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Le capitalisme dit « éclairé » se prononce contre la hausse des droits de scolarité

M. Raymond Bachand,

En tant que ministre des Finances aux multiples diplômes universitaires (licence en droit, maîtrise et doctorat de la Harvard Graduate School of Business Administration), vous êtes vraiment bien placé pour comprendre à quel point la formation universitaire de nos étudiants est une «richesse» pour la société québécoise.

Financièrement parlant, les statistiques le prouvent: les diplômés universitaires gagnent de façon générale des revenus plus élevés. Et par ricochet, au cours de leur vie active, ils paient proportionnellement plus d’impôts et de taxes que les non diplômés. Sans peur de se tromper, vous conviendrez monsieur le ministre que c’est enrichissant pour la société d’investir dans la formation universitaire de nos jeunes.

Et qui dit enrichissement, pour parler le langage des financiers, dit retombées économiques. Bon an mal an d’ailleurs, chaque fois qu’un projet le moindrement important apparaît dans le paysage québécois, qu’il soit initié par le secteur public ou par le secteur privé, on nous en met plein la vue avec de savantes études sur les retombées économiques que rapportera notamment l’aide gouvernementale.

Que l’aide gouvernementale soit accordée par l’entremise de subventions, de crédits d’impôt, de prêts garantis, d’investissement dans le capital-actions ou d’autres formes d’aide… ce ne sont là que des modalités. Ce qui compte pour le gouvernement (et ses contribuables), et j’en suis sûr que c’est le cas avec le gouvernement Charest, c’est la «rentabilité» potentielle de son «investissement» dans le projet ou le programme XYZ.

Je présume qu’on s’entend là-dessus. En 2011 par exemple, le gouvernement Charest a accordé aux entreprises une aide fiscale de 3,6 milliards de dollars. Cela comprenait une aide de 2,3 milliards en divers crédits d’impôt portant sur la recherché et le développement, les ressources, la fabrication et la transformation, la production cinématographique et télévisuelle, etc.).

S’ajoute une aide fiscale de 300 millions à titre de capitalisation des entreprises financées par les fonds de travailleurs. Et au chapitre des mesures fiscales dites d’application générale, les entreprises bénéficient d’allègements fiscaux de l’ordre d’un milliard.

Dans le débat envenimé qui alimente la contestation étudiante des frais de scolarité, je crois important de rappeler que cette fabuleuse aide fiscale aux entreprises de 3,6 milliards a essentiellement un objectif financier.

Celui de permettre aux entreprises de créer des emplois, ou de les maintenir.

Je suis d’accord avec le principe. Si au bout du compte, l’aide fiscale accordée aux sociétés privées finit par rapporter à la collectivité, cela constitue de toute évidence un bon investissement.

Même chose pour les multiples programmes gouvernementaux d’aide financière directe (subventions, participations au capital-actions, prêts garantis, etc. S’ils rapportent des retombées supérieures aux sommes investies par le gouvernement, je ne vois pas pourquoi on s’y opposerait.

Revenons aux droits de scolarité à l’université. Question: pourquoi le gouvernement Charest s’entête-t-il à les augmenter? Que les droits n’aient pas connu de hausse depuis nombre d’années ne représente pas à mes yeux un argument capital.

Traiter les étudiants d’enfants gâtés qui exploitent la générosité du système québécois est carrément injuste. On oublie que ce sont eux qui, un de ces jours, vont se faire siphonner royalement le portefeuille pour entretenir financièrement les programmes gouvernementaux.

En tant que contribuable, je trouve que le gouvernement ferait un excellent «placement» en renonçant aux augmentations de droits de scolarité universitaires. Qu’il comble lui-même le manque à gagner que cela représente pour les universités.

De quelle somme parle-t-on déjà ?

Le montant des droits de scolarité pour l’année scolaire 2011-2012 est présentement de 2168$ au baccalauréat. Le gouvernement Charest a décrété que lesdits droits de scolarité annuels seront majorés à partir de l’automne prochain à raison de 325$, et ce, à chacune des quatre prochaines années universitaires, soit une hausse globale de 1625$. À l’automne de 2017, les droits de scolarité atteindront le seuil de 3793$ par an.

Cette hausse représente pour les étudiants universitaires un débours supplémentaire total de 658 millions pour les quatre prochaines années universitaires, soit 90 millions (2012-13), 144 millions (2013-2014), 193 millions (2014-2015), et 231 millions (2015-2016). Par la suite, la hausse des droits rapportera aux universités 265 millions par année.

Dans votre discours du budget du 17 mars 2011, vous écriviez:

Notre richesse véritable se trouve dans la tête de nos jeunes, dans leur volonté d’apprendre et dans notre détermination à leur fournir une éducation à la hauteur de leur immense potentiel.

L’éducation n’est pas subordonnée à l’économie. Elle se justifie en soi, par le développement humain qu’elle permet à tous et à chacun.

Cela étant, le lien n’est plus à établir entre le niveau d’instruction, la productivité et la création de richesse. Améliorer l’éducation doit être un souci constant du gouvernement, depuis le cours primaire jusqu’aux études supérieures.

À la lumière de cette déclaration, je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous êtes capable de récupérer à même les programmes d’aide financière aux entreprises les centaines de millions que vous voulez aller chercher dans les poches des étudiants.

Je vous le dis: c’est un très bon placement, du moins aussi bon que de laisser cet argent dans les coffres des entreprises. Toute autre solution que le dégel des droits de scolarité serait également bienvenue…

Michel Girard
Chroniqueur émérite de la section Affaires du quotidien La Presse,
ardent défenseur des petits investisseurs cherchant à tirer profit de ce « complexe » monde néo-capitaliste.

La Presse est propriété de l’empire financier canadien Power Corporation

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