Réjean Parent, le président de la CSQ, est sur le pied de guerre. En réaction aux propositions de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, la veille du Congrès libéral, de sabrer la moitié du budget des commissions scolaires et d’instaurer un financement des écoles basé sur la performance, il déclarait : « Si la ministre veut la guerre, elle l’aura! »
Que la ministre ait subi une rebuffade au Congrès libéral ne l’a pas incité à enterrer la hache de guerre. « Charest et Beauchamp nous ont prévenus que la proposition allait revenir. De plus, la Coalition pour l’avenir du Québec de Sirois-Legault a une proposition semblable dans ses cartons », de préciser Réjean Parent, rencontré entre deux étapes de la tournée québécoise qu’il effectue présentement pour mobiliser ses troupes.
« Je discute avec nos membres de la nécessité de s’impliquer sur le terrain politique. Nous avons des résolutions de congrès à cet effet. Il faut les mettre en application », nous confie-t-il en brossant un tableau particulièrement inquiétant du paysage politique et médiatique au Québec.
« Nous sommes devant une offensive antisociale et antisyndicale sans précédent », affirme un Réjean Parent qui se colletaille régulièrement avec les Richard Martineau, Éric Duhaime et autres porte-parole de la droite de l’empire Quebecor.
« On cherche à nous faire croire que le Québec est à droite et qu’il est en attente d’un Messie qui va charcuter nos programmes sociaux. Mais c’est faux. Tous les sondages, menés selon les règles de l’art, démontrent que la grande majorité de la population du Québec se situe au centre-gauche. Elle tient à préserver et à améliorer ses programmes sociaux. »
Le président de la CSQ tire à boulets rouges sur l’Institut économique de Montréal, dont « les soi-disant études arrivent toujours comme par hasard aux mêmes conclusions : abolir le salaire minimum, réduire l’appareil de l’État, privatiser les services publics, baisser le fardeau fiscal des riches pour créer de la richesse, couper les sources de financement des organisations de travailleurs. »
Cela ne l’étonne pas étant donné que l’organisme est financé, de façon occulte, à coups de millions, par les grandes entreprises et est présidé par Hélène Desmarais, l’épouse de Paul Desmarais junior, dirigeant d’un autre empire financier et médiatique : Power Corporation.
Pour contrer ce discours dominant, il est nécessaire, selon Réjean Parent, de produire un contre-discours, un discours alternatif. Dans cette optique, sa centrale appuie, avec d’autres organisations syndicales, des instituts de recherche comme l’IRIS et l’IREQ.
« Nous n’avons pas les moyens financiers, constate-t-il, de mettre sur pied des médias de masse qui pourraient concurrencer le discours de la droite, mais, déjà, avec les publications alternatives, comme l’aut’journal, les médias sociaux, nous pouvons faire circuler notre message, nos critiques, nos idées. Il faut multiplier les efforts pour articuler un véritable discours progressiste. »
Mais, il ne fait aucun doute, selon lui, que la solution se trouve sur le terrain politique. Là, le tableau n’est guère réjouissant. « C’est encombré à droite, avec le Parti libéral, l’ADQ et la CAQ de Sirois-Legault. Mais la direction du PQ ne semble pas l’avoir encore réalisé. Sa ligne de conduite est dictée par l’électoralisme à courte vue, comme l’a démontré la Loi 204 sur l’amphithéâtre de Québec. On connaît les résultats. »
« Il faut, enchaîne-t-il, faire émerger une véritable alternative politique de gauche, progressiste et portée par des hommes et des femmes de conviction. On ne peut pas se permettre d’aller au combat en rangs dispersés. Il faut une coalition des forces progressistes, provenant du Parti Québécois, de Québec solidaire et des députés indépendants. »
Réjean Parent reconnaît que c’est souvent plus difficile pour la gauche, que pour la droite, de s’unir parce qu’il y a une plus grande variété d’opinions. « Mais nous n’avons pas le choix devant les enjeux actuels. Non seulement nous faisons face, sur fond de crise économique appréhendée, à une grande offensive antisociale et antisyndicale, qui dépasse le cadre du Québec, mais nous assistons également, particulièrement avec le plan Nord, à une tentative de haut niveau pour nous déposséder de nos richesses naturelles. »
« Pour affronter les puissances de l’argent, nous avons la force du nombre. Mais à une condition : être unis. L’union fait la force, c’est le principe de base du syndicalisme. Mais la solidarité sociale et nationale est également la clef de nos succès politiques au Québec. Si le Parti Québécois a pu prendre le pouvoir en 1976, c’est parce que ses 300 000 membres ont décroché le téléphone ou ont grimpé les escaliers pour rejoindre leurs concitoyens. Si nous avons presque gagné en 1995, malgré une disproportion des moyens en faveur du camp adverse, c’est parce que nous étions unis et actifs. C’est la seule recette. Et elle peut provoquer des miracles ! »