du 30 juin 2002 au 30 juin 2003 les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic[45]. L’entente de prolongation des conventions collectives impliquait ici les organisations suivantes : CSQ, FTQ, SFPQ et trois fédérations de la CSN (FSSS, FEESP et FP).
Lors des négociations qui se dérouleront entre 2003 et 2005 l’équipe ministérielle décidera de recourir à la voie autoritaire pour imposer unilatéralement son point de vue. Les négociations se termineront par l’adoption de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (L.Q. 2005, chapitre 43[46]). Cette loi touche les employés du gouvernement et les salariés travaillant dans les commissions scolaires, les collèges et les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. L’objectif de la loi, tel que défini à l’article 1, vise deux choses : « assurer la continuité des services publics » et « pourvoir aux conditions de travail des salariés des organismes du secteur public dans le cadre des limites qu’impose la situation des finances publiques ». Les conventions collectives sont renouvelées jusqu’au 31 mars 2010. L’annexe 1 fixe la hausse des taux de traitement applicables pour les années 2006 à 2009. Ce taux est établi à 2% de majoration annuelle. Rien n’est prévu pour les années 2004 et 2005. Pour ce qui est de la continuité des services, la section IV de la loi (art. 22 à 42) retire le droit de grève que possédaient les salariés et met en place diverses sanctions ayant pour but d’empêcher l’exercice de tout moyen de pression dans les secteurs public et parapublic jusqu’au 31 mars 2010[47]. À cette mesure autoritaire s’ajoute aussi l’adoption, à l’automne 2003, de toute une panoplie de lois anti-syndicales qui auront eu pour effet de nuire au déroulement normal de la négociation (les projets de lois 25[48], 30[49] et 31[50]).
Dans le cadre de la ronde de négociation 2009-2010, le gouvernement du Québec a conclu avec la partie syndicale un contrat de travail d’une durée de cinq ans (du 1er avril 2010 au 31 mars 2015) comportant une hausse de salaire de 6 % et des ajustements salariaux additionnels pouvant atteindre 4,5% (1% pour tenir compte de l’inflation et un éventuel 3,5% si l’économie du Québec progresse de plus de 17% de 2010 à 2013 inclusivement)[51].
Malgré la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2), les centrales syndicales seront donc parvenues à négocier avec le gouvernement à trois reprises, des conventions collectives d’une durée de trois ans (en 1986, en 1989 et en 1995) et, à une occasion, un contrat de travail d’une durée de quatre ans (1998-2002). De plus, à la suite de ces négociations avec le gouvernement, elles obtiendront des prolongations de contrat de travail (en 1991, en 1992 et en 2002). En 1993, cependant, le gouvernement adoptera une loi spéciale qui viendra mettre un terme à la négociation, et en 1996-1997 (sous la menace d’une loi spéciale), le gouvernement réussira à rouvrir les conventions collectives en imposant une réduction de 6 % des coûts de main-d’œuvre. En décembre 2005, le gouvernement du Québec mettra fin abruptement à la négociation en interdisant l’exercice de tout moyen de pression et en décrétant, pour une période de six ans et neuf mois, les conditions de travail et de rémunération de ses salariés. En juin 2010, les représentants du Front commun conviendront d’une entente de principe de longue durée (cinq ans) qui fait fi de certaines dispositions du Code du travail[52].
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2), on peut dire que les relations de travail dans les secteurs public et parapublic se sont à nouveau terminées par des lois d’exception ou par des reconductions unilatérales de conventions collectives venues à expiration. Les négociations collectives se sont toujours conclues à l’extérieur des cadres prévus par la loi. Ceci nous permet d’affirmer que le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic est un authentique régime de façade quant à certains de ses aspects importants.
Sur l’effectivité de la loi
Les résultats que le gouvernement se propose d’atteindre par l’adoption de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) sont très ambitieux. Il s’agit, à l’aide de cette loi : a) « de modifier les mentalités »; b) de « tourner la page sur quinze ans d’affrontements »; c) de « réduire les écarts milliardaires » entre les offres gouvernementales et les demandes syndicales; d) de mettre en place un nouveau régime de négociation moins porteur « de tensions et d’à-coups »; e) d’éviter une « confusion entre l’État-employeur et l’État-législateur »; et f) de garantir aux salariées et salariés syndiqués que le nouveau mode de rémunération sera « équitable », en leur garantissant que les salaires et les échelles de salaires ne « peuvent être inférieurs à ceux de l’année précédente », etc.
Il ne s’agit pas pour nous de nous interroger sur l’effectivité attendue ou l’efficacité de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) en lien avec les objectifs annoncés par le gouvernement tout au long du processus menant à son adoption. Nous entendons plutôt nous intéresser à l’effectivité de certaines dispositions de la loi relatives à la rémunération. Pour nous aider à saisir la portée de cette notion d’effectivité, Guy Rocher fait une comparaison très pertinente entre l’efficacité et l’effectivité d’une loi. « L’efficacité d’une loi me paraît faire référence au fait qu’elle atteint l’effet désiré par son auteur ou, si ce n’est celui-là même, à tout le moins un effet qui se situe dans la direction souhaitée par l’auteur et non pas en contradiction avec elle. En revanche, j’attribue au terme effectivité un sens beaucoup plus étendu et plus polyvalent, pour désigner tout effet de toute nature qu’une loi peut avoir[53]. »
S’étendant un peu plus longuement sur ce qu’il faut entendre par « tout effet de toute nature qu’une loi peut avoir », Rocher indique : « Tenter de comprendre l’effectivité du droit, c’est tout ensemble retracer la diversité de ses effets, voulus et involontaires, recherchés ou accidentels, directs et indirects, prévus et inattendus, sociaux, politiques, économiques et culturels[54]. »
Parlant d’effets « inattendus » et « involontaires », il est d’ailleurs assez étonnant de constater que le gouvernement, en regard des dispositions concernant la rémunération, a jusqu’à maintenant toujours agi de manière contraire à sa propre loi.
Nous nous retrouvons en pleine situation rarement relevée sur le plan théorique ou dans le discours des acteurs politiques, à savoir : qu’une loi serait votée par le pouvoir législatif dans le but de ne pas être appliquée par le pouvoir exécutif. Nous sommes confrontés à une situation de mise à exécution de manière opposée à la loi. Une situation où l’on découvre que la loi a une portée très relative et qu’elle donne lieu à une application imprévue. Une effectivité insoupçonnée, parce que jamais pressentie ou mentionnée, même vaguement, lors du processus menant à l’adoption de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2). Le régime de négociation en vigueur dans les secteurs public et parapublic au Québec a un caractère fictif quant à certaines de ses composantes. Il s’agit d’un régime de façade malléable selon les volontés tantôt unilatérales de la part du gouvernement et tantôt conjointes de la part des acteurs impliqués par la négociation.
En d’autres termes, dans un cadre d’État dit de droit, il s’agit d’une effectivité complètement inattendue et même inavouable… Il s’agit d’une effectivité insoupçonnée : une effectivité que nous osons qualifier « d’effectivité nulle ».
CONCLUSION
Notre lecture des dispositions relatives à la fixation de la rémunération prévue à la
Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2), ne vise pas à rendre caduques l’ensemble des perspectives théoriques qui établissent une filiation entre l’État, la régulation et la loi. Tout au plus, cherchons-nous à compléter la perspective analytique en y introduisant une nuance importante : la possibilité, qu’entre la régulation et la loi, il puisse y avoir, même de la part du pouvoir exécutif, des comportements contraires aux dispositions de la loi.
Entre la théorie et la réalité observée, on peut se heurter à un certain nombre d’équivoques. Une composante de l’État de droit (le pouvoir exécutif), peut agir, dans certaines situations et en toute impunité jusqu’à maintenant, de manière contraire à certaines dispositions de la loi. La loi, moyen par lequel une société se régule, peut donc faire l’objet d’une application à géométrie très variable. Elle comporte une zone floue, rarement précisée dans les théories de la régulation. D’où l’importance, avant de formuler des propositions théoriques formelles, de tenir compte du fait que la loi d’encadrement n’est pas seule à réguler la vie sociale. Il en est ainsi parce que la loi peut donner lieu à une effectivité insoupçonnée, pouvant aller jusqu’à son non-respect par le gouvernement et les tribunaux peuvent mettre des années avant d’avoir à se prononcer sur la question.
La régulation peut donc se réaliser tantôt à travers les mécanismes prévus par la loi, tantôt à l’extérieur des dispositions prévues à la loi. Dans cette dernière éventualité, la loi d’encadrement des rapports collectifs de travail apparaît comme un document référentiel de façade. Le régime de négociation, réputé en vigueur, correspond à des règles fictives que le gouvernement se permet de transgresser. Le concept d’effectivité de la loi nous permet d’éviter de tomber dans le travers d’une lecture mécanique qui aurait pour conséquence de déduire et d’établir un lien obligé entre la loi et l’observance de celle-ci par le gouvernement dans la régulation de certaines pratiques sociales, comme les négociations des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic. Puisqu’il en est ainsi, le caractère heuristique du concept d’effectivité de la loi nous semble indiscutable pour rendre compte d’une certaine réalité juridico-politique et ce sans complaisance de la part de l’analyste face à un gouvernement qui peut être tenté, à certaines occasions, par la voie autocratique.
[1] Yvan Perrier est chercheur associé au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal et professeur de sciences politiques au département d’histoire, de géographie et de sciences sociales au Cégep du Vieux Montréal. yperrier@cvm.qc.ca
[2] Voir à ce sujet : Jean BOIVIN, « La grève dans les services publics : perspectives et solutions législatives », dans Plusieurs auteurs, Quatrième colloque des relations industrielles 1972 : la grève , Montréal, Université de Montréal, 1973, pages 55 à 63; Jean BOIVIN, « L’impact des secteurs public et para-public sur la politisation des relations de travail », dans Gérard DION (dir.), La politisation des relations du travail, Québec, les presses de l’Université Laval, 1973, pages 63 à 78; Jean BOIVIN, Bilan de la négociation collective dans les secteurs public et parapublic québécois, Québec, 48e Congrès des relations industrielles de l’Université Laval, 4 mai 1993, photocopie, 33 pages; François DELORME et Gaston NADEAU, « Un aperçu des lois de retour au travail adoptées au Québec entre 1964 et 2001 », Relations industrielles, Vol. 57, no 4, p. 743 à 788 ; Jacques DESMARAIS, « Le secteur public : un code du travail particulier? », dans Michel BROSSARD (dir.), La loi et les rapports collectifs du travail, Quatorzième colloque, Relations industrielles, Montréal, Université de Montréal, 1983, p. 174 à 192; Gérard HÉBERT, Traité de négociation collective, Boucherville, Gaëtan Morin éditeur, 1992, p. 937 à 990; René LAPERRIÈRE, La judiciarisation des relations de travail, Communication proposée au IIIe colloque du Regroupement québécois des sciences sociales, Montréal, 1990, 12 p.; Maurice LEMELIN, Les négociations collective dans les secteurs public et parapublic. Expérience québécoise et regard sur l’extérieur, Montréal, Les éditions ARC, 1984, 381 p.; Fernand MORIN et Claudine LECLERC, « L’usage de la loi pour contenir les relations du travail : l’expérience du Québec », dans Ivan Bernier et Andrée Lajoie (dir.), Le droit du travail et le droit urbain au Canada, Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, Ottawa, Approvisionnements et services, 1986, volume 51, p. 75 à 181; Yvan PERRIER, De la libre contractualisation à la négociation factice, Québec, Éditions Nota bene, 2001, 148 p.
[3] Voir à ce sujet : André BEAUCAGE, Syndicats, salaires et conjoncture économique. L’expérience des fronts communs du secteur public québécois de 1971 à 1983, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 1989, 127 p.; Roch DENIS, « Plaidoyer pour le front commun », Conjoncture politique au Québec, no. 3, printemps 1983, p. 23 à 31; Bernard DIONNE, Le syndicalisme au Québec, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1991, 127 p.; Jean-Marc PIOTTE, Du combat au partenariat. Interventions critiques sur le syndicalisme québécois, Québec, Éditions Nota bene, 1998, 273 p.; Jacques ROUILLARD, Le syndicalisme québécois : Deux siècle d’histoire, Montréal, Boréal, 2004, 335 p.
[4] Carol LEVASSEUR, « De l’État-providence à l’État-disciplinaire », dans Gérard BERGERON et Réjean PELLETIER, L’État du Québec en devenir, Montréal, Boréal Express, 1980. P. 208 à 248.
[5] Gérard BOISMENU, « L’État et la régulation du rapport salarial depuis 1945 », dans Gérard BOISMENU et Daniel DRACHE (dir.), Politique et régulation. Modèle de développement et trajectoire canadienne, Montréal, Méridien, 1990, p. 155 à 203.
[6] Robert BOYER, La théorie de la régulation : une analyse critique, Paris, Éditions La Découverte, 1986, p. 55.
[7] Léon DION, « Problèmes et méthode. Les sociétés dans leur changement et leur durée », dans Jean-William LAPIERRE, Vincent LEMIEUX et Jacques ZYLBERBERG, Être contemporain. Mélanges en l’honneur de Gérard Bergeron, Montréal, co-édition, Presses de l’Université du Québec et École nationale d’administration publique, 1992, p. 44-45; Max WEBER, Le savant et le politique, Paris, 10-18, 186 p.
[8] Yvan PERRIER, Les codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux; Ou quand les mots ne disent pas tout, Verdun, Les éditions Cartier, 2000, 64 p.
[9] Guy ROCHER, « L’effectivité du droit », dans Andrée LAJOIE, Roderick A. MACDONALD, Richard JANDA et Guy ROCHER, Théories et émergence du droit : pluralisme, surdétermination et effectivité, Montréal/Bruxelles, Les éditions Thémis et Bruylant, 1998, p. 133 à 149. Guy Rocher définit comme suit le concept d’effectivité : « […] tout effet de toute nature qu’une loi peut avoir. » (P. 135). Nous y reviendrons un peu plus loin dans le texte.
[10] Yvan PERRIER, Étude de certaines théories de la régulation et analyse de la régulation étatique des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec de 1964 à 1986, Montréal, UQAM, 1992, pages 328 à 380.
[11] Michel COUTU, Laurence Léa Fontaine et Georges Marceau, Droit des rapports collectifs du travail au Québec, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 711 à 777; Yvan PERRIER, De la libre contractualisation à la négociation factice, Québec, Éditions Nota bene, 2001, p. p. 23 à 63. ; PLUSIEURS AUTEURS, Histoire du mouvement ouvrier au Québec : 150 ans de luttes, Montréal, co-édition CEQ-CSN, 1984, p. 221 à 228; Jacques ROUILLARD, Le syndicalisme québécois : Deux siècles d’histoire, Montréal, Boréal, 2004, p. 139 à 213.
[12] Le nouveau régime de négociation, issu de la réforme du Code du travail, est fondé, à quelques nuances près, sur les dispositions existant dans le secteur privé. Dans les secteurs public et parapublic, si la grève appréhendée ou en cours a pour effet de mettre en danger la santé et la sécurité publiques, le gouvernement peut s’adresser à la Cour supérieure en vue d’obtenir une injonction pour empêcher la grève ou la menace de grève ou encore pour y mettre fin. La Loi de la fonction publique adoptée en 1965 précise le champ du négociable. Ce champ est plus restreint que celui autorisé dans le Code du travail pour les salariées et salariés du secteur privé. Dans la Loi de la fonction publique, ne sont négociables que les points suivants : la rémunération, les heures de travail, la durée du travail et les congés. L’embauche et la promotion sont exclues de la négociation. En ce qui a trait à la grève, à l’exception des gardiens de prison et des agents de la paix, ce droit est garanti aux fonctionnaires à la condition qu’il y ait entente préalable sur la question des services essentiels. Les matières sujettes à négociation dans le secteur public sont, à certains égards, plus restreintes que dans le secteur privé et le droit de grève dépend d’une entente sur les services essentiels.
[13] Il s’agit des rondes suivantes : 1) 1964 à 1967, 2) 1968, 3) 1971, 4) 1976, 5) 1979 et 6) 1982-1983.
[14] Voir à ce sujet les lois suivantes : Loi assurant le droit de l’enfant à l’éducation et instituant un nouveau régime de convention collective dans le secteur scolaire (S.Q. 1966-67, c. 63); Loi assurant le droit à l’éducation des élèves de ;la Commission scolaire régionale de Chambly (L.Q. 1969, c. 68); Loi assurant la reprise des services dans le secteur public (L.Q. 1972, c. 7); Loi concernant les mesures anti-inflationnistes (L.Q. 1975, c. 16); Loi visant à assurer les services de santé et les services essentiels en cas de conflit de travail (L.Q. 1975, c. 52); Loi concernant le maintien des services dans le domaine de l’éducation et abrogeant une disposition législative (L.Q. 1976, c. 38); Loi concernant les services de santé dans certains établissements (L.Q. 1976, c. 29); Loi sur les propositions aux salariés des secteurs de l’éducation, des affaires sociales et de la fonction publique (L.Q. 1979, c. 50); Loi sur certains différends entre des enseignants et des commissions scolaires (L.Q. 1980, c. 22); Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite (L.Q. 1982, c. 33); Loi concernant la rémunération dans le secteur public (L.Q. 1982, c. 35); Loi modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et d’autres dispositions législatives (L.Q. 82, c. 37); Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (L.Q. 1982, c. 45); et finalement Loi assurant la reprise des services dans les collèges et les écoles du secteur public (L.Q. 1983, c. 1). François DELORME et Gaston NADEAU, « Un aperçu des lois de retour au travail adoptées au Québec entre 1964 et 2001 », Relations industrielles, Vol. 57, no 4, p. 743 à 788; Yvan PERRIER, De la libre contractualisation à la négociation factice, Québec, Éditions Nota bene, 2001, p. 54 à 58.
[15] Lors du débat entourant l’adoption de la Loi assurant la reprise des services dans les collèges et les écoles du secteur public (L.Q. 1983, c. 1), le ministre du travail de l’époque, monsieur Raynald Fréchette déclarera : « Assurément, le bilan des précédentes rondes de négociations dans les secteurs public et parapublic nous fait voir, de toute évidence, qu’il est devenu impératif de modifier le processus de négociations collectives entre l’État et ses employés. […] Il nous faut donc, de toute urgence et de toute nécessité, briser le cercle vicieux du mécanisme inadéquat des négociations dans le secteur public. Sinon, si nous ne sommes pas prêts à relever le défi, nous risquons de nous enliser dans des luttes de pouvoir sans fin. […] Quant au gouvernement du Québec et quant au ministre du travail, ils sont prêts au sortir de cette nouvelle crise, à travailler, de concert avec leurs partenaires du milieu des relations de travail, à développer effectivement ce nouveau modèle. » QUÉBEC (PROVINCE), Assemblée nationale : Journal des débats. Troisième session – 32e Législature, Vol. 26 No 106, 15 février 1983, p. 7573.
[16] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Journal des débats, Assemblée nationale, Quatrième session, Trente-deuxième Législature, Vol. 27, No 1, le mercredi 23 mars 1983, page 16.
[17] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Rapport Cadieux-Bernier. Régime de relations de travail dans le secteur public de certains pays industrialisés. Direction générale des publications gouvernementales, ministère des Communications, Québec, 1985, page 46.
[18] Ibid.
[19] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Recherche d’un nouvel équilibre. Réforme du régime des négociations du secteur public. Document de consultation, Québec, Éditeur officiel, 1984, pages 3 et 4.
[20] Ibid, page 4.
[21] Ibid.
[22] Ibid, page 5.
[23] Ibid.
[24] Ibid, page 6.
[25] Ibid.
[26] Ibid.
[27] Ibid, page 10.
[28] Ibid.
[29] Ibid, page 6.
[30] Michel CLAIR, Lettre du ministre délégué à l’Administration et président du Conseil du trésor à Monsieur Gérald Larose, Président de la Confédération des Syndicats Nationaux, Québec, 11 octobre 1984, page 2.
[31] Ibid, page 2.
[32] Ibid, page 3.
[33] Michel CLAIR, « Déclaration ministérielle du président du Conseil du trésor au sujet de l’avant projet de loi sur le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic », Le Soleil (Québec), 88e année, no. 317, 21 décembre 1984, page B 4.
[34] ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats, Cinquième session, Trente-deuxième Législature, vol. 28, no. 55, 2 mai 1985, page 3367.
[35] Ibid, page 3368.
[36] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Communiqué no. 1. Réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, 2 mai 1985, page 5.
[37] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Communiqué no. 3. Création d’un institut de recherche sur la rémunération, Québec, 2 mai 1985, page 3.
[38] Mentionnons ici que la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., chapitre R8.2) a été déclarée inconstitutionnelle en 1986. Le juge Croteau a statué que plusieurs dispositions de la loi étaient incompatibles avec l’alinéa 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Au sujet de la détermination de la rémunération, il a écrit : « Je suis d’opinion que le mode de fixation des salaires ou échelles de salaires prévu à la loi 37 restreint considérablement ou empêche toute expression de la liberté de négociation. En ce qui concerne l’exercice de la grève, c’est une négation pure et simple pour les deuxième ou troisième années de la convention collective; les salariés ne pouvant négocier les salaires ou échelles de salaires que pour la première année. […] je suis d’opinion que les articles 52 à 56 de la loi 37 et la deuxième partie de l’article 111.14 C.T. <ainsi qu’à l’égard de la détermination des salaires et échelles de salaires prévue par le deuxième alinéa de l’article 52 et par les articles 53 à 55 de cette loi> sont incompatibles avec l’alinéa 2 d) de la Charte canadienne ». Cour supérieure. M. le juge Jean-Jacques CROTEAU, [1986] R.J.Q., 2983 à 3047. Nous apprenons que plus de vingt ans après le dossier Croteau figure comme dossier ouvert au plumitif de la Cour d’appel. Pour le moment, il n’y a eu aucun désistement des parties et aucun règlement hors-cour.
[39] ASSEMBLÉE NATIONALE, Projet de loi 37. Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, 5ième session, 32ième Législature, Éditeur officiel du Québec, Québec, 1985, page 2.
[40] « Les salaires et les échelles de salaire
52. les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de salaire sont négociées et agréées à l’échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de l’année, au cours de laquelle une entente est intervenue à l’échelle nationale sur ces stipulations. Pour chacune des deux années qui suivent celle où s’appliquent ces stipulations, les salaires et échelles de salaire sont déterminés conformément aux dispositions qui suivent.
53. après publication par l’Institut du rapport prévu par l’article 19, le Conseil du trésor, en collaboration avec les comités patronaux établis en vertu du présent chapitre, négocie avec les groupements d’associations de salariés ou, selon le cas, les associations de salariés en vue d’en arriver à une entente sur les stipulations portant sur les salaires et les échelles de salaire.
54. Le président du Conseil du trésor doit déposer devant l’Assemblée nationale, au cours de la deuxième ou troisième semaine de mars de chaque année, un projet de règlement fixant les salaires et échelles de salaire pour l’année en cours.
Si l’Assemblée nationale ne siège pas au cours de la deuxième et de la troisième semaine de mars, le Président du Conseil du trésor doit faire publier le projet au cours de ces semaines à la Gazette officielle du Québec .
Ce projet est accompagné d’un avis à l’effet qu’il sera soumis au gouvernement pour adoption, avec ou sans modification, au cours de la deuxième ou de la troisième semaine d’avril.
Le projet de règlement ne peut être soumis au gouvernement pour adoption sans que les parties aient été invitées à être entendues devant une commission parlementaire sur son contenu.
55. Les salaires et échelles de salaire applicables pour l’année en cours sont ceux prévus par le règlement adopté par le gouvernement lors de la deuxième ou de la troisième semaine d’avril. Ils ne peuvent être inférieurs à ceux de l’année précédente.
Le règlement entre en vigueur à la date de son adoption. Il est publié à la Gazette officielle du Québec.
56. Une fois fixés par règlement, les salaires et échelles de salaire font partie de la convention collective et ont le même effet que des stipulations négociées et agréées à l’échelle nationale. » ASSEMBLÉE NATIONALE, Projet de loi 37. Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, 5ième session, 32ième Législature, Éditeur officiel du Québec, Québec, 1985, pages 16 et 17.
[41] Il s’agit des rondes suivantes : 1) 1986; 2) 1989; 3) 1991; 4) 1992; 5) 1993; 6) 1995; 7) 1996-1997; 8) 1998-1999; 9) 2002; 10) 2003-2005 et 11) celle qui a commencé en automne 2009 et qui s’est terminée, pour la grande majorité des membres du Front commun, en juin 2010.
[42] Voir à ce sujet : Vincent DAGENAIS, Pour une démarche stratégique de négociation dans le secteur public, CSN, Montréal, septembre 1998, 19 pages; Gérard HÉBERT, op. cit., p. 947-948.; Yvan PERRIER, De la libre contractualisation à la négociation factice, Québec, Éditions Nota bene, p. 54 à 63.
[43] Il s’agit de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal (L.Q. 1993, c. 37).
[44] En juillet 1999, les députés de l’Assemblée nationale adoptent le projet de loi no 72 (Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques (L.Q. 1999, c. 39)). Cette loi a pour effet d’ordonner le retour au travail des infirmières et des infirmiers. Elle a pour effet également d’assujettir les pharmaciens à la Loi des services essentiels.
[45] Le ministre d’État à l’Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor, M. Joseph Facal, déposait le 7 mai 2003, le projet de loi 91, Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic. Il émettait la même journée un communiqué précisant que la prolongation pour une période d’une année de la convention collective devait entre autres servir à résoudre le problème de l’équité salariale. « Ainsi, le gouvernement et la plupart des grandes organisations syndicales vont pouvoir consacrer l’essentiel des prochains mois à l’examen et à la résolution de problèmes qu’ils ont jugé prioritaires : l’équité salariale, la durée annuelle et l’emploi du temps de travail des enseignants, les régimes de retraite ». Cabinet du ministre d’Etat à l’Administration et à la Fonction publique – DEPOT DU PROJET DE LOI 91, Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic, Québec le 7 mai 2003. PERRIER, Yvan « Négociations dans les secteurs public et parapublic au Québec de 2002 à 2006 : retour critique sur un décret annoncé sur le tard », Revue gouvernance, Vol. 6, No. 2, 34 p.
[46] Le procès en lien avec la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (L.Q. 2005, chapitre 43) est présentement en cours.
[47] Dans le cadre d’un article intitulé « Charest se dit au pouvoir pour trois ans », on peut lire ce qui suit : « M. Charest se dit <fier> de la nouvelle <approche> de non –négociation conçue par son gouvernement, celle du <cadre financier> inamovible. C’est à son sens <une approche basée sur la franchise> en ce qui a trait à l’état des finances publiques. Il a avoué hier qu’il n’avait jamais été question de déroger à ce cadre, <établi dès le départ>, en juin 2004, puisqu’il s’agissait de la véritable <capacité de payer> des Québécois. <C’est le sens aigu du devoir, de l’intérêt général de tous les Québécois qui nous a guidés dans cette façon de conclure les négociations>, a-t-il dit, solennel. » Antoine ROBITAILLE, « Charest se dit au pouvoir pour trois mandats », Le Devoir, samedi 17 décembre 2005, p. A1.
[48] Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. Projet de loi no 25 (2003, chapitre 21).
[49] Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Projet de loi no 30 (2003, chapitre 25). La loi issue du projet de loi 30 sera déclarée inconstitutionnelle par une juge de la Cour supérieure du Québec le 30 novembre 2007. Rappelons ici que cette loi imposait une restructuration unilatérale des unités syndicales dans les établissements de santé et des services sociaux. Elle avait pour effet de les regrouper en quatre catégories distinctes. Elle avait aussi comme objectif de ramener au niveau local la négociation de 26 sujets des conventions collectives sans que les salariés syndiqués puissent recourir à la grève et à un authentique mécanisme d’arbitrage. Dans son jugement, la juge Claudine Roy statue que la loi constitue une atteinte à la liberté d’association (reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés) et va à l’encontre des obligations internationales contractées par le Canada. Cour supérieure. Sous la présidence de : l’Honorable Claudine Roy, J.C.S., Québec, 111p. Ce jugement a été renversé par La Cour d’appel du Québec. Voir à ce sujet : Québec (procureur général) c. Confédération des syndicats nationaux (CSN) 2011, QCCA, 1247.
[50] Loi modifiant le Code du travail. Projet de loi no 31 (2003, chapitre 26).
[51] Yvan PERRIER et Jean-Martc PIOTTE, « Front commun : des négociations historiques », dans Miriam FAHMY (dir.), L’état du Québec 2011, Montréal, Boréal, p. 242-247.
[52] Rappelons que le Code du travail prévoit une convention collective d’une durée de trois ans dans les secteur public et parapublic.
[53] Guy ROCHER, op. cit., p. 135.
[54] Ibid.