À la suite de la crise financière de 2007-2008, le monde a basculé vers un nouveau stade du capitalisme basé sur l’extraction massive de données personnelles, l’hégémonie des plateformes et le développement accéléré de l’intelligence artificielle (IA)[1]. Ce « capitalisme algorithmique », aussi nommé « capitalisme de plateforme[2] » ou « capitalisme de surveillance[3] », contribue à l’amplification des inégalités sociales en termes de classe, de sexe et de race, à la consolidation du pouvoir des géants du numérique, à l’émergence de nouvelles formes de contrôle social et à l’exacerbation de la crise climatique[4]. La dynamique d’accumulation s’effectue toujours plus par la mainmise du capital sur les données et la production de machines algorithmiques, celles-ci augmentant la productivité au sein des entreprises, mais contribuant aussi à la transformation des modèles de subjectivité et des institutions. La « rationalité néolibérale », qui était jadis omniprésente au sein de la vie sociale et politique, est maintenant intégrée et dépassée par une « logique algorithmique » qui s’étend dans tous les secteurs de la société.
Face à cette reconfiguration inédite du capitalisme dans le premier quart du XXIe siècle, comment penser les voies de sortie et les stratégies de dépassement de ce système mortifère ? Trop souvent, la gauche se trouve démunie face aux enjeux numériques, et encore plus avec l’arrivée de l’IA qui semble échapper aux grilles d’analyse du marxisme classique ou aux analyses d’inspiration sociale-démocrate. L’encadrement de ces technologies par des lois, les stratégies de nationalisation et d’autres réformes étatiques semblent impuissantes, ou du moins insuffisantes, pour proposer une alternative globale et cohérente sur le plan sociotechnologique. Il existe des rapports d’organismes comme le Conseil d’innovation du Québec qui proposent d’encadrer l’industrie technologique par des règlements peu contraignants, qui font la promotion de la rhétorique de l’IA responsable et d’un programme « IA pour le Québec » lequel vise à positionner l’État québécois en « leader et modèle » dans le domaine[5]. Cette vision du « capitalisme algorithmique régulé par l’État » est présentement hégémonique au Québec et ailleurs dans le monde. Pendant ce temps, un parti de gauche comme Québec solidaire, au printemps 2024, n’avait presque aucun élément dans son programme concernant le numérique, les plateformes et l’IA.
Malgré ces insuffisances de la gauche sur le plan programmatique, de nombreuses luttes populaires et alternatives socioéconomiques esquissent déjà la voie vers la construction d’une société postcapitaliste sur le plan technologique. On n’a qu’à penser à l’existence de logiciels libres, à l’encyclopédie Wikipédia ou encore à certaines plateformes coopératives comme Eva qui font concurrence à Uber en matière de service de transport urbain[6]. Toutefois, la plupart des initiatives collectives visant à bâtir un autre monde numérique et à orienter différemment le progrès technologique restent dispersées et isolées. Elles demeurent de belles « utopies réelles[7] » sans grande portée face aux grandes entreprises privées et aux jeunes pousses qui récoltent les millions de dollars de financement de l’État, à l’instar de la compagnie montréalaise Element AI, « fleuron québécois » dans le secteur de l’IA, qui fut vendue au géant américain ServiceNow[8]. Bref, il nous manque un projet de société plus vaste et radical prenant au sérieux la question de l’infrastructure technologique et du rôle central du capital algorithmique.
Le retour des communs
Nous faisons l’hypothèse que le point de départ pour bâtir une société postcapitaliste repose sur la protection et la multiplication des « communs ». Les communs sont un modèle de gestion collective de ressources partagées, permettant de (re)produire, d’utiliser et de cogérer des biens au-delà de la propriété privée et de la gestion étatique centralisée. Nous pouvons penser par exemple à des forêts de proximité gérées par les habitants, des bâtiments industriels récupérés par la communauté, des monnaies locales complémentaires, etc. Comme le soulignent Pierre Dardot et Christian Laval : « La revendication du commun a d’abord été portée à l’existence par les luttes sociales et culturelles contre l’ordre capitaliste et l’État entrepreneurial. Terme central de l’alternative au néolibéralisme, le “commun” est devenu le principe effectif des combats et des mouvements qui, depuis deux décennies, ont résisté à la dynamique du capital et ont donné lieu à des formes d’action et de discours originales[9] ».
Les communs ont l’avantage de lier ces diverses formes de résistances, d’innovations sociales et de projets collectifs ancrés dans l’économie sociale et solidaire, le milieu associatif et communautaire, les luttes territoriales axées sur les « zones à défendre », de même que des expérimentations dans le monde numérique. L’idée centrale consiste à combattre l’« idéologie propriétaire[10] » en créant progressivement « une société des communs » qui serait plus libre, juste et écologique.
Or, la littérature universitaire sur les communs dans la sphère technologique se concentre habituellement sur les « communs numériques » comme les logiciels libres, Wikipédia ou les licences Creative Commons[11], laissant de côté plusieurs autres pans de l’infrastructure technologique qui restent largement sous l’emprise du capital algorithmique. Que faire des données, des algorithmes et de l’IA qui sont principalement stockés, analysés, produits et monétisés par les GAFAM ? Il est impératif de répondre à cette lacune en montrant comment les communs pourraient « communaliser » différentes sphères de l’infrastructure technologique. Cela constitue le cœur de notre argument, qui consiste à montrer que le principe des communs, aussi nommé « logique communaliste », peut servir de boussole pour créer une infrastructure technologique postcapitaliste, viable et démocratique.
L’impact écologique des algorithmes
Néanmoins, même une communalisation complète de l’infrastructure technologique nous laisse encore face au problème majeur de l’impact environnemental des machines algorithmiques, qui peuvent se multiplier et croitre à l’infini. En effet, l’IA ne représente pas seulement un ensemble d’outils, d’algorithmes et de larges modèles de langage (LLM), mais une « industrie extractive » prenant la forme d’une infrastructure à l’échelle planétaire. Comme le souligne Kate Crawford, l’IA « est à la fois incarnée et matérielle, faite de ressources naturelles, de carburant, de main-d’œuvre humaine, d’infrastructures, de logistique, d’histoires et de classifications[12] ».
Il faut ainsi tenir compte de l’appétit vorace de l’infrastructure algorithmique pour des ressources de toutes sortes, notamment les centres de données à forte intensité de calcul qui ont un coût énergétique élevé, une empreinte carbone massive et un besoin énorme de quantité d’eau à des fins de refroidissement. « Pour alimenter leurs centres, de nombreuses entreprises technologiques puisent dans les réserves d’eau publiques et les aquifères, ce qui ajoute au stress hydrique régional – tout en étant construits dans certaines des régions du monde les plus sujettes à la sécheresse[13] ». À cela s’ajoute l’extraction grandissante de minéraux pour produire les appareils informatiques, laquelle alimente les dynamiques d’accumulation par dépossession du capitalisme racial dans les pays du Sud global[14]. Bien que plusieurs entreprises prétendent vouloir contribuer à la transition écologique par une IA alimentée aux énergies renouvelables ou par diverses solutions technologiques pour résoudre la crise climatique, il s’avère que l’impact exponentiel de cette industrie dépasse largement les gains d’efficacité relatifs à des innovations particulières.
Pour résoudre cette contradiction, nous soutiendrons la thèse selon laquelle une « société des communs » écologiquement soutenable doit nécessairement s’accompagner d’une perspective de « descente énergétique », de « technosobriété » et de « décroissance »[15]. Une telle synthèse se trouve esquissée notamment chez le philosophe japonais Kohei Saito, qui propose de bâtir un « communisme décroissant » appuyé sur la multiplication des communs, les technologies ouvertes, l’autonomie locale et la décélération de l’économie[16]. Nous critiquerons enfin les approches techno-optimistes comme l’« écomodernisme[17] », l’« accélérationnisme[18] » et le « communisme pleinement automatisé[19] », montrant que celles-ci sont irréalistes sur le plan écologique et non souhaitables d’un point de vue démocratique. Ainsi, notre objectif consiste à articuler l’approche des communs et de la décroissance afin de jeter les bases d’un postcapitalisme technosobre, dans la lignée d’un scénario de transition socioécologique frugal[20].
Vers une infrastructure technologique communalisée
Comment développer une infrastructure technologique complètement libérée du joug du capitalisme ? Rappelons d’abord que le monde numérique n’est pas une sphère purement immatérielle (parfois nommée « cyberespace »), mais un système technique complexe composé de plusieurs strates ou couches superposées. Il y a ainsi « à la base, une couche physique, qui comprend des câbles de cuivre ou de fibre optique, des ondes circulant grâce à des satellites et des tours de communication, mais aussi des ordinateurs qui peuvent jouer le rôle de serveurs (qui hébergent du contenu) ou de « clients » (qui accèdent aux serveurs). Sur cette infrastructure matérielle, on trouve ensuite une couche logicielle : du code informatique, soutenu par des protocoles standardisés et ouverts, assure le traitement et la circulation de l’information. Finalement, au sommet ou en surface, on trouve les contenus de toutes sortes qui circulent grâce à ces applications : messages, courriels, pages contenant textes, sons et images[21] ».
À ces différentes couches, il faut ajouter trois autres dimensions liées plus spécifiquement à la dynamique du capital algorithmique : 1) l’extraction et le stockage de données liées aux contenus produits par les utilisatrices et utilisateurs et leurs comportements en ligne ; 2) les algorithmes d’apprentissage automatique et d’apprentissage profond permettant d’analyser les données et d’assurer le fonctionnement global de l’IA, que celle-ci prenne la forme d’applications comme ChatGPT, Google Maps, DeepL, les fils d’actualité sur les médias sociaux, etc. ; 3) les plateformes comme Meta, Amazon, Uber ou Airbnb qui sont des interfaces « entreprise-marché » où s’opèrent la collecte et la monétisation des données, l’exploitation du travail digital (digital labour), ainsi que la vente de services auprès d’individus ou d’organisations de toutes sortes[22].
En résumé, pour construire une « infrastructure technique complètement communalisée », il faut explorer la manière dont les communs peuvent se déployer à différentes échelles : a) infrastructure matérielle (incluant les réseaux de télécommunications, les centres de données) ; b) couche logicielle (codes, systèmes d’exploitation, applications) ; c) données (cadre juridique et gouvernance) ; d) algorithmes (production et contrôle de l’IA) ; e) plateformes (modèle d’affaires des entreprises technologiques). Regardons brièvement comment le paradigme des communs peut déjà s’appliquer à ces différentes strates de l’infrastructure.
A – Des réseaux de télécommunications en « partenariat public-commun »
Lorsque vient le temps de parler des réseaux de télécommunications, le principal réflexe de la gauche consiste à penser en termes de nationalisation des infrastructures numériques. Cette vision étatiste de la socialisation des moyens de production se trouve notamment dans le programme de Québec solidaire, qui proposait dans sa plateforme électorale de 2022 d’explorer la création de « Réseau-Québec, une société d’État responsable d’offrir une infrastructure publique pour Internet[23] ». Cela représente une piste intéressante, mais un nombre croissant de recherches suggèrent que la gestion démocratique des services publics serait mieux assurée par la (re)municipalisation de ceux-ci ou par leur communalisation (par des coopératives de transport collectif par exemple) ou encore par une combinaison des deux.
Par exemple, le Transnational Institute a publié un rapport montrant qu’entre 2000 et 2019, plus de 2400 villes dans 58 pays dans le monde ont repris le contrôle des services publics dans une foule de secteurs : eau, énergie, gestion des déchets, logement, transport, santé, télécommunications, etc.[24] Aux États-Unis, plus de 141 nouveaux services de communication ont été établis par les municipalités, que ce soit par des entreprises municipales (entreprises publiques locales) ou encore par des partenariats avec des organismes à but non lucratif ou avec des coopératives. Au Québec, la Coopérative de télécommunications Antoine-Labelle (CTAL) assure des services d’Internet haute vitesse, de télévision et de téléphonie, en collaboration avec la Municipalité régionale de comté Antoine-Labelle qui possède l’infrastructure de fibre optique.
Cet exemple de « partenariats public-commun », lesquels constituent une alternative économique aux partenariats public-privé qui se sont généralisés sous le capitalisme néolibéral, met en évidence comment un bien public peut être cogéré avec une organisation collective chargée de répondre aux besoins de la communauté. Ainsi, il serait possible de « créer des instances régionales de gouvernance des infrastructures de télécommunication (datacenters, antennes 5G, fibre, câbles, sous-marins, etc.). […] Ces instances seraient composées des gestionnaires privés, des collectivités territoriales, des représentants de l’État, des usagers et des associations environnementales. Ces deux derniers collèges auraient un droit de véto pour garantir la gestion démocratique et écologique des infrastructures du numérique à l’échelle locale[25] ».
B – Généraliser les logiciels libres et les communs numériques
Bien qu’une partie croissante d’Internet soit maintenant contrôlée par des intérêts privés et quelques oligopoles, il faut aussi noter que plus de 90 % des serveurs Web, des applications mobiles et des superordinateurs fonctionnent à partir de communs numériques comme les logiciels libres ou open source. Rappelons ici que l’émergence des logiciels libres remonte aux années 1980 pour contrer la généralisation des logiciels propriétaires, selon un modèle popularisé par la création de la Free Software Foundation en 1985 qui établit les quatre principes de l’informatique libre : 1) liberté d’exécuter le programme pour tous les usages ; 2) liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ; 3) liberté de redistribuer des copies du programme ; 4) liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté. Linux, Libre-Office, Firefox, WordPress, VLC media player sont différents exemples de logiciels libres, lesquels sont promus par des organismes comme Framasoft en France ou encore FACIL au Québec. Nous pouvons ajouter à cela la présence de licences libres comme le Copyleft ou les Creative Commons qui représentent des solutions alternatives à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur (copyright) qui freinent l’innovation ouverte.
Les logiciels libres font face à une limite principale : l’hégémonie des logiciels propriétaires dans les entreprises, l’administration publique et les ménages. Il faut aussi ajouter le manque de ressources consacrées à ces voies non capitalistes. Ainsi, les logiciels libres sont souvent oubliés, négligés ou écartés lorsque vient le temps d’utiliser ou de construire des outils numériques, notamment de la part des pouvoirs publics. C’est pourquoi des organismes comme La société des communs en France propose une série de réformes institutionnelles visant à déployer ces communs numériques : structuration d’un écosystème européen du logiciel libre, l’innovation ouverte et l’interopérabilité; création d’une fondation consacrée aux communs numériques; inciter, voire obliger, les administrations publiques à recourir aux logiciels libres lorsque cette option existe[26]. Un exemple de cette transition numérique basée sur les communs est la ville de Barcelone qui a mis en place un plan de migration vers des logiciels libres en 2018, en consacrant 70 % du budget logiciel à ces communs numériques et en embauchant 65 développeurs, hommes et femmes, pour assurer cette transition ainsi que la formation au sein de la fonction publique[27]. Barcelone a également créé la plateforme numérique de participation citoyenne Decidim (logiciel libre) et a rejoint la campagne européenne Public Money, Public Code (Argent public ? Code public) organisée par la Free Software Foundation Europe.
C – Les communs de données
Alors que la vaste majorité des données produites en ligne et sur les plateformes sont accaparées, possédées, monétisées et échangées par des entreprises privées, il importe de concevoir un modèle alternatif pour assurer leur contrôle et leur gestion. Face au pouvoir oligopolistique des GAFAM, certains auteurs préconisent de miser sur la propriété privée des données personnelles que l’individu pourrait librement consentir à vendre ou à partager (via des data trusts privés ou fiducies de données privées); mais cette solution néolibérale ne fait qu’étendre la logique de privatisation et la marchandisation en la confiant à des individus-entrepreneurs de soi. Une autre alternative se trouve du côté de la propriété publique des données, mais celle-ci reproduit les problèmes liés à la gestion étatique et centralisée de l’information, souvent synonyme de concentration du pouvoir et de surveillance des individus par l’État.
Heureusement, il existe une troisième voie, soit les communs de données qui « impliquent des données partagées à titre de ressource commune et dont la gestion est assurée par une communauté d’utilisateurs[28] ». Les communs de données peuvent prendre diverses formes juridiques. Par exemple, les coopératives de données permettent une propriété collective et une gestion démocratique des données, à l’instar de MIDATA (en Suisse), Driver’s Seat (coopérative de mobilité aux États-Unis) ou Salus Coop (coopérative de santé à Barcelone). Au Québec, des chercheurs proposent d’utiliser le véhicule juridique des fiducies d’utilité sociale (FUS), utilisé notamment pour la protection du patrimoine bâti ou pour des espaces naturels face aux dynamiques de marchandisation. La particularité de la FUS est qu’elle vise à dépasser la logique propriétaire en confiant la gestion d’un bien d’intérêt général à un collectif chargé d’assurer sa pérennité. « La fiducie offre ainsi une alternative à la propriété. Elle concilie d’une part le besoin de partager et de mutualiser des données et d’autre part le besoin de contrôler l’utilisation et l’accès à ces données selon une finalité déterminée[29] ».
D – Des modèles algorithmiques à code ouvert
Les enjeux touchant les logiciels libres et le code source ouvert (open source) renvoient également à la fabrication des algorithmes qui sont au cœur des technologies d’intelligence artificielle. Cela représente un enjeu stratégique de premier plan, considérant le fait que les plus grands joueurs dans la course à l’IA sont présentement les GAFAM et leurs compagnies associées. Pour donner un exemple : la firme OpenAI qui a développé ChatGPT a été créée comme une entreprise à but non lucratif en 2015, avant de développer un volet commercial à but lucratif et de former un partenariat stratégique de plusieurs milliards de dollars avec Microsoft à partir de 2019. ChatGPT et son modèle algorithmique GPT-4 sont développés de façon complètement opaque, dans le plus grand secret industriel, et s’appuient sur l’exploitation du travail du clic et sur une course à la montre pour développer le modèle le plus puissant en minimisant les enjeux de sécurité[30].
Les principaux concurrents d’OpenAI sont présentement Google, Amazon et Meta, cette dernière entreprise ayant lancé le modèle algorithmique baptisé LLaMA qui est développé en mode open source. Cela signifie que cette IA peut être utilisée, modifiée et adaptée selon les besoins des femmes et des hommes utilisateurs et développeurs. Cela représente-t-il une petite révolution au sein de l’industrie de l’IA ou bien d’une ruse du capital algorithmique ?
En fait, plusieurs entreprises technologiques capitalistes contribuent depuis un moment au développement de codes sources ouverts et de logiciels libres, à l’instar d’IBM, car cela s’avère rentable en raison des moindres coûts associés à l’usage de ces codes qui n’ont pas besoin d’être achetés, et de l’expertise gratuite de contributeurs et contributrices qui peuvent corriger et améliorer ces programmes et applications[31]. Plusieurs ont d’ailleurs remarqué cette instrumentalisation des communs dans le monde numérique[32], mais il n’en demeure pas moins que cela démontre la viabilité économique du modèle open source et libre qui peut aussi être utilisé dans une perspective non capitaliste.
Il s’avère même que les modèles algorithmiques open source présentent un niveau de performance presque équivalent aux modèles développés par le secteur privé, et pourraient même dépasser les algorithmes des grandes entreprises en utilisant moins de ressources[33]. Des chercheurs soutiennent d’ailleurs l’importance de construire l’IA selon les principes de l’open-source afin de favoriser l’accessibilité, la collaboration, la responsabilité et l’interopérabilité[34]. L’interopérabilité désigne ici la capacité d’un système à pouvoir fonctionner avec d’autres systèmes sans restriction d’accès ou de mise en œuvre, sans les contraintes de « jardins clos » qu’on retrouve dans la logique propriétaire. Tout cela ne permet pas de démontrer la supériorité de l’IA open source sur l’IA propriétaire ou capitaliste, mais cela montre la possibilité de bâtir des modèles algorithmiques selon une logique contributive, ouverte et postcapitaliste.
E – Les plateformes coopératives
Enfin, l’exploitation des données et le développement de l’IA se font principalement à travers le modèle d’affaires des « plateformes », lesquelles sont des interfaces multifaces capables d’extraire, d’analyser et de monétiser les données en entrainant des modèles algorithmiques toujours plus puissants[35]. Avec l’émergence de « l’économie collaborative » (aussi nommée sharing economy), des plateformes comme Uber, Airbnb, TaskRabbit, Doordash, Tinder, Spotify ou Netflix ont montré leur capacité à restructurer plusieurs secteurs de l’économie liés aux transports, à l’hébergement, aux petits boulots, aux rencontres amoureuses, à la musique et au cinéma. La puissance des plateformes capitalistes réside avant tout dans l’attractivité de leur design et leur facilité d’utilisation, dans l’effet de réseau lié à la participation de millions d’utilisateurs et d’utilisatrices à travers le monde, ainsi que dans la vitesse à laquelle elles se sont diffusées dans la société, avec un marketing agressif et des campagnes de lobbying visant à court-circuiter ou à remodeler diverses législations. Le terme « ubérisation » s’est d’ailleurs répandu pour décrire ce processus de marchandisation accéléré par le biais des plateformes capitalistes et algorithmes[36].
Cela dit, rien n’empêche les plateformes d’adopter une structure non capitaliste, de fonctionner selon le modèle des coopératives ou des entreprises privées à but non lucratif. Par exemple, la compagnie Eva créée au Québec est une coopérative qui fait concurrence à Uber, FairAirbnb, née à Amsterdam, vise à contrecarrer Airbnb par une plateforme numérique d’hébergement favorisant la redistribution de ses profits aux municipalités pour financer le logement social, Resonate cherche à mieux rémunérer les artistes que Spotify, et ainsi de suite. Le terme coopérativisme de plateforme (platform cooperativism) fut utilisé pour la première fois par Trebor Scholz pour désigner un modèle postcapitaliste concurrent au capitalisme de plateforme qui sévit dans différents secteurs de l’économie[37]. Ce mouvement cherche ainsi à élargir le spectre du mouvement coopératif dans l’univers numérique, mais il peut aussi s’élargir à toute forme d’entreprise issue de l’économie sociale et solidaire visant à proposer une alternative postcapitaliste sur le plan technologique en matière d’applications, de réseaux sociaux, de plateformes d’échanges et de services, etc. La plateforme En commun développée par Projet collectif au Québec, lancée en 2023 pour accélérer la transition socioécologique et la coconstruction de connaissances par diverses pratiques collaboratives et communautés de pratiques, représente un exemple parmi d’autres de ce mouvement.
Tous ces exemples démontrent qu’une infrastructure technologique postcapitaliste est possible à partir d’une approche basée sur les communs. L’enjeu principal d’une telle proposition demeure l’articulation de ces différents niveaux et initiatives, de manière à former un projet sociotechnique global qui soit viable sur le plan économique et politique. Certains auteurs soutiennent notamment que le municipalisme pourrait servir de levier pour construire une « souveraineté technologique » basée sur les communs[38]. Sans se limiter à l’échelle locale, il s’agit de recréer un mouvement ascendant (bottom-up) formé par l’alliance d’initiatives postcapitalistes, de mouvements sociaux et de « mairies rebelles » afin de créer un nouveau système socioéconomique « par le bas[39] ».
Les limites de la croissance technologique et l’impératif de sobriété
Cela dit, un enjeu crucial reste l’empreinte écologique majeure de l’infrastructure technologique nécessaire au déploiement des outils numériques et algorithmiques, y compris dans une perspective postcapitaliste. Même en admettant que ces technologies soient développées selon une logique ouverte (open source), contributive, horizontale et débarrassée de l’impératif de profit, il n’en demeure pas moins que le développement continu et exponentiel de la numérisation et de l’IA continuera de peser sur les écosystèmes et d’augmenter la production de gaz à effet de serre (GES) qui amplifient la crise climatique.
C’est pourquoi nous voulons ici présenter une critique rapide de certains courants contemporains se réclamant du marxisme et qui proposent de poursuivre le développement technologique tous azimuts pour construire une économie postcapitaliste. Nous pouvons penser à l’écomodernisme de Matt Huber hostile à la décroissance[40], l’« accélérationnisme de gauche » qui considère que la propulsion du développement technique et l’exacerbation des contradictions du capitalisme contribueront au dépassement de ce système[41], ou encore au « communisme pleinement automatisé » (Fully automated luxury communism) qui représente l’utopie ultime d’une société libérée du travail par l’entremise des robots, le revenu de base, l’extraction de minéraux sur les astéroïdes et la planification algorithmique de l’économie[42]. Toutes ces variantes du marxisme productiviste estiment que le développement technologique est somme toute positif, seule la propriété privée des moyens de production ou le contrôle capitaliste pose problème. Comme l’affirma jadis Lénine en boutade : « Le communisme, c’est le gouvernement des Soviets plus l’électrification de tout le pays ».
Or, il s’avère que cette vision basée sur une vision linéaire, évolutionniste, eurocentrique et prométhéenne du progrès a été remise en question par Marx lui-même à la fin de sa vie[43]. Contrairement à la vision très répandue du marxisme orthodoxe selon laquelle les sociétés devraient passer par les mêmes stades de développement pour parvenir au socialisme puis au communisme, il s’avère que Marx aurait remis en question ce schéma simpliste de l’histoire au profit d’une vision où des institutions comme les communs et les communes rurales (le mir en Russie, par exemple) permettraient le passage vers le communisme sans passer par l’étape intermédiaire du capitalisme industriel[44].
Qui plus est, l’argument le plus fort à l’endroit d’une telle conception productiviste de l’écosocialisme réside dans les limites planétaires objectives liées à une croissance continue, que celle-ci soit déployée selon une logique capitaliste ou socialiste, car le développement massif de nouvelles technologies implique forcément une consommation immense de ressources naturelles et énergétiques[45]. Face à ce constat, il s’avère essentiel de proposer un modèle postcapitaliste alternatif, axé sur la « descente énergétique[46] » et la « technosobriété », c’est-à-dire l’idée d’une modération dans la production et l’usage des technologies numériques et algorithmiques au sein de la vie sociale et économique[47].
Vers un communisme décroissant
À quoi ressemblerait une telle société postcapitaliste, débarrassée de l’impératif de croissance et où les nouvelles technologies joueraient un rôle restreint dans la vie sociale ? Selon Kohei Saito, il s’agit de construire un « communisme décroissant » appuyé sur la multiplication des communs, les technologies ouvertes, l’autonomie locale et la décélération de l’économie[48]. Le terme « communisme » pourrait être traduit par le terme « commonisme », car il ne s’agit pas d’imiter le socialisme d’État des anciens régimes soviétiques, mais de construire une société axée sur les communs, l’entraide et la coopération, hors de la logique étatique bureaucratique et centralisée[49].
S’appuyant sur les écrits du philosophe français André Gorz, Saito considère qu’il est essentiel d’opérer une distinction entre les « technologies ouvertes » et les « technologies verrouillées » pour échapper aux problèmes du productivisme. « Les technologies ouvertes sont celles qui impliquent un échange avec d’autres, qui sont liées à la communication et à l’industrie coopérative. En revanche, les technologies verrouillées sont celles qui divisent les gens, qui transforment les utilisateurs en esclaves et qui monopolisent la fourniture de produits et de services[50] ». Dans cette perspective, il s’agit de développer des infrastructures de télécommunications, des centres de données, des logiciels, des modèles de gestion de données, des modèles algorithmiques et des plateformes basés sur des « technologiques ouvertes » comme les communs.
Ainsi que nous l’avons montré précédemment, cela s’avère chose possible, bien qu’il soit nécessaire d’articuler ces diverses strates technologiques au sein d’un projet social global et cohérent. Le problème réside plutôt dans la place que doit prendre l’infrastructure numérique et le rôle de l’IA au sein de la vie sociale et économique. Doit-on miser sur une planification globale de l’économie par les algorithmes, proscrire leur usage, ou bien opter pour un « juste milieu » où ces technologies pourraient servir à optimiser certaines prises de décision tout en laissant une large place à des échanges en dehors de cet appareillage technologique ?
C’est ici que la « vraie réflexion » concernant la planification démocratique de l’économie s’amorce : de quoi avons-nous réellement besoin[51] ? Nous aboutissons ainsi sur le besoin de délimiter collectivement les limites d’une économie technosobre, c’est-à-dire d’une société dans laquelle les technologies numériques et algorithmiques ne jouent pas un rôle excessif dans la production, la distribution et la consommation de biens et services essentiels à l’épanouissement humain. Il importe donc d’éviter l’approche techno-utopique et non soutenable des courants accélérationnistes et productivistes, mais également les postures anti-technologiques que nous retrouvons parfois dans certains courants anti-industriels, certaines versions de la décroissance ou encore l’anarchoprimitivisme.
Que signifient les termes « excessif », « nécessaire », « utile » ou « superflu » dans un hypothétique modèle économique technosobre ? Selon nous, il n’existe pas de définition purement objective ou impartiale de ces termes, car la détermination des besoins et des moyens de les satisfaire doit inévitablement passer par un débat démocratique. Comme le notait déjà Nancy Fraser, il existe une « lutte pour l’interprétation des besoins » qui se déroule nécessairement dans l’arène politique[52]. L’important ici est de bâtir des institutions dans lesquelles ce genre de débat pourra avoir lieu afin de déterminer ce qui mérite d’être produit en priorité pour répondre aux besoins sociaux urgents, ce qui doit être laissé à l’initiative individuelle ou encore à des modalités de production locale de façon flexible[53].
Quatre scénarios de transition
En guise de conclusion, nous suggérons de comparer quatre scénarios stratégiques élaborés par l’Agence de la transition écologique de la France : S1 Génération frugale, S2 Coopérations territoriales, S3 Technologies vertes et S4 Pari réparateur[54] (figure 1).
Alors que les scénarios S3 Technologies vertes et S4 Pari réparateur correspondent à la trajectoire actuelle du capitalisme vert et de la transition énergétique technocentrée, les scénarios S1 Génération frugale et S2 Coopérations territoriales se rapprochent davantage du communisme décroissant, ou d’un écosocialisme municipal démocratisé. Nous ne pouvons pas ici décrire en détail chaque scénario, mais il nous semble essentiel de viser les scénarios S1 et S2 en misant sur une valorisation des technologies réparables, ouvertes et émancipatrices (low-tech), un mode de vie moins énergivore et un nouveau mode de production postcapitaliste débarrassé de l’impératif de croissance.
Figure 1 – Quatre scénarios de transition
Source : ADEME, « Les scénarios », Agence de la transition écologique de France, 2021.
Dans ces deux scénarios, les communs joueraient un rôle essentiel dans la démocratisation des infrastructures et des outils technologiques, que ce soit en matière de systèmes de télécommunications, de logiciels, de données, d’algorithmes et de plateformes. Le communisme décroissant technosobre nous invite ainsi à penser la communalisation des moyens de production technologiques, sans nous enfermer dans une vision idéaliste où le seul changement de propriété de ces technologies suffirait à nous émanciper.
Au bout du compte, la question la plus complexe à répondre est : quelle place occuperont le monde numérique et l’IA dans une société future postcapitaliste, cette société devant être à la fois juste, démocratique et écologiquement soutenable ? Ainsi, l’infrastructure technologique du postcapitalisme ne reposera pas sur une demande infinie de ressources et d’énergie, mais sur la délibération démocratique et sur le travail humain ancré au sein de communautés locales, avec l’aide d’outils algorithmiques au besoin. Une fois que nous aurons déterminé le profil souhaité pour la société future à construire, il nous restera encore à établir les meilleurs moyens et stratégies pour y parvenir, et en se préparant aux luttes sociales et politiques que cela implique. Autrement dit, si nous parvenons à rassembler plusieurs groupes anticapitalistes autour du projet de communisme décroissant technosobre, il faudra encore se poser la question stratégique suivante : que faire ?
Par Jonathan Durand Folco, professeur à l’École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère de l’Université Saint-Paul
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- Shoshana Zuboff, L’âge du capitalisme de surveillance, Paris, Zulma, 2020. ↑
- Jonathan Durand Folco et Jonathan Martineau, Le capital algorithmique. Accumulation, pouvoir et résistance à l’ère de l’intelligence artificielle, Montréal, Écosociété, 2023. ↑
- Conseil de l’innovation du Québec, Prêt pour l’IA. Répondre au défi du développement et du déploiement responsables de l’IA au Québec, rapport, janvier 2024. ↑
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