Ligue des droits et libertés, 6 janvier 2021.
Pour la Ligue des droits et libertés (LDL), l’annonce de plus en plus probable de l’imposition d’un couvre-feu fait en sorte qu’on évacue encore une fois la question de la responsabilité du gouvernement dans la lutte contre le coronavirus et la question des véritables solutions collectives. « En voulant imposer un couvre-feu, le gouvernement traite encore une fois cette crise de santé publique comme un enjeu de sécurité publique. Et nous sommes en droit de se demander : comment le gouvernement compte-t-il faire respecter ce couvre-feu? », demande Alexandra Pierre, présidente de la LDL.
Pour la LDL, il est évident que la situation actuelle est très grave et que tout le monde doit jouer son rôle dans la lutte contre le coronavirus. Mais il ne suffit pas d’en faire reposer le poids sur la responsabilité individuelle et sur des restrictions des droits et libertés aussi importantes comme un couvre-feu. La responsabilité de l’État est majeure dans cette situation extraordinaire que nous connaissons.
« De ce côté, il y a des choses qui doivent être urgemment corrigées pour lutter efficacement contre la COVID-19 : prendre en compte le fait que les aérosols sont les principaux responsables de la transmission et agir en conséquence en améliorant la ventilation des lieux intérieurs, en premier lieu nos écoles et nos établissements de santé; octroyer les ressources nécessaires afin d’améliorer la capacité de test et de traçage subséquent; empêcher une bonne fois pour toute que du personnel de santé change d’établissements chaque jour; améliorer les conditions de travail pour que le personnel en santé reste en emploi et cesse de s’épuiser; organiser de façon efficace la campagne de vaccination pour les personnes les plus vulnérables ou à risque qui souhaitent obtenir le vaccin; etc. », continue Mme Pierre.
La présidente de la LDL rappelle que tout cela relève de la responsabilité du gouvernement. « La formation accélérée de préposé-e-s pour augmenter les effectifs est une démonstration que le gouvernement Legault peut intervenir concrètement et en prenant ses responsabilités plutôt qu’en agissant par la sanction en aval, en catastrophe, en se concentrant sur la contrainte. Nous lui demandons de privilégier cette voie », renchérit la présidente.
Pour la LDL, d’autres questions se posent : quand on sait qu’au moins 30% des éclosions se passent en milieu scolaire et une autre grande partie en milieu hospitalier, qu’est-ce qui justifie une mesure aussi drastique et réductrice de la liberté de circulation de la population? Le couvre-feu a été imposé en France, en Espagne, dans certains États étatsuniens… Est-ce que cela a vraiment fonctionné jusqu’à maintenant?
« Qui risque d’être davantage visé par cette mesure ? Les personnes déjà surinterpellées par la police, et en particulier les gens qui vivent dans la rue. Ces gens ne vivent pas dans la rue par plaisir. La plupart du temps, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix car ils n’ont pas de toit. Nous craignons que cette communauté déjà grandement vulnérable au virus, entre autres choses, le soit encore davantage avec l’instauration de cette mesure. Et quand on sait que les refuges qui ont été mis sur pied sont aussi touchés par le virus, on peut comprendre que ces personnes ne veulent pas aller s’y réfugier, que ce soit à 20h ou à 23h! », termine Mme Pierre.