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Des résistances aux alternatives : mise en perspective historique de l’altermondialisme

Deux grandes tendances opposées sont en action à l’échelle internationale. La tendance qui domine aujourd’hui, à l’œuvre depuis 25 à 30 ans, consiste en la poursuite de l’offensive capitaliste néolibérale et impérialiste. Dans les dernières années, cette tendance s’est exprimée par le recours de plus en plus fréquent à des guerres impérialistes, notamment pour la conquête de champs pétroliers, par l’augmentation de l’armement des grandes puissances, par le renforcement de l’ouverture commerciale des pays dominés, par la généralisation des privatisations, par une attaque systématique contre les salaires et les mécanismes de solidarité collective conquis par les travailleurs. Tout cela fait partie du Consensus de Washington. Ces politiques s’appliquent à la fois dans les pays les plus industrialisés et dans les pays en développement.

Par Éric TOUSSAINT

Une contre tendance, certes très faible à l’échelle mondiale, se développe depuis la fin des années 1990. Celle-ci s’est exprimée de plusieurs manières : l’élection de présidents prônant une rupture avec le néolibéralisme (ce cycle a commencé avec l’élection de Hugo Chavez fin 1998) ou tout au moins un aménagement de celui-ci ; la suspension du paiement de la dette extérieure publique due aux créanciers privés par l’Argentine à partir de fin décembre 2001 jusqu’à mars 2005 ; l’adoption de nouvelles constitutions démocratiques par des Assemblées constituantes au Venezuela, en Bolivie et en Equateur ; le renforcement des liberté civiles et politiques et une avancée dans la garantie des droits économiques, sociaux et culturels ; le début de la récupération du contrôle de l’Etat sur de grandes entreprises publiques (le pétrole vénézuélien – PDVSA [1]), sur les ressources naturelles (l’eau, le pétrole et le gaz naturel en Bolivie) et sur des services essentiels (production/distribution de l’électricité et des télécoms au Venezuela) ; la réduction de l’isolement de Cuba ; l’échec de l’ALCA (le traité de libre commerce que Washington voulait imposer à l’ensemble de l’Amérique) ; le début de l’ALBA (alternative bolivarienne des Amériques) et le développement d’accords commerciaux et de troc entre le Venezuela, Cuba et la Bolivie… ; le renforcement de Petrocaribe qui permet à des pays de la Caraïbe non exportateurs de pétrole d’acheter le pétrole vénézuélien avec une réduction de 40% par rapport au prix du marché mondial ; la sortie de la Bolivie du CIRDI (le tribunal de la Banque mondiale sur les investissements) ; l’expulsion du représentant permanent de la Banque mondiale en Equateur ; l’annonce de la fin de la base états-unienne de Manta en Equateur prévue pour 2009 ; le lancement de la Banque du Sud.

Cette contre tendance serait inconcevable sans les puissantes mobilisations populaires qui se sont opposées en Amérique latine à l’offensive néolibérale dès les années 1980 (avril 1985 à Saint Domingue, février 1989 à Caracas) à différents endroits de la planète et qui ont explosé depuis de manière périodique. La survie de Cuba, malgré le blocus et les agressions de la part de Washington, a contribué également à la naissance de cette contre tendance car elle est un exemple vivant de la possibilité de tenir tête à la première puissance économique et militaire mondiale.

La résistance que rencontre l’impérialisme en Irak, en Palestine et en Afghanistan joue également un rôle fondamental car il est difficile pour les Etats-Unis de réaliser une intervention militaire directe en Amérique latine [2] tant qu’il doit maintenir un très important corps expéditionnaire au Moyen Orient et en Asie centrale.

Nous sommes à la veille de 2015, année au cours de laquelle doivent être atteints les timides Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) fixés par les Nations Unies en septembre 2000 [3] : seule une poignée d’années nous en sépare et le panorama qui se présente est très inquiétant.

Manifestement, les conditions de vie d’une partie significative des populations se dégradent, tant dans les pays les plus industrialisés que dans les autres parties du monde. Cette dégradation porte sur les revenus, l’emploi, la santé, l’alimentation, l’environnement, l’éducation et l’accès à la culture. Elle concerne l’application des droits fondamentaux des personnes soit en tant qu’individus soit en tant que collectivités. Les dégradations sont manifestes au niveau des équilibres écologiques, dans les relations entre les États et les peuples, avec un recours à l’agression militaire de la part des grandes puissances. Les États-Unis ne sont pas les seuls agresseurs, ils ont des alliés en Europe où plusieurs pays ont participé – ou participent activement encore – à l’agression contre l’Irak et l’Afghanistan. Sans oublier le terrorisme d’État exercé par le gouvernement d’Israël notamment à l’égard du peuple palestinien et l’intervention des autorités russes contre le peuple tchétchène.

Des phénomènes de barbarie s’expriment tous les jours sous nos yeux

Les marchandises, les services, les capitaux et les informations circulent sans entrave à l’échelle planétaire alors qu’on empêche les humains des pays appauvris de se rendre dans les pays riches. Accorder aux capitaux et aux marchandises la liberté totale de circulation et la nier aux êtres humains constitue une expression de la barbarie contemporaine.

En Europe occidentale et aux Etats-Unis, ce qui est particulièrement répugnant, c’est le déni de justice par rapport aux demandeurs d’asile.

Il est écoeurant d’entendre nombre de dirigeants politiques, y compris à gauche, accréditer l’idée selon laquelle on ne peut pas accueillir toute la misère du monde et donc que dans cette optique, il est finalement légitime de refuser massivement le droit d’asile dans les pays du Nord avant d’expulser de manière collective les personnes déboutées de ce droit ou de leur interdire l’entrée du territoire concerné. Pensons aux personnes tuées par balles alors qu’elles voulaient franchir les barrières de l’Union européenne dans les enclaves espagnoles du Maroc en 2005. Pensons aux milliers de personnes qui perdent la vie en essayant de franchir le détroit de Gibraltar ou de rejoindre les îles Canaries. Ce phénomène n’est évidemment pas propre à l’Europe. On sait ce qui se passe à la frontière sud des États-Unis sur le Rio Grande.

Pendant ce temps, la concentration de richesse au profit d’une infime minorité de la population mondiale atteint des sommets jamais égalés dans l’histoire de l’humanité. Quelques milliers de capitalistes américains, européens, chinois, indiens, africains concentrent une fortune supérieure au revenu annuel de la moitié des habitants de la planète. C’est aussi de la barbarie.

Le fossé entre les pays riches et les pays appauvris se creuse sans cesse. C’est inacceptable.

Ces formes de dégradation et ce déni de justice ne pourront pas être résorbés si le cours politique n’est pas inversé

2015 correspond à la date butoir pour des objectifs du millénaire bien trop modestes et dont aucun ne touche à la racine des problèmes : l’inégalité de la distribution de la richesse et la logique du profit privé. Dans de nombreux pays, non seulement on ne se rapproche pas des objectifs du Millénaire, mais on s’en éloigne. Le constat est tout à fait inquiétant et, dès lors, il faut se demander si il existe des forces suffisamment puissantes pour contrecarrer la tendance historique en cours.

Cette tendance historique remonte à plus de trente ans, soit une génération humaine. Le coup d’État militaire de Pinochet au Chili, en 1973, a servi de laboratoire pour la mise en place de politiques néolibérales qui se sont progressivement généralisées à l’Europe occidentale – avec Margaret Thatcher en 1979 –, à l’Amérique du Nord – pendant la présidence de Ronald Reagan de 1981 à 1988 – et au reste de la planète avec notamment la restauration du capitalisme en Russie et en Chine.

L’avènement de forces historiques d’opposition

Y a-t-il des forces historiques capables de contrecarrer cette emprise progressive du néolibéralisme ? La réponse est oui. Si certains en voient l’origine en 1999 avec la bataille de Seattle contre l’OMC, il semble plus approprié de considérer plusieurs dates antérieures comme autant de jalons sur le chemin des résistances à la globalisation néolibérale. L’année 1989 est importante à ce titre : dans un premier temps, elle a été perçue seulement comme l’année de la chute du mur de Berlin qui, bien sûr, revêt une importance historique. La chute du mur correspondait à la fin de la caricature de socialisme bureaucratique stalinien, une version totalement dévoyée du socialisme qui, lui, est un projet émancipateur. Mais 1989, c’est aussi l’énorme soulèvement populaire au Venezuela le 27 février contre l’application du plan d’ajustement concocté par le FMI et le régime en place. Les changements en cours depuis 10 ans au Venezuela ne peuvent être compris qu’en prenant en compte cette date de février 1989. L’année 1989, c’est aussi la commémoration du bicentenaire de la Révolution française et l’impressionnante mobilisation contre le G7 réuni cette année-là à Paris sous le signe de la lutte pour l’annulation de la dette du tiers-monde [4].

Deuxième grand jalon dans la montée des résistances au capitalisme néolibéral : 1994. Trois événements importants ont eu lieu cette année-là :

1 – Le 1er janvier 1994, la rébellion zapatiste explose au Chiapas. Là s’exprime un acteur qui luttait depuis des siècles contre l’occupant espagnol et les régimes d’oppression qui lui ont succédé. Ce peuple indigène (les Mayas) a mis en avant des revendications fondamentales. Dans un langage universel, il s’est adressé à l’ensemble de la planète par la voix notamment du sous-commandant Marcos. Cela dépasse largement sa personne et ses caractéristiques personnelles. Il est devenu l’expression d’un mouvement plus profond car les Indiens du Chiapas n’étaient pas seuls à mener ce combat : ceux d’Équateur s’étaient réunis notamment au sein de la Confédération des nations indigènes d’Équateur (la CONAIE). Et, en 2005, Evo Morales, indien aymara, dirigeant politique et syndical, est le premier leader indien à être élu président d’un pays d’Amérique latine[ [5].

L’an 1994 marque donc l’explosion de la lutte d’un peuple natif qui remet en cause le traité de libre commerce entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ainsi que la contre réforme agraire imposée par le président néolibéral Carlos Salinas de Gortari[ [6]. L’armée zapatiste de libération nationale (EZLN) déclare la guerre au gouvernement mexicain de manière « pacifique », sans effusion de sang. En substance, l’EZLN affirme : « Nous nous soulevons et prenons les armes mais nous souhaitons ne pas nous en servir. » Ce n’est pas la dernière expérience de guérilla du 20e siècle, mais plutôt la première expérience d’un type nouveau de guérilla du 21e siècle.

2 – C’est aussi en 1994 qu’on « célèbre » le 50e anniversaire de la fondation de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). L’événement est commémoré par un énorme rassemblement de contestation à Madrid. Cette manifestation intitulée « Les Autres Voix de la Planète » a inspiré plus tard des mouvements sociaux français qui, dans la mobilisation contre le G-7 à Lyon en 1996, ont mis en place des collectifs du même nom [7]. L’initiative espagnole réunissait des ONG, des mouvements comme « la plateforme 0,7 » où des jeunes luttaient pour que leur pays consacre 0,7 % du PIB à l’aide publique au développement, le CADTM [8] et aussi des syndicats, des mouvements féministes, des mouvements écologistes. Déjà, à l’occasion de ce contre-sommet, s’alliaient toute une série de mouvements qui, plus tard, allaient se retrouver à Seattle en 1999, puis à Porto Alegre en 2001, etc.

3 – Troisième moment fort de 1994 : l’éclatement de la crise « Tequila » à nouveau au Mexique. Il faut rappeler qu’en 1993-1994, on nous parlait du miracle asiatique, du miracle mexicain, du miracle tchèque pour les pays de l’Est. On parlait des pays émergents et de leurs grands succès. La crise « Tequila » a secoué toute l’Amérique latine. C’est le début d’une grande crise financière qui a frappé successivement l’Asie du Sud-Est en 1997-1998, la Russie en 1998, le Brésil en 1999, l’Argentine et la Turquie en 2000-2001. Si l’année 1989 marque le début d’une résistance massive et tenace en Amérique latine contre les politiques néolibérales, 1994 constitue un tournant en termes d’expression de nouvelles formes de résistances, de nouvelles alliances et de la crise du modèle néolibéral, et 1999 rend visible à l’échelle mondiale et en temps réel la possibilité de lutter victorieusement contre l’OMC, un organisme planétaire qui symbolise la volonté de transformer toutes les relations humaines en marchandises. Ces jalons s’insèrent dans un ensemble plus large de résistances ainsi que de recomposition sociale et politique.

De nouvelles résistances un peu partout

Au cours des années 1990, après une première période conduite par des Pinochet, Thatcher et autres Reagan, apparaissent de nouvelles formes de résistances, à divers endroits de la planète. Grâce à différents acteurs qui s’expriment alors, on commence à remplir le vide laissé par la crise du mouvement ouvrier traditionnel.

En construction au 19e siècle, puis consolidé peu à peu, ce mouvement ouvrier a dominé la scène des luttes d’émancipation au cours du 20e siècle dans une majorité de pays de la planète. Les luttes de la Résistance en Europe pendant la seconde guerre mondiale et la Libération, les conquêtes qui ont suivi la victoire contre le nazisme et le fascisme étaient largement conduites par ce mouvement ouvrier appuyés par de forts bastions dans la classe ouvrière industrielle. Mis à mal par l’offensive néolibérale des années 1970-1980, ce mouvement ouvrier entre en crise. Presque toutes les directions des grandes organisations syndicales sont tellement bureaucratisées et adaptées au système capitaliste qu’elles agissent essentiellement comme un frein aux luttes et à la radicalisation. De nouveaux syndicats issus de scissions des grandes organisations traditionnelles naissent et jouent un rôle d’aiguillon mais ils peinent à se renforcer car ces bureaucraties leur opposent de puissants obstacles. A l’intérieur des grands syndicats, des secteurs plus à gauche que la bureaucratie centrale jouent aussi un rôle salutaire. Ceci dit, bien qu’affaiblis et anesthésiés, les salariés du secteur public et du secteur privé se lancent périodiquement dans des luttes de grande ampleur. C’est le cas de l’Europe occidentale où l’on connaît de grandes mobilisations sociales auxquelles le mouvement syndical participe activement (Italie, France, Allemagne, Grèce, Portugal, Espagne…). C’est le cas de l’automne 1995 en France : les salariés sont entrés en mouvement et se sont débarrassés du Premier ministre, Alain Juppé, ce qui, dans la lancée, a amené Lionel Jospin à retirer la France des négociations jusque-là secrètes sur l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), faisant ainsi capoter un jalon important de l’offensive néolibérale. C’est aussi le cas de plusieurs pays d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Nord.

On voit aussi surgir dans les années 1990 des acteurs qui étaient auparavant dans l’ombre. C’est à l’échelle de la planète que vont s’imposer les mouvements paysans : création du Mouvement des sans terre en 1984 au Brésil, création de l’organisation paysanne internationale Via Campesina en 1992, émergence de la figure emblématique de José Bové à partir de Seattle, renforcement du mouvement syndical des producteurs de la feuille de coca dirigé par Evo Morales en Bolivie, nombreuses luttes des mouvements paysans en Inde, en Corée du Sud et à d’autres endroits de la planète.

Qui aurait imaginé dans les années 1960 dans les pays les plus industrialisés que des paysans allaient jouer un rôle d’aiguillon du nouveau combat altermondialiste ? Ce mouvement est devenu un acteur extrêmement important dans la résistance à l’offensive néolibérale et à la marchandisation du monde, au brevetage du vivant. Il a mis en avant des revendications notamment autour des biens communs : l’eau, la terre, les semences… Ces revendications ou ces valeurs ne sont pas nouvelles en soi mais le sont dans la manière de les présenter parce que, classiquement, les acquis de la Libération, le renforcement des services publics, ne présentaient pas la question des biens communs comme un objectif à atteindre. Si on avait renforcé l’accès à certains biens communs dans l’après seconde guerre mondiale, avec l’offensive néolibérale, ils sont complètement mis à mal et on redécouvre la nécessité de les défendre, ou de les reconquérir.

Il faut aussi prendre en compte les mouvements indigènes car on voit aussi des peuples indigènes repartir à l’offensive. En Bolivie, par exemple, des années 1940 aux années 1960, l’avant-garde du peuple bolivien, ce sont les mineurs indiens et leurs syndicats. Une grande partie des mines ayant été fermées dans les années 1980, ce sont les Indiens, notamment cultivateurs de coca, qui constituent le mouvement à la fois paysan et indigène. On a vu les mineurs, retraités ou ayant perdu leur emploi, faire front avec le mouvement indigène et paysan : une nouvelle alliance s’est mise en place.

On pourrait aussi parler du mouvement des femmes relancé avec la Marche mondiale des femmes en l’an 2000 ; de différents mouvements de jeunes qui ont connu une grande ampleur au début des années 2000 (Pérou [9], Mexique [10], Etats-Unis [11], Italie [12], Espagne [13], France [14], Grèce [15], Chili [16]…).

Il y a aussi dans les forces nouvelles les « nouveaux prolétaires » ou les nouveaux exclus. La révolte des banlieues en France en novembre 2005 (qui a eu une légère extension en Belgique et en Allemagne) et, à plus petite échelle fin novembre 2007, est la révolte des nouveaux prolétaires. Il ne s’agit pas tant de ceux qui sont exploités en usine dans un contexte industriel, quoiqu’une partie d’entre eux le soient. Les jeunes des banlieues qui se sont soulevés à l’automne 2005 sont des prolétaires au plein sens du terme : ils ne sont pas propriétaires de leur outil de travail, ils doivent chercher à louer leurs bras et leur cerveau pour vivre et soutenir leur famille. Ils vivent dans des conditions précaires et sont souvent victimes du racisme.

Un défi : la jonction avec les rebelles

Les jeunes des banlieues sont une sorte de nouveau prolétariat qui cherche et trouve des voies pour s’exprimer avec des modes d’action adéquats. On peut regretter la forme que cette révolte a prise (des centaines ou des milliers de voitures individuelles incendiées), mais c’est un défi fondamental pour les mouvements de citoyens organisés, pour les mouvements syndicaux, de pouvoir faire la jonction avec ce type de rébellion. Ce n’est pas facile mais, dans le cadre fragmenté que nous vivons, si cette jonction ne se fait pas, on ne voit pas comment les acteurs qui dans les pays du Nord s’opposent à l’offensive néolibérale pourraient réellement vaincre. Dans les pays d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord, ceux qui ont la chance d’avoir un emploi ou une retraite garantie et l’énergie pour se battre parce qu’ils sont encore en pleine santé (les gens qui atteignaient l’âge de la retraite il y a 40 ou 50 ans n’avaient pas les mêmes possibilités) doivent impulser une nouvelle alliance sociale. Si les salariés de 20 à 60 ans et retraités dans les secteurs organisés ne trouvent pas le moyen de faire ensemble la jonction avec les sans voix, avec les nouveaux prolétaires, pour un puissant mouvement contestataire de remise en cause fondamentale de la société, il sera difficile, dans les pays les plus industrialisés, de réaliser un changement radical. En effet, tout changement a toujours largement dépendu de la jeune génération, celle qui est dans les écoles, dans les universités, celle qui est au chômage ou déjà au travail. La jeunesse s’est exprimée victorieusement en France dans le cadre du mouvement contre le CPE (contrat première embauche) du printemps 2006, mais elle s’exprime aussi dans les banlieues.

De multiples secousses révolutionnaires ont ébranlé le monde depuis le 18e siècle

De grands bouleversements révolutionnaires ont eu lieu à différents endroits de la planète aux 18e et 19e siècles. Les révolutions de la fin du 18e siècle en France, aux Etats-Unis et à Haïti ont eu des répercussions internationales considérables et durables, notamment en Amérique latine où se développent au début du 19e siècle les guerres d’indépendance. En 1848, des explosions révolutionnaires éclatent dans plusieurs pays européens. Trois ans plus tard, c’est au tour de la Chine. En 1851 débute la rébellion des Taiping contre la dynastie Qing. « Dès les premiers jours, ils procédèrent à une redistribution des terres, émancipant les femmes et prônant des formes de communauté dans lesquelles certains commentateurs ont voulu voir ultérieurement une forme de socialisme autochtone », souligne l’historien Christopher Bayly [17]. Quelques années plus tard éclate, en 1857, en Inde, la rébellion contre l’occupant britannique. Initiée par la mutinerie des Cipayes, ces soldats autochtones au sein de l’armée du Bengale de la Cie des Indes orientales, elle dure deux ans et prend des formes radicales. Alors que les gouvernements européens s’entendent pour réprimer la vague révolutionnaire en Europe, alors que Londres écrase la rébellion en Inde et que Londres et Washington proposent au pouvoir chinois de l’aider à venir à bout de la révolte des Taiping, du côté des peuples, il n’y a encore aucune organisation internationale capable de mettre en relation ces luttes afin de les renforcer.

Un peu avant le printemps 1848 au cours duquel se développe une vraie dynamique européenne de révolution, Karl Marx avait lancé « un spectre hante l’Europe », il parlait du communisme. Avec Friedrich Engels et différentes forces politiques, il se lance dans la création de l’Association internationale des travailleurs. Quatre internationales sont créées entre la seconde moitié du 19e siècle et la première moitié du 20e [18].

Au 20e siècle, les révolutions ont secoué la Russie en 1905 et en 1917, le Mexique de 1910 à 1917, l’Allemagne (1918-1923), l’Italie (1918-1919), l’Espagne (1936-1939) la Chine (1949), Cuba (1959), l’Algérie (1954-1962), le Nicaragua (1979), etc. L’offensive néolibérale et la restauration du capitalisme dans l’ex-bloc soviétique et en Chine ont fortement réduit la perspective révolutionnaire. Mais les foyers de résistance au néolibéralisme et au capitalisme n’avaient pas disparu. A partir des années 1990 émerge un mouvement de résistance qui réussit à s’internationaliser.

Le processus du Forum social mondial

La nouvelle alliance qui émerge s’exprime en partie par le processus du Forum social mondial qui a des caractéristiques nouvelles par rapport aux organisations internationales de gauche des périodes précédentes de l’Histoire. Il est nettement moins radical que les quatre internationales qui se sont succédé aux 19e et 20e siècle. Le traumatisme laissé par la dégénérescence bureaucratique des expériences du socialisme du 20e siècle, du goulag à la restauration du capitalisme dans le bloc du « socialisme réel », y est pour beaucoup. La force de l’offensive capitaliste est aussi à prendre en compte.

Le Forum social mondial est un jalon dans la constitution d’un vaste mouvement de résistance internationale qui est en pleine évolution. Ce mouvement est hétéroclite et n’a pas d’épicentre. Toutes les composantes de la résistance multiforme ne se reconnaissent pas nécessairement dans le Forum social mondial.

Le FSM n’a rien de miraculeux

Ceci dit, il ne faut pas analyser le Forum social mondial uniquement sous ses aspects novateurs et positifs, car il a des limites de plus en plus évidentes. D’abord, comme indiqué plus haut, il ne représente pas l’ensemble des mouvements de résistance globale. Deux exemples : les zapatistes du Mexique n’en font pas partie, les luttes de résistance en Chine n’ont pas de lien avec le FSM. Ensuite, la notion de stratégie alternative n’en est qu’à ses débuts et le vieux débat entre réformateurs et révolutionnaires n’est pas clos. Faut-il rompre avec le système ou seulement l’aménager et revenir à des mécanismes de régulation avec un capitalisme plus civilisé ? Ce débat est toujours bien présent et il va sûrement reprendre vigueur. Il peut diviser le mouvement, qui est actuellement l’expression d’une alliance entre différents mouvements plus ou moins radicaux sur la base d’une charte de principes [19]. En général, ces mouvements sont d’accord sur une série de revendications de base qui vont de la taxe Tobin à l’annulation de la dette du tiers-monde en passant par la lutte contre les paradis fiscaux, le refus du patriarcat, la volonté de paix et de désarmement, le droit à la diversité sexuelle… Mais s’il y a accord pour se battre ensemble sur ces revendications, comment atteindre ces objectifs, sans parler d’objectifs plus fondamentaux et radicaux ? Cet autre monde possible, que nous appelons de nos vœux et qu’on voudrait très vite réaliser pour que les jeunes générations puissent le vivre réellement (pas simplement en rêver ou en proclamer le désir), quel est-il ? Des débats stratégiques doivent être menés à ce sujet. Il faut à la fois débattre de l’alternative et des moyens d’y arriver. On ne peut pas en faire l’économie.

Une évolution négative est en train d’hypothéquer l’avenir du FSM. Le succès rencontré par les différentes réunions mondiales, qui ont réuni chaque fois plusieurs dizaines de milliers de participants et de délégués (et dans certains cas plus de 100 000 participants comme à Mumbai en 2004 et à Porto Alegre en 2005), a transformé une partie de ses protagonistes en organisateurs d’évènements et en collecteurs de fonds. Leur vision de l’alternative se limite largement à l’humanisation de la mondialisation. Les mouvements sociaux et les campagnes internationales elles-mêmes, traversées par les débats entre radicaux et modérés, n’arrivent pas à peser suffisamment sur l’avenir du FSM. La montagne risque d’accoucher d’une souris et le Forum Social mondial risque de s’enliser dans l’organisation d’une succession de réunions.

D’où peut venir le changement ?

Parmi les forces qui agissent vers le changement, des mouvements de résistance s’expriment dans tous les secteurs géographiques de la planète, même dans un pays qui est, pour le moment, tout à fait à la marge du processus des forums sociaux : la Chine. Ce pays est en train de connaître des luttes sociales extrêmement importantes. Elles ne sont pas sans rappeler la fin du 19e et le début du 20e siècle. Face à un capitalisme sauvage, y émergent des formes de résistances ouvrières ou citadines qui évoquent ce qu’on a connu en Europe et aux Amériques il y a un siècle. Une différence fondamentale rendra peut-être très difficile la naissance d’un projet révolutionnaire en Chine : le socialisme et le communisme sont victimes d’un terrible discrédit car c’est en leur nom que les autorités chinoises ont dirigé le pays jusqu’à aujourd’hui. Le discrédit porté sur le socialisme est terrible, la perte de repères est évidente et le dégoût pour la politique risque d’être durable.

En fait, le changement tant souhaité peut venir de n’importe quel endroit de la planète.

Le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur : acteurs de changement

Mais si on parle de changement de type révolutionnaire, le Sud semble à l’heure actuelle être un cadre plus propice que le Nord. Ce qui, aujourd’hui, est le plus novateur et pourrait nous rapprocher de grands changements, ce sont les expériences vénézuélienne, bolivienne et plus récemment équatorienne. Bien sûr, il ne faut pas les idéaliser et garder un esprit critique. Les dérives sont possibles, le risque de ne pas aller vers une véritable redistribution de la richesse guette ces expériences qui sont soumises à de très fortes résistances des capitalistes à l’intérieur et à l’extérieur, sans parler des pressions des gouvernements de pays les plus industrialisés et de leurs alliés dans la région (les régimes d’Alvaro Uribe en Colombie et d’Alan Garcia au Pérou). Ces trois expériences ne se réduisent pas au rôle d’Hugo Chavez, d’Evo Morales ou de Rafael Correa, bien que ces trois figures soient extrêmement importantes. Elles jouent jusqu’ici un rôle positif dans le processus et elles sont l’expression de puissants mouvements en cours dans leurs pays. Mais Evo Morales ne serait pas là sans les grandes mobilisations de Cochabamba d’avril 2000 contre la privatisation de l’eau et le mouvement de plus grande ampleur encore de janvier et février 2003 contre la privatisation du gaz naturel. Chavez n’aurait pas accédé à la présidence en 1998 s’il n’y avait pas eu l’énorme émeute anti-FMI de 1989 et la puissante résistance des Vénézuéliens. Rafael Correa n’aurait pas été élu sans les dix années de luttes qui ont précédé et qui ont abouti à la chute de quatre présidents de droite [20].

Ces trois pays donnent l’exemple parce que le mouvement y a trouvé une expression du côté gouvernemental. Les trois gouvernements ont repris l’initiative du point de vue des biens communs : la Bolivie a repris le contrôle sur le gaz, le pétrole et l’eau, le Venezuela a assuré le contrôle public sur la production pétrolière et a mis les revenus du pétrole au service d’un nouveau projet social dans le cadre d’une redistribution à l’échelle régionale. Le Venezuela a signé des accords avec les pays non exportateurs de pétrole de la région et leur vend le pétrole à un prix inférieur à celui du marché mondial. Par ailleurs, Cuba, dont 20 000 médecins travaillent volontairement au Venezuela pour fournir des soins de santé gratuits à la population, a développé avec ce pays et la Bolivie des relations de coopération tout à fait intéressantes. Il s’agit d’une certaine forme de troc entre des pays dotés de capacités différentes, d’histoires différentes et de modèles politiques différents. L’Equateur est en pleine réforme constitutionnelle, cela peut déboucher sur une avancée significative de la démocratie politique de ce pays. Par ailleurs, le président équatorien a affirmé à plusieurs reprises une volonté de remettre en cause le paiement de dettes illégitimes et a mis en place une commission d’audit intégral de la dette publique interne et externe.

L’expérience actuelle vécue dans ces trois pays andins ne manque vraiment pas d’intérêt. La référence au combat de Simon Bolivar [21] marque la volonté de relier l’expérience actuelle aux expériences révolutionnaires antérieures en l’enracinant dans la réalité latino-américaine. On note aussi une volonté marquée de revendiquer les luttes d’émancipation menées pas les peuples indigènes notamment la rébellion dirigée par Tupac Amaru [22] ainsi que celle qui a eu à sa tête Tupac Katari [23]. Enfin l’apport des Africains à la richesse culturelle de pays comme le Venezuela, la Bolivie [24] et l’Equateur est aussi de plus en plus souligné.

Pousser le cours de l’histoire en faveur de l’émancipation des opprimés

D’où peuvent donc venir les forces capables d’inverser le cours des trente dernières années ? Des expériences exemplaires comme celles du Venezuela, de la Bolivie et de l’Equateur vont se combiner aux mobilisations en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique et en Asie. Cette conjonction des forces du vieux monde avec celles du nouveau monde pourrait produire un véritable tournant du cours de l’histoire. Ceci dit, rien n’est garanti. D’où l’importance pour chacun d’entre nous de prendre sa part dans l’action citoyenne.

Vers le socialisme du 21e siècle

Il n’est pas nécessaire de croire à l’effondrement du capitalisme ou à la victoire d’un projet révolutionnaire pour agir au quotidien et résister face aux dénis de justice. Dans l’Histoire, il n’y a rien d’inéluctable. Le capitalisme ne s’écroulera pas de lui-même. Même si une nouvelle grande expérience révolutionnaire n’est peut-être pas pour demain, il est raisonnable d’imaginer qu’on va repartir vers des expériences de type socialiste en conjuguant la liberté et l’égalité. Cette idée ne fait pas du tout l’unanimité dans le mouvement, dans le Forum social mondial…, mais nombreux sont ceux qui considèrent qu’il faut réinventer le socialisme au 21e siècle.

Par-delà les expériences traumatisantes du 20e siècle, par-delà la figure hideuse du stalinisme, de ce qui s’est passé en Chine ou au Cambodge avec Pol Pot, il faut renouer avec le projet socialiste émancipateur du 19e siècle et les valeurs révolutionnaires du 18e siècle et au-delà, car les luttes d’émancipation des opprimés jalonnent l’histoire de l’humanité, de Spartacus aux luttes d’aujourd’hui en passant par Tupac Amaru et les rebelles afro-descendants au Brésil menés par Zumbi. Il faut prendre en compte les apports nouveaux de multiples acteurs et de nouvelles revendications et insérer le tout dans la réalité du 21e siècle. Le socialisme du 21e siècle, c’est l’union libre des producteurs, c’est l’égalité homme/femme, c’est un projet international, une fédération de pays et de régions dans le cadre de grandes entités continentales et dans le respect des textes majeurs, des pactes internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels de 1966, une série d’instruments pour la définition des droits dans le cadre international et universel qui avaient été écrits et acquis lors de révolutions précédentes. La réalisation de ces droits fondamentaux ne pourra se faire que dans la mise en pratique créative d’un nouveau modèle de socialisme au 21e siècle. Le 21e siècle a encore plus de neuf décennies à vivre…


Notes[1] La direction de l’entreprise publique Pétrole du Venezuela SA-PDVSA créée lors de la nationalisation du pétrole vénézuélien dans les années 1970 avait progressivement favorisé les intérêts privés et Washington (dans la mesure où une grande partie des bénéfices étaient déclarés aux Etats-Unis par les filiales de PDVSA présentes dans ce pays) jusqu’au moment où le gouvernement de Hugo Chavez a repris les choses en main à partir de 2001-2002.[2] Cela n’empêche pas Washington et plusieurs gouvernements européens de chercher à déstabiliser les gouvernements bolivien, vénézuélien et équatorien notamment en soutenant les secteurs capitalistes qui dans ces pays cherchent à provoquer la sécession de territoires riches : la bourgeoisie blanche de Santa Cruz en Bolivie, de Guayaquil en Equateur, de Zulia au Venezuela. Cette stratégie de la tension est à suivre de très près car elle peut gagner de l’ampleur. La plupart des médias tendent à présenter la volonté de sécession de ces territoires les plus riches comme l’exercice d’un droit démocratique du peuple alors que cette action est menée par des secteurs minoritaires qui s’opposent aux réformes sociales car elles menacent leurs privilèges et leur contrôle sur le pouvoir et l’argent.

[3] Pour une présentation critique des OMD, voir Damien Millet et Eric Toussaint, 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM-Syllepse, à paraître durant l’été 2008.

[4] Les mobilisations contre le G7 à Paris et pour l’annulation de la dette se sont faites dans le cadre de la campagne « ça suffat comme ci » – à la base de la naissance du CADTM.

[5] A vrai dire, Evo Morales a un prédécesseur : Bénito Juarez président mexicain dans les années 1860 qui a répudié la dette publique extérieure, ce qui lui a valu l’intervention des armées européennes qui ont porté au pouvoir l’empereur Maximilien d’Autriche.

[6] Appuyé par la Banque mondiale et le FMI, celui-ci avait obtenu du congrès mexicain qu’il réforme la constitution mexicaine afin de privatiser les biens communaux (appelés en espagnol « el ejido »)

[7] Ce qui a inspiré au Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) le nom de sa revue Les Autres Voix de la planète.

[8] Voir le dossier du CADTM dédié au contre sommet in CADTM-GRESEA, Banque mondiale, FMI, Organisation mondiale du Commerce : ça suffit !, Périodique trimestriel du CADTM, 3e trimestre 1995, p. 42 à 74.

[9] Les luttes étudiantes au Pérou ont abouti à la chute du dictateur Alberto Fujimori en novembre 2000.

[10] Grève à l’université UNAM à Mexico à partir d’avril 1999, pour une durée de 10 mois.

[11] Luttes étudiantes dans les campus sur des thèmes de société et forte participation aux mobilisations antiglobalisation et antiguerre.

[12] Participation massive de jeunes aux mobilisations anti globalisation et anti guerre de 2000 à 2004.

[13] articipation massive de jeunes aux mobilisations anti globalisation et anti guerre de 2000 à 2004.

[14] Luttes des étudiants contre le contrat de premier emploi et différentes réformes universitaires. Luttes des jeunes des banlieues.

[15] Luttes des étudiants en 2006 – 2007 contre la privatisation de l’université.

[16] Luttes des lycéens, surnommés les pingouins, contre le projet de réforme du gouvernement socialiste de Bachelet en 2006.

[17] BAYLY, C.A., (2004), La naissance du monde moderne (1780-1914), Les Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, Paris, 2007, 862 pages, p. 245. La rébellion des Taiping et la répression firent, selon Bayly, 20 millions de morts. La Chine comptait 450 millions d’habitants en 1850.

[18] L’Association internationale des travailleurs (AIT), connue comme 1re Internationale, est fondée en 1864 notamment par Karl Marx et Friedrich Engels. S’y retrouvent des collectivistes dits « anti-autoritaires » (le courant international de Michel Bakounine), des collectivistes (marxistes), des mutuellistes (partisans de Pierre-Joseph Proudhon),… Collaborent ensemble des militants politiques, syndicalistes et coopérativistes. La 1re Internationale éclate après l’échec de la Commune de Paris de 1871. Dans ses statuts de 1864 (rédigés par Karl Marx), l’AIT affirme que « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». La 2e Internationale fut fondée, à l’initiative notamment de F. Engels en 1889. Influencée au départ par les idées marxistes, elle évolue progressivement vers des positions modérées. Un point de non retour est atteint lorsque les partis de la 2e Internationale prennent des positions antagoniques en août 1914 lors du déclenchement de la première guerre mondiale. La 2e Internationale existe encore aujourd’hui sous le nom d’Internationale socialiste, elle rassemble les principaux partis socialistes allant du SPD allemand au PSOE espagnol en passant par le parti du président tunisien Ben Ali (voir sur le site officiel de l’Internationale Socialiste http://www.socialistinternational.org/maps/french/fafrica.htm ), le Parti travailliste d’Israël, l’Union Civique Radicale en Argentine ou le FSLN au Nicaragua, le PS français. La 3e Internationale fondée par Lénine en 1919 devient progressivement un instrument de la politique extérieure du régime stalinien et est dissoute par Joseph Staline en 1943 (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Komintern ). La 4e Internationale a été fondée en 1938 en France par Léon Trotsky suite à la dégénérescence bureaucratique dictatoriale du régime soviétique et à l’incapacité de la 3e Internationale de lutter efficacement contre le fascisme et le franquisme. Actives dans les résistances à la mondialisation capitaliste, plusieurs organisations et courants internationaux se revendiquent de la 4e Internationale (http://fr.wikipedia.org/wiki/Quatri%C3%A8me_Internationale voir également http://fr.wikipedia.org/wiki/IV%C3%A8me_Internationale_-_Secr%C3%A9tariat_unifi%C3%A9 et www.inprecor.org/ ).

[19] Voir www.forumsocialmundial.org.br/main.php ?cd_language=3&id_menu=4

[20] Abdalá Bucaram en février 1997, Jamil Mahuad en janvier 2000, Gustavo Noboa en janvier 2003, Lucio Gutiérrez en avril 2005.

[21] Simón Bolívar (1783-1830) a été un des premiers à tenter d’unifier les pays d’Amérique latine afin d’en faire une seule et même nation indépendante. Après de longues luttes, il réussit à libérer le Venezuela, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie de la domination espagnole. Étant considéré comme un véritable héros, son nom se trouve rattaché à bien des lieux dans toute l’Amérique latine.

[22] Au 16e siècle, Túpac Amaru, inca quechua, et ses partisans combattirent sans relâche les conquistadors. Capturé par l’armée espagnole et condamné à mort, il fut écartelé sur la grande place de Cuzco, le 24 septembre 1572.

[23] úpac Katari, indien aymara (1750-1781) a mis sur pied une armée de 40.000 combattants qui a marché sur La Paz en 1781. Les autorités coloniales ont mis deux ans à venir à bout du soulèvement qui bénéficiait d’un très large soutien parmi la population indienne. Les occupants espagnols l’ont exécuté par écartèlement. Avant sa mort, il aurait dit “a mi solo me mataréis, pero mañana volveré y seré millones” (vous me tuerez mais je reviendrai incarné en multitudes). Sa figure a inspiré les luttes sociales boliviennes de ces dernières années.

[24] Voir la proposition de constitution adoptée par l’assemblée constituante en décembre 2007.


Source : Europe solidaire sans frontières – 8 février 2008


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