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Le NPD et la question québécoise : continuités et ruptures

Le premier candidat à la chefferie du NPD, Brian Topp, se présente comme un Québécois et un politicien « responsable », disposant d’une ample expérience au sein de diverses administrations publiques. Parmi ses expériences marquantes, il a été le chef de cabinet du Premier Ministre de la Saskatchewan, Roy Romanow, entre 1993 et 2000.

Il faut cependant se souvenir que Romanow a été l’un des architectes de la fameuse « nuit des longs couteaux’ en 1981, durant laquelle le Québec s’est retrouvé isolé et ostracisé par Ottawa et les gouvernements provinciaux. Cette douteuse opération, on s’en souvient, fut en fait conçue par Jean Chrétien et Pierre Trudeau, avec l’appui du chef du NPD fédéral de l’époque, Ed Broadbent. Les leaders fédéralistes, en effet, étaient soucieux d’humilier René Lévesque alors désespéré de trouver un compromis acceptable évitant le rapatriement unilatéral de la constitution, selon les termes et principes établis par le gouvernement fédéral. Depuis, Romanow et la plupart des élus provinciaux du NPD sont restés hostiles au Québec. Ils n’acceptent pas l’idée que la nation québécoise existe. Ils ne voient pas pourquoi il y aurait des droits spécifiques pour le Québec dans le cadre de la constitution canadienne.  Ils s’opposent mordicus au droit à l’autodétermination.

À l’origine

Créé en 1932 le Co-operative Commonwealth Federation, le CCF (l’ancêtre du NPD) est d’emblée partisan d’un gouvernement central « fort ». C’est la grande dépression et l’idée est d’établir un gouvernement fédéral centralisateur pour redistribuer la richesse. Dans ce paradigme (plutôt noble), il n’y a pas de réalité nationale québécoise. De facto, le CCF puis le NPD (né en 1961) ne réussissent pas à s’enraciner au Québec.

Plus tard cependant, des réformistes au sein du NPD proposent que cela change. Ils prônent le bilinguisme et le biculturalisme, reconnaissent même l’existence de « deux nations ». En 1967 à l’impulsion de Charles Taylor, le parti demande un « statut particulier » pour le Québec dans le cadre d’un fédéralisme « asymétrique ». À l’époque cependant, la radicalisation des mouvements sociaux au Québec s’exprime sous la forme d’un projet conjuguant socialisme et indépendance. La majorité des membres du NPD quittent le parti pour fonder le Parti socialiste du Québec.

À la fin des années 1960, la crise politique est en gestation. À la suite de la victoire de Pierre Trudeau, le NPD remise ces positions sur le Québec de peur de perdre des voix dans le reste du Canada. Ce virage est contesté par l’aile gauche du NPD (les « Waffles ») qui demandent ni plus ni moins la reconnaissance le droit à l’autodétermination pour le Québec. Mais cette opposition est marginalisée et le NPD se retrouve sous la même bannière fédéraliste. À son honneur toutefois, le NPD est le seul parti à la Chambres des communes à rejeter l’infâme Loi des mesures de guerre en 1970 à l’instigation de Trudeau.

Dans les méandres du fédéralisme

Lors de l’élection du PQ en 1976, le NPD, comme les autres partis fédéraux, est déstabilisé. Le chef fédéral Broadbent s’investit beaucoup avec le gouvernement fédéral pour vaincre le référendum de 1980, à l’encontre de la majorité des mouvements sociaux et de la gauche au Québec. Pire encore, Broadbent devient un fervent supporteur du projet de rapatriement de la constitution. De pseudo négociations constitutionnelles aboutissent à l’isolement du Québec tel qu’évoqué plus haut.

En 1990 sous l’égide du Premier Ministre Mulroney, de nouveaux pourparlers ont lieu pour « réintégrer » le Québec. Ottawa veut aller assez loin pour satisfaire les demandes du Québec et accepter de facto un fédéralisme asymétrique. Mais les fédéralistes « purs et durs » s’agitent, parmi lesquels un grand nombre de députés fédéraux et de gouvernements provinciaux du NPD. C’est un député autochtone du NPD au Manitoba, Elijah Harper, qui empêche l’assemblée législative de cette province d’approuver le projet dit du Lac Meech, ce qui fait dérailler tout le processus. Lors du deuxième référendum en 1995, le NPD s’allie aux fédéralistes pour rallier le camp du non, tout en affirmant que le peuple québécois a le « droit de décider ». Sous la direction d’Alexa McDonough (cheffe du NPD à partir de 1995), le NPD, (ou du moins son aile parlementaire malgré les réserves qu’exprimera plus tard Jack Layton) s’aligne sur les positions du gouvernement fédéral, y compris lors du débat sur la loi dite de « clarté », qui vise en fait à  nier au Québec le droit de décider de son avenir.

Jouer avec les mots ?

Cette évolution du NPD lui cause des torts immenses au Québec et pendant plus d’une décennie, le parti est relayé à un rôle très mineur. En 2003 cependant, avec l’appui de la gauche du parti, Jack Layton est élu chef. Son discours passe beaucoup mieux, d’autant plus qu’il évite les embuches, du mieux qu’il peut. En gros son discours dit deux choses en même temps : oui les Québécois forment une nation et ont des « droits » (sans trop spécifier lesquels) ; la question constitutionnelle est dépassée et n’intéresse plus personne à côté des graves défis économiques et environnementaux. La situation change à nouveau en 2007 lorsque Thomas Mulcair, un ex ministre libéral ayant servi sous Jean Charest, est élu dans une élection complémentaire à Outremont. Mulcair est un politicien expérimenté, fédéraliste de cœur qui a combattu comme avocat la loi 101, mais capable de sentir le pouls du Québec. En 2004 au moment d’une rencontre de la section Québec du conseil général du NPD, Mulcair manœuvre pour que le NPD reconnaisse « le caractère national du Québec dans le contexte fédéral canadien ». Cette « déclaration de Sherbrooke » est présentée plus tard comme la plateforme politique du NPD, ce qu’elle n’est pas. Néanmoins, l’image du NPD change (positivement), d’où la vague orange de mai 2011.

Les lendemains incertains

L’impressionnante percée du NPD au Québec qui a permis de doubler la représentation parlementaire (les gains du parti ayant été pratiquement nuls dans le reste du Canada) ouvre une nouvelle période. Certes, la disparition imprévue de Jack fait en sorte que le défi devient encore plus grand. Une partie indéterminée de la nouvelle (et jeune) députation du Québec semble plutôt souverainiste-progressiste, proche en tout cas de cette large mouvance qui  se reconnait peu ou prou dans les positions de Québec Solidaire et de la fraction progressiste du PQ et du Bloc. Même s’ils sont majoritaires cependant, les députés québécois ne se situent pas au « centre de gravité » du parti, à part Mulcair, qui reste un fédéraliste de conviction. En Ontario et dans l’Ouest, la majorité des adhérents et des députés du NPD ne sont pas plus sympathiques aux revendications québécoises que ne l’étaient Ed Broadbent et Roy Romanow. Ils continuent à penser, sinon à dire, que la « question québécoise » est une fiction créée par des « nationalistes bornés ». Il y a certes des exceptions, comme Libby Davies ou Peter Julian, par exemple, mais en gros, les gens « qui comptent » au NPD, qui se trouvent autour d’un noyau consistant de la députation fédérale et dans les partis provinciaux de l’ouest, restent convaincus qu’il ne faut pas aborder, au-delà de quelques formules vides, l’épineuse question des droits du peuple québécois.

La course à la chefferie peut envenimer les choses, car il se peut que les candidat-es soient interpellé-es. Quelles sont les positions de fonds, au-delà des « formules », des Brian Topp et de Thomas Mulcair ? Dans quelle mesure veulent-ils ou peuvent-ils se battre sincèrement pour les droits du Québec, quitte à défendre le fédéralisme « asymétrique » dont ils se disent partisans (sans trop préciser ce que cela est) ? Peuvent-ils ou veulent-ils faire une rupture fondamentale avec un État fédéral créé à l’origine pour mâter les Québécois et les peuples autochtones ? Vont-ils, concrètement, se battre contre les velléités centralisatrices du gouvernement Harper dans le domaine financier ? Vont-ils résister contre ce qui semble une politique délibérée du gouvernement Harper pour « punir » le Québec à la suite de la dernière élection ? Vont-ils se lever et appuyer, pas juste avec quelques phrases plus ou moins « off the record », l’importance de renforcer la loi 101 au Québec, y compris dans les institutions fédérales, et au-delà, de l’importance de protéger le fait français au Québec ? Tant que ces questions n’auront pas été répondues, on peut penser que les ambigüités historiques du NPD ne seront pas résolues et avec elles, la place que ce parti peut prendre et garder au Québec.

 

 

 

 

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