par GILLES L. BOURQUE
22 janvier 2010 Article publié dans: | Rapport à L´environnement
Dans le débat actuel touchant le renouvellement de la social-démocratie dans un contexte de crise économique et environnementale sévère, il faut relever que le mouvement syndical est, depuis les débuts, partie prenante de la lutte contre les changements climatiques et, de manière plus générale, pour le passage à une économie plus soutenable. La Confédération syndicale internationale (CSI) a pris le leadership dans ce domaine.
Rappelons que la CSI représente 168 millions de travailleuses et de travailleurs au sein de 311 organisations affiliées nationales dans 155 pays. Créée en 2004, la Confédération a été le résultat d’une démarche de regroupement du syndicalisme international ; elle intègre maintenant les organisations anciennement affiliées à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), à la Confédération mondiale du travail (CMT) ainsi qu’à huit autres organisations n’ayant pas d’affiliation internationale.
La mobilisation du mouvement syndical en prévision de Copenhague
C’est dans le cadre de sa participation aux négociations de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) que la CSI a http://www.ituc-csi.org/transition-… pris l’initiative de lancer une campagne syndicale visant à intégrer la justice sociale aux mesures de transition vers une économie à faible intensité de carbone. Lors du premier volet des pourparlers pour l’adoption d’un nouveau traité, qui s’est conclu à Bonn en avril dernier, plusieurs organisations du mouvement syndical ont insisté sur la nécessité de garantir la justice dans la transition vers une société à faible intensité de carbone, moyennant l’inclusion dans l’accord d’un cadre de transition juste pour les communautés et les travailleurs.
« Le nouveau traité climatique adopté à Copenhague devra être porteur d’un message d’ambition et d’équité », a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la CSI. « Nos organisations s’engagent à soutenir la réalisation de mesures ambitieuses en matière de réduction des émissions. L’inclusion d’un cadre de transition juste dans le traité est un facteur essentiel pour une mise en œuvre fructueuse de ce processus. »
Le mouvement syndical est conscient que les transitions ne seront pas des processus simples, que la transition vers une économie à faible émission de GES représente un défi colossal. Mais si les transitions sont mal gérées, ils savent que ce seront les plus pauvres qui paieront le prix fort. D’où la nécessité, pour la CSI, de soutenir et assister les plus vulnérables durant le processus de transition : la justice climatique, la défense des droits et la protection sociale forment des préalables indispensables à toute transition juste et durable.
« Les syndicats sont préoccupés par la lenteur des négociations et la prolifération des forums de prise de décision. Nous nous engageons à poursuivre nos efforts envers une prise de décision à point nommé et une transition réelle et équitable vers une économie faiblement carbonée […] ; pour y parvenir, nous devons amener les gouvernements à reconnaître le rôle que les syndicats peuvent jouer envers l’accomplissement d’un consensus et l’établissement de conditions propices pour la grande transition qui doit avoir lieu », a déclaré Ryder.
Intervention sur toutes les tribunes
Cette mobilisation syndicale ne se limite pas au sommet du mouvement. Elle est reprise par ses composantes nationales qui les intègrent dans leurs agendas nationaux. C’est le cas par exemple des Trade Union Congress (TUC) de la Grande-Bretagne qui en ont fait un axe fondamental de leur plateforme de revendications (voir http://www.tuc.org.uk/economy/tuc-1… Unlocking Green Enterprise : A Low-Carbon Strategy for the UK Economy). Pour les TUC, le gouvernement britannique doit jouer un rôle beaucoup plus actif permettant, à la fois, une diminution significative des émissions de GES, tout en s’assurant que les entreprises nationales développent leurs capacités pour le passage à une économie de faible intensité en carbone. Pour les syndicats britanniques, le développement d’une économie verte est inséparable d’une stratégie ambitieuse en termes de luttes aux changements climatiques.
Comme le mentionnait http://www.tuc.org.uk/economy/tuc-1… Brendan Barber, secrétaire-général des TUC, à l’occasion d’une conférence de l’Organisation internationale du travail (OIT) à Genève :
« Unless we build a green economy out of the rubble of the greed economy, the next global crisis will surely be even worse » […] « So the choice we face is clear – to retreat into the global comfort zone of business as usual or to give globalisation a human face, and our planet a fighting chance of survival. Let’s make sure we do the right thing ».
Une lutte globale contre un modèle de développement insoutenable
Comment transformer la lutte contre les changements climatiques en opportunités de relance de l’emploi et de développement durable : ce défit doit être au centre des débats. La création « d’emplois verts » peut être l’une des solutions aux problèmes socioéconomiques posés par les changements climatiques.
C’est en ces termes que la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) a également lancé un http://www.tuac.org/en/public/e-doc… appel aux dirigeants du monde développé afin de favoriser la mise en place de mécanismes de consultation et d’actions conjointes avec les partenaires sociaux en ce qui concerne les stratégies nationales de lutte aux changements climatiques. Mais pour les dirigeants syndicaux, cette lutte aux changements climatiques doit également permettre d’assurer le transfert systématique de ressources et de technologies vers les pays en développement, afin de maximiser l’efficacité de la lutte tout en donnant à ces pays des moyens supplémentaires d’action.
L’organisation syndicale en profite pour appeler à une nouvelle gouvernance mondiale en demandant à l’OCDE de démontrer sa pertinence aux sociétés qui sont confrontées aux enjeux de la mondialisation. Selon la CSC-OCDE, les décisions prises par l’OCDE, en 2007, d’augmenter le nombre de ses membres et d’intensifier le dialogue avec les principaux pays émergents posent de nombreuses questions concernant la mission future de l’Organisation et son efficacité. Le moment serait donc venu de réactualiser le Protocole d’accord avec l’Organisation internationale du travail, concernant des travaux conjoints sur les droits des travailleurs, le travail décent, les migrations, la suppression des discriminations, le développement des emplois « verts », la responsabilité des entreprises ainsi que le respect des droits fondamentaux du travail dans les pays adhérents.
La CSC-OCDE demande aux Ministres de mettre à profit leurs discussions en vue de :
• prendre des mesures gouvernementales coordonnées afin de réduire au minimum le risque d’augmentation du chômage et de soutenir le travail décent ;
• veiller à ce que les marchés financiers et notamment les fonds d’investissement et les fonds souverains soient réglementés de manière efficace ; à ce que les régimes fiscaux servent à redistribuer les coûts et les bénéfices de la mondialisation et à renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité fiscale ;
• prendre des mesures permettant de remédier à l’accroissement des inégalités et favorisant en particulier la réalisation d’audits d’équité dans tous les domaines d’action des pouvoirs publics ;
• poursuivre dans le prolongement des réunions du G8 en 2007 les travaux pour une dimension sociale de la mondialisation et pour que soit définie une approche plus efficace de la responsabilité des entreprises et de leur responsabilité sociale ;
• assurer une cohérence au niveau mondial dans la définition et la gestion des problèmes d’atténuation des changements climatiques et dans la mise en place d’un programme d’action pour une transition juste favorisant les emplois écologiques ou « emplois verts » ;
• prendre des mesures d’urgence pour que les pays de l’OCDE respectent leurs engagements en matière d’aide au développement en raison de la recrudescence de la faim et de la pauvreté déclenchée par l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.
Comme on peut le constater, le mouvement syndical va au-delà de ses axes traditionnels de revendications parce qu’il a conscience que, d’une part, l’enjeu des changements climatiques pose la question fondamentale de la vie sur Terre, telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais qu’en même temps, l’éclatement de la crise climatique crée des opportunités, comme il s’en est peu présenté au cours des trente dernières années, pour remettre en cause un modèle de développement insoutenable.
Les nouvelles revendications portées par les syndicats posent clairement les conditions du renouvellement du projet social-démocrate. Non seulement il permet d’intégrer les dimensions sociale et environnementale au cœur du nouveau projet social à définir, mais en outre il porte en lui-même les éléments pour un nouveau compromis fondé sur une démarche « multi-parties prenantes » plutôt que sur le tripartisme traditionnel. L’enjeu est de pouvoir transposer cette dynamique dans un espace national, où se conjuguent un nœud exceptionnellement complexe de possibilités (d’alliances, de ressources, de légitimités) et de contraintes (mondialisation, finance publique, poussée réactionnaire de la droite).
Rechercher :
Présentation de la coalition
La réflexion sur le renouvellement de la social-démocratie sera portée dans le cadre d’une aventure intellectuelle originale. Un consortium de recherche va se concerter pour conduire durant toute l’année des travaux qui prendront en charge l’un ou l’autre des grands questionnement soulevés par le texte de référence lancé par Benoît Lévesque, Michel Doré, Marilyse Lapierre et Yves Vaillancourt. Co-responsables, sous la coordination de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Robert Laplante), de la mise en œuvre d’une programmation de travail qui fera une large place aux échanges et aux débats entre chercheurs et acteurs de la société civile, les membres et participants de ce consortium de recherche seront appelés à faire paraître sur le site Internet des textes faisant état de l’avancement de la réflexion. Divers événements vont ponctuer le parcours qui devrait déboucher sur un grand rendez-vous public à l’automne 2010. Le consortium est formé des membres suivants : le CÉRIUM (Pascale Dufour), la Chaire du Canada Mondialisation, citoyenneté et démocratie (Joseph-Yvon Thériault, titulaire), l’Observatoire de l’Administration publique ( Louis Côté, directeur), les Éditions Vie Économique (Gilles Bourque, coordonnateur) et de deux équipes de partenaires, dont l’une réunie autour de Denise Proulx, de GaïaPresse, et Lucie Sauvé, de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative en environnement, et l’autre rassemblée autour de Christian Jetté de l’Université de Montréal et Lucie Dumais de l’UQAM.
Agenda
Editorial
L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. Le Québec est rendu à l’un de ses moments.
Info
Les détails de la programmation et les problématiques organisant les grands axes de travail seront publiés sous peu sur le site Internet.
Séminaire
Un événement de lancement aura lieu le 10 décembre à 19 heures, simultanément en vidéoconférence, aux salles de l’ÉNAP à Montréal (4750 Henri-Julien, amphithéâtre du rez-de-chaussée), à Québec (555 boul. Charest Est, local 5112) et à Gatineau (283, Alexandre-Taché. Aile D, local 20425).
Conférence de Gilles Gagné, présentation des responsables d’axe et débat avec la salle.
Colloques
À venir