La bonne nouvelle…
Selon les syndicats au Québec, la négociation qui s’ouvre sur le secteur public sera historique. En effet, la mobilisation potentielle de 475,000 salarié-es autour d’objectif salariaux communs déployés dans un cadre stratégique unifié (prévoyant une entente ce printemps) relève du précédent, si on excepte la puissante dynamique sociale ou le MONDE ORDINAIRE en 1972, faisait entendre sa voix, quelquefois dans une dynamique d’action directe et de désobéissance civile. Voilà pour la bonne nouvelle.
Et la mauvaise nouvelle…
La mauvaise nouvelle renvoie au contexte socio-économique et sociopolitique. Le Québec est frappé par une sortie de récession dont les effets ont été très largement intériorisés par les classes populaires en lien avec une offensive idéologique patronale d’une rare dureté, qui laisse loin derrière les habituels conditionnements politiques qui accompagnent traditionnellement les négociations du secteur public et parapublic.
Offensive médiatique
Le Québec est dans le rouge nous apprend chaque matin le journal de Montréal relayé chaque soir par le puissant réseau TVA. Les voix critiques sont très peu audibles. Pour un Khadir, un Beaulne ou un Gill, c’est un déluge de poncifs néolibéraux qu’on nous sert, de Facal à Martineau, de Dubuc à Piché, relayés par le duopole qu’on appelle les média du Québec. On en est à spéculer sur la nature des «vaches sacrées» qu’il faut sacrifier sur l’autel du bien-être des générations futures. Du journal Les Affaires à la droite du PQ le consensus est en train de se cristalliser autour d’une hausse des tarifs d’électricité, les péages, des frais de garderies et les frais de scolarité. Le prochain budget de la fin mars sera éclairant à cet égard: on responsabilisera les salarié-es en négociation pour justifier ces hausses.
Stratégie patronale
Pendant que tous les yeux se tourneront vers les aspects monétaires de la confrontation entre le gouvernement et le font commun, on s’agite sur le plan sectoriel dans les diverses associations patronales (Cegep, hôpitaux, commission scolaire etc.) afin de faire reculer les droits individuels et collectifs des salarié-es au nom de la bonne gouvernance, de la flexibilité et du sens commun. L’objectif étant de renforcer le droit de gérance en tentant d’affaiblir la porté du principe d’ancienneté au nom de l’excellence et de la performance. On peut également anticiper une clarification de la portée de l’offensive patronale au chapitre des retraites. Les salariés-es de Europe de l’ouest y ont tous goutés ces cinq dernières années et on comprend mal pourquoi nous y échapperont: pression à la baisse sur la rente, à la hausse sur les cotisations et les règles d’admissibilité. Sur le plan politique, le Front commun, malgré de louables quoique tardifs efforts pour relier les enjeux des conditions de travail à la qualité des services, éprouve des difficultés à répliquer à cette offensive idéologique visant a délégitimer non seulement ses revendications, mais, pour les secteurs les plus durs du patronat (Péladeau et cie) à remettre carrément en cause l’existence même du syndicalisme même domestiqué au rang de partenaire. Depuis des mois, certaines voix s’élèvent même pour critiquer ces privilèges syndicaux que serait notre participation à la CDPQ sans parler du Fond de solidarité désormais trop important pour être confié aux soins majoritaires d’élus syndicaux.
Les enjeux sont immenses
Nul ne peut prédire la suite des choses. Excluons, pour fin exercice, les scenarii les plus extrêmes: celui d’une victoire historique des salarié-es qui contribuerait à modifier substantiellement le rapport de force social au Québec ainsi que celui d’une défaite d’une même ampleur qui marquerait le début de la fin du modèle québécois qui n’est sans doute rien doute que la forme spécifique du keynésianisme sur ce coin du continent. Sans doute les syndicats réussiront à opérer le damage control. Reste à savoir à quel degré.
En terminant, une seule certitude. Depuis 1964 et plus particulièrement depuis 1972, les négociations du secteur public marquent en profondeur les politiques salariales, les rapport de forces et les orientations des classes sociales au Québec. Cette fois peut-être plus que jamais.