Aussi surprenant que cela puisse paraître et à l’inverse de ce qu’on pourrait penser et souhaiter, les politiques économiques contracycliques se font en général, au-delà des discours, au détriment des politiques sociales et donc des catégories sociales aux revenus les plus faibles. A partir d’une étude réalisée sur sept pays (Argentine, Chili, Bolivie, Costa Rica, Mexique, Panama et République Dominicaine), Hicks et Wodon (2001) observent que l’élasticité des dépenses sociales par rapport au PIB supérieure à l’unité durant les phases de croissance, et qu’à l’inverse l’élasticité de ces dépenses inférieure à un durant les phases de récession. En termes clairs cela signifie que lorsque la croissance du PIB par tête fléchit d’un point, les dépenses affectées aux pauvres baissent de deux points. Les auteurs estiment que cette baisse est pour moitié due à la baisse du PIB par tête et pour moitié résulte de l’augmentation du nombre de pauvres provoquée par la crise. Au lieu d’être contracyclique, la politique sociale est souvent pro cyclique et accentue de ce fait les effets négatifs de la volatilité sur les populations à faible revenu. Certes, le Brésil ne fait pas partie de l’échantillon analysé par Hicks et Wodon, mais la plupart des analyses faites, dont celles que nous avons menées avec Valier J. (Lustig N ; 1989, Salama P et Valier J,1992 et 1997, Salama P, 2008, Salama P dans Lautier B et alii, 2004), confirment dans l’ensemble ces tendances. Les effets négatifs du cycle sur la pauvreté sont souvent accentués par les politiques économiques restrictives décidées pour des raisons de crédibilité sur les marchés financiers internationaux.
Ce n’est pas ce qu’on observe aujourd’hui avec la crise systémique mondiale qui a atteint le Brésil au cours du second semestre 2008 : la crise parait …bénéficier aux plus pauvres, pour l’instant et alimente un fort sentiment d’optimisme sur les capacités du pays de surmonter la crise.. C’est ce paradoxe qu’il convient d’analyser. Les pauvres seraient ils devenus moins vulnérables à la crise ? La réponse à cette question n’est pas simple pour des raisons conjoncturelles et structurelles. Conjoncturelles car le Brésil, comme de nombreux autres économies émergentes et au seuil de nouvelles mutations produites par cette crise de grande ampleur, un peu comme ce fut le cas dans les années trente, et qu’on ne peut confondre un moment du cycle (la crise puis le début de la reprise) avec un mouvement d’ensemble qui peut durer des années, expression de mutations structurelles difficiles à lire aujourd’hui. C’est pourquoi, dans un premier temps nous présenterons ce qui distingue cette crise de celle des années quatre-vingtdix, puis dans un second temps nous exposerons les principales mesures contracycliques prises par le gouvernement. Dans un troisième temps nous analyserons les causes de l’évolution de la pauvreté et montrerons que les mesures contra cycliques prises ainsi que la nature du régime de croissance et le niveau par celle-ci depuis le début des années 2000 favorisent une légère diminution des inégalités et une baisse du niveau de la pauvreté. Dans un quatrième temps nous analyserons les conflits d’intérêt et leur résolution qui ont permis la reprise de la croissance et cette baisse de la pauvreté quelques années avant que n’apparaissent la crise internationale pour comprendre comment ils sont susceptibles d’évoluer avec cette crise et les politiques contracycliques définies par le gouvernement du Président Lula.
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