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L’hypothèse communiste

Mercredi 10 août 2016 à 13 h, à l’UQAM, SH-3220

La théorie comme boîte à outils, cela veut dire qu’il s’agit de construire non un système, mais un instrument, une logique propre aux rapports de pouvoir et aux luttes qui s’engagent autour d’eux.
Michel Foucault*

Pour nous, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement.

Karl Marx**

 

Depuis longtemps, nos ancêtres luttent pour le « bien commun », un patrimoine, un environnement et des droits appartenant à tous et à toutes. Cette lutte, définie plus tard de « communiste » par les mouvements populaires, a permis d’imaginer un monde où domineraient la coopération et la solidarité. Aujourd’hui, alors que le mot de « communisme » évoque davantage des régimes totalitaires, qu’en est-il de cette lutte pour le commun ? Au-delà du capitalisme, quels sont les contours d’une société post-capitaliste qui répondraient aux luttes d’émancipation ?

 

Intervenant-e-s

Jodi DeanJodi Dean professeure aux Collèges Hobart et William Smith (É.-U.), auteure de The Communist Horizon (2012) et Crowds and the Party (2016). Elle a fait des études sur l’Union soviétique avant de diriger ses travaux sur la philosophie politique, la psychanalyse et l’action contestataire. Pour elle, le communisme exprime un « désir collectif pour la communauté ». Aux États-Unis, estime-t-elle, la gauche regroupe des partisans d’un « horizon » post-capitaliste tout en aidant les mouvements de masse à élaborer des stratégies.

 

 

Simon Tremblay-PepinSimon Tremblay-Pepin professeur en études politiques à l’Université Saint-Paul d’Ottawa, Simon est également chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques. Il a également agi à titre de conseiller aux communications pour Québec solidaire. Sa thèse de doctorat (non publiée) se veut une « Contribution à une économie politique de l’émancipation ».

 

Nouveaux débats autour du communisme

 

Aujourd’hui « l’hypothèse communiste » offre la possibilité d’un nouveau projet de recherche collectif sur les formes de lutte adéquates à l’époque contemporaine. D’une manière inattendue et audacieuse, le programme positif du communisme, par contraste avec la simple résistance aux crises du capitalisme, devint l’horizon à l’intérieur duquel nous pouvions non seulement comprendre les défis du présent, mais aussi y faire face. Les mérites de cette intervention idéologique sont indéniables : celle-ci a donné lieu à une discussion internationale de grande envergure autour de la notion de communisme que, même à leur point culminant, l’altermondialisme et les mouvements anti-guerre, encore aux prises avec les surdéterminations de la rhétorique du nouvel ordre mondial des années 1990, n’avaient pas suscité.

La nature de la relation que ces discussions entretiennent avec les débats organisationnels qui ont émergé à la suite d’Occupy, des manifestations internationales contre l’austérité et des mouvements révolutionnaires réellement existants, reste cependant difficile à déterminer. Badiou, notamment, considère le parti comme une instanciation historiquement dépassée d’« invariants communiste » dorénavant à la recherche d’un nouveau mode d’existence. Plus récemment, Jodi Dean a souligné que le réexamen de la forme-parti constitue l’horizon dans lequel le débat sur le communisme devient intelligible en soi. Loin de la caricature de l’unité homogène ou « totalitaire », Dean affirme que le parti – et en particulier le parti léniniste – représente « un véhicule pour maintenir ouvert un écart favorable à l’expression d’un désir collectif de collectivité ».

Cependant, c’est avant tout l’expérience pratique des processus contradictoires de regroupement de la gauche à l’échelle internationale – des reconfigurations de la gauche latino-américaine au cours des dix dernières années à l’émergence de nouvelles formations politiques dans l’ensemble de l’Afrique du Nord et du monde arabe, en passant par les succès relatifs des partis de coalition européens en Allemagne, en Espagne, en Grèce ou en France – qui a remis la question du parti à l’ordre du jour. L’horizon communiste ne trouve donc plus seulement son principe d’intelligibilité dans la discussion de la forme-parti, mais aussi dans la relation dialectique que ces débats théoriques entretiennent avec les mouvements réels qui, pour paraphraser un passage souvent cité de Marx dans l’Idéologie allemande, cherchent aujourd’hui à abolir l’État actuel.

Extraits de Peter Thomas, Theory and Events, 16/4, 2013

Quelques références

  • BADIOU, Alain et ŽIZEK, Slavoj (), L’idée du communisme, Fécamp, Lignes, 2010.
  • BEAUDET, Pierre, Lénine au-delà de Lénine, http://media.wix.com/ugd/a54ab7_c0f8429f727e4f48a8fc37b7f5b9beb6.pdf,
  • BENSAÏD, Daniel, Marx l’intempestif. Grandeurs et misères d’une aventure critique (XIXe-XXe siècles), Paris, Fayard, 1995.
  • DEAN, Jodi, The Communist Horizon, New York, Verso, 2011.

 

 

 

*Michel Foucault, « Pouvoirs et stratégies » (entretien avec Jacques Rancière), 1977, Dits et écrits, Tome III, Gallimard, 1994

**Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, 1845

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