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Dick Cheney : le terroriste américain à l’état brut

Il a simplement déclaré : «  Il ne fait aucun doute que Saddam Hussein a maintenant des armes de destruction massive ».
— Dick Cheney.

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Dick Cheney, vice-président des USA, le 20 juin 2007 Photo : Doug Mills/The New York Times
Maintenant, cela va de soi : quand quelqu’un quitte le service du gouvernement, surtout après un poste bien en vue, il écrit un livre. Tous ils le font, parfois même plusieurs. Richard Nixon en est le principal exemple en publiant une apologie en plusieurs volumes ; quand le moment vint de le mettre en terre, il avait écrit assez de livres pour remplir une bien longue étagère. Henry Kissinger fut tout aussi prolifique, ce qui conduit à s’interroger sur la relation entre activités criminelles et page imprimée. Nixon a été chassé de son poste après une série de crimes qui, à l’époque, n’avaient pas de précédent, et Kissinger est toujours si tristement célèbre qu’il ne peut se rendre à l’étranger de crainte de se faire arrêter. A eux deux, ils ont écrit assez de livres pour occuper la moitié du rayon Sciences politiques de toutes les librairies du pays, peut-être pour essayer, en vain, de trouver des justifications aux dommages irréparables que leurs actes ont causé à la république.

A propos de dommages à la république, Dick Cheney vient de sortir ses mémoires (*). Je suis sûr que maintenant vous en avez entendu parler ; il en a fait la promotion en annonçant que son contenu allait faire exploser des têtes à Washington, ce qui en a conduit beaucoup qui doivent être mieux informés maintenant à dire, « Ouh ! ça devrait être bon ». Or ça ne l’est pas ça, mais pas du tout, et je dois vous avouer que j’ai été très près de prendre la fuite… pas à cause de son contenu, mais parce que je me confrontais à la réalité rance d’un Dick Cheney libre et non condamné, apparaissant sur la scène publique une fois encore.

S’il y avait la moindre justice dans ce pays dérangé, Dick Cheney aurait écrit ses maudites mémoires égocentriques éclairé par une ampoule nue au fond d’une cellule de prison fédérale. S’il y avait la moindre justice, Mr Cheney aurait à se confronter avec la « Son of Sam Law » (Loi Fils de Sam) qui selon World Law Direct « se réfère à ces lois qui visent à éviter que les criminels ne profitent financièrement de leurs crimes, souvent en vendant leurs propres mémoires à des éditeurs. De telles lois autorisent souvent l’État à saisir l’argent gagné avec de tels contrats et s’en sert pour indemniser les victimes du criminel ».

Le Fils de Sam, allias David Berkowitz, a tué six personnes et blessé plusieurs autres au cours de sa célèbre folie de tout un été à New York. Berkowitz est un minable absolu à côté de Dick Cheney, dont les actes ont directement causé des morts et des blessés se comptant par centaines de milliers. En fait, il est même responsable de meurtres qui se poursuivent encore aujourd’hui. S’il y avait une justice, quels que soient les profits qu’il tirera de ses mémoires, ils seraient répartis entre les familles des soldats tués et blessés qu’il a envoyés faire la guerre en Irak, entre les familles des civils irakiens tués et blessés, entre les Américains comme Valerie Plame et bien d’autres agents des renseignements qui eurent leur vie détruite par huit ans de saccages de Cheney, grâce à notre système de gouvernement (agent de la CIA, Valerie Plame fut grillée publiquement, quelques mois après le début de la guerre en Irak, par un conseiller de Cheney qui avait balancé son nom à la presse – ndt).

Certes, cela reviendrait à remettre une somme bien dérisoire à chaque partie lésée – il y en a tant ! – mais ce serait une sorte de justice tout de même, quelques cents de bénéfice qui n’iraient pas dans les poches déjà bien pleines de Dick Cheney.

Hélas, les générations à venir seront contraintes de compter avec l’un des grands et durables échecs de l’Administration Obama : le simple fait incroyable que Dick Cheney soit toujours libre. Lui et ses acolytes ont commis des crimes suffisamment éhontés pour occuper deux procureurs fédéraux pendant les vingt ans à venir, et pourtant, Mr Cheney n’est nullement inquiété par le système judiciaire qu’il a si énergiquement dédaigné. D’après Wikileaks, non seulement l’Administration Obama n’a demandé aucun compte à Cheney, mais elle a œuvré fermement, en coulisses, pour s’assurer que cela ne lui arrive jamais.

Et donc nous voilà avec Dick et ses mémoires, et encore une fois avec une autre dure leçon de la carence de la justice. Il va tirer un peu d’argent de son livre, qu’il pourra déposer en banque à côté des millions qu’il a gagné indécemment chez l’infâme profiteur de guerre Halliburton (multinationale de services aux entreprises d’exploitation pétrolière, basée à Houston, Texas, et dont Cheney fut le PDG de 1995 à 2000 – ndt). Et il continuait d’être payé par Halliburton pendant ses fonctions au gouvernement. Vous vous rappelez ? Ils ont appelé cela une « pension retraite différée », un chèque annuel avec six zéros à gauche de la virgule, et pendant ce temps, Cheney dirigeait purement et simplement vos impôts sur les coffres de la Halliburton sous une bourrasque de mensonges sur des armes de destruction massive en Irak.

Il y a tant à se souvenir à propos de Dick Cheney du temps où il était au gouvernement. Il y a eu le Bureau des projets spéciaux qu’il avait créé pour pouvoir inventer les mensonges les plus efficaces possibles sur l’Irak, sur les ADM, et sur le 11 Septembre. Il y a eu les tortures à Abu Ghraib et ailleurs, ce qu’il appelait le « côté obscur » (de la politique – ndt) et qu’il a défendu avec beaucoup de vigueur. Il y a eu son refus de prendre en compte les assignations à comparaître du Congrès, ordonnées légalement, et aussi son attachement à l’idée d’un « Exécutif unitaire » qui n’est redevable de rien ni à personne. Il y a eu son vaste projet pour espionner sans mandat des millions d’Américains, projet qu’il a voulu maintenir même après qu’il fut déclaré illégal. Il y a eu (et qui dure encore) le programme de détention à durée indéterminée sans procédure judiciaire régulière, qui fut son bébé, et il y a eu sa protection de son copain, l’agent double et criminel Ahmed Chalabi (placé par les USA à la tête du Congrès irakien pour légitimer l’invasion de l’Irak en 2003, c’est lui qui diffusa les fausses informations sur la présence d’ADM et d’Al-QaIda en Iraq- ndt).

Il y a eu tout cela, et bien plus encore, mais il y a un fait qui se démarque dans mon esprit, par-dessus tout. Ce n’est qu’un accent dans la symphonie des méfaits que Cheney a commis depuis son bureau, et qui fut à peine remarqué à l’époque, mais je ne l’oublierai jamais.

C’est une simple chose, vraiment : les Archives nationales, en vertu de deux lois fédérales distinctes, doivent recevoir chaque année les documents officiels de la Branche exécutive, aux fins d’informer les futurs historiens, chercheurs et officiels de gouvernement. Ce n’est, normalement, qu’une obligation sans problème, un petit pignon dans tout le rouage gouvernemental, mais pas cette fois.

Dick Cheney a dit non. Non, vous n’aurez pas le moindre document du bureau du vice-président, et pour une bonne raison : le bureau du vice-président, parce que c’est moi qui le dis, ne fait pas partie de la Branche exécutive.

Cela mérite d’être écrit une seconde fois : Dick Cheney a effectivement prétendu, à visage découvert et devant tout le monde, que le bureau du vice-président ne faisait pas partie de la Branche exécutive. L’impudence absolue qu’il fallait pour proférer une telle affirmation, spécialement après avoir tant parler de l’« Exécutif unitaire », est sans pareille dans l’histoire moderne des États-Unis.

Ca, et rien que ça, c’est ce que vous devez savoir à propos de l’individu. Dick Cheney est le terroriste à l’état brut des États-Unis, un terroriste qui non seulement manque au respect des lois et gouvernement américains, mais qui a passé huit ans à œuvrer activement dans un bureau pour détruire et démanteler les fonctions de ce gouvernement. Il a saccagé le lieu, délibérément et avec préméditation, parce qu’il haïssait la loi, et le gouvernement qu’elle soutenait, et il nous faudra beaucoup de temps pour nous remettre de ses méfaits. Il est directement et personnellement responsable de milliers de morts et blessés. Si ce n’est pas du terrorisme à l’état brut, alors ce mot n’a aucun sens.

Dick Cheney a du sang sur les mains, mais il va encore rester libre pendant un temps imprévisible, parce que l’Administration qui a suivi manque d’honneur, d’intégrité et de cœur au ventre pour s’attaquer à ce qu’il a fait. Jusqu’à ce qu’une telle confrontation se produise, tout ce que je peux dire, c’est de rappeler à Mr Cheney, et à qui veut l’entendre, qu’une autre justice, si Dieu le veut, lui sera opposée, un jour.

Il n’y aucune prescription pour l’assassinat, et assassiner, c’est exactement ce qu’il a fait.

(*) : In My Time : A Personal and Political Memoir

31 août 2011 – Truthout – traduction : JPP

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