Mercredi 10 août 2016 à 13 h, à l’UQAM, DS-4375
Aujourd’hui, les institutions de la suprématie blanche fondées sur le mythe d’une hiérarchie raciale imaginaire sont confrontées par les peuples africains et afrodescendants. Les luttes continuent contre l’esclavage, le travail forcé, l’exploitation raciale, la colonisation et la domination des corporations transnationales et du capital financier (la « globalisation »). Parallèlement, on résiste contre le profilage racial qui s’inscrit dans des lois et des pratiques hostiles aux immigrantes et aux immigrants, notamment contre les populations afrodescendantes. Depuis l’an passé, la Décennie des peuples afrodescendants (décrétée par l’ONU, elle se termine en 2024) est une occasion pour se mobiliser contre les structures locales, nationales et internationales d’un racisme permanent qui déshumanise les peuples. Il faut revendiquer un vaste processus de «réparation», mais aussi, décoloniser le pouvoir et la connaissance.
Intervenant-e-s
- Mireille Fanon-Mendès France (Fondation Fanon)
- Kali Akuno (Cooperation Jackson)
- Firoze Manji (Daraja Press)
La liberté que nous avons arrachée
Patrice Lumumba[1]
Notre lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions le chasser de notre mémoire. Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu’à un Noir on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ?
Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort. Nous avons connu que la loi n’était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillotes croulantes pour les Noirs ; qu’un Noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe.
Aujourd’hui, la République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la Justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles. Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens puissent jouir pleinement des libertés fondamentales prévues dans la Déclaration des Droits de l’Homme. Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudra sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays.