Le 9 octobre, lors d’une réunion publique consacrée à la petite enfance, Bertrand Delanoë est entré en campagne pour un nouveau mandat à la mairie de Paris. Mais son ambition est plus grande, et il cherche à s’imposer dans la bataille élyséenne de 2012
Par COSTA Nathalie
Personnalité politique préférée des Français, selon un sondage Ifop/Paris Match [1], le maire de Paris, Bertrand Delanoë, est en position de force. La situation a bien évolué depuis 2001, lorsqu’il lui était reproché d’être inconnu des Parisiens. Pourtant, Delanoë était loin d’être un nouveau venu à la politique. Adhérent du PS depuis 1971, il est élu au Conseil de Paris dès 1977. Ses amis se nomment Jospin, Vaillant, etc. Il fait partie de la « bande du 18e arrondissement ». Député en 1981, il est également porte-parole du PS, soit numéro trois du parti. Sénateur en 1995, il est membre du bureau national du PS depuis 1997, et il fait partie de ceux qui ont soutenu le « oui » au traité constitutionnel européen. À la dernière élection présidentielle, il s’est finalement rallié à la candidature de Ségolène Royal.
En 2008, Delanoë n’a plus rien à craindre de ses concurrents socialistes aux dernières élections municipales : Strauss-Kahn est devenu président du Fonds monétaire international (FMI) et Jack Lang planche sur les institutions pour Sarkozy. Selon un sondage, Bertrand Delanoë obtiendrait 47 % des voix au premier tour face à l’UMP Françoise de Panafieu.
Éviter que la capitale ne passe aux mains de Sarkozy serait évidemment une bonne nouvelle. Mais, si la gestion municipale de Delanoë a rompu avec le clientélisme de l’ère Chirac et Tiberi, il serait illusoire d’attendre du maire de Paris qu’il combatte les politiques ultralibérales de Sarkozy et de son gouvernement. Car, derrière le vernis social et écolo, transparaît le social-libéralisme caractérisant l’ensemble de la politique municipale.
Bertrand Delanoë a poursuivi la politique de libéralisation de la ville entamée par la droite avant lui. Ainsi, malgré un rapport publié en 2003 et accablant la précédente municipalité à propos de sa gestion du service public de l’eau, la mairie de Paris n’a pas radicalement modifié les relations avec les entreprises chargées de la distribution de l’eau, Veolia et Suez. La nouvelle équipe a même poursuivi la privatisation des services de contrôle sanitaire. Plus grave, aujourd’hui encore, la mairie de Paris refuse de s’exprimer clairement sur la question, alors que les contrats de distribution arrivent à échéance en 2009, et que la décision concernant leur renouvellement ou la remunicipalisation complète de la gestion de l’eau doit être prise par le Conseil de Paris avant les élections municipales de 2008. Si les promesses du candidat concernant la petite enfance, le transport, etc., ont été en partie tenue, c’est toujours en appliquant une politique libérale dans la ville.
Séduire les classes moyennes
La politique de Delanoë s’adresse en premier lieu aux classes moyennes avec enfants, qui émigraient en banlieue. C’est pourquoi l’une des mesures phares de son programme était la création de 5 000 places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans. Mais, sur les 4516 places (dont 1 160 en halte-garderie) ouvertes en mars 2007, 1 899 l’étaient par des associations recevant des subventions de la mairie et de la Caisse d’allocations familiales. Il s’agit de structures associatives, voire privées, où les personnels ne bénéficient pas du statut de la fonction publique. Pour l’instant, rien n’indique que la municipalisation de ces structures puisse être envisagée.
Autre cheval de bataille du maire, la politique du transport et de l’environnement répond à la même logique sociale-libérale. Les mesures prises pour diminuer la place de la voiture dans la ville l’ont été sans tenir compte des conséquences pour les personnes vivant en banlieue et travaillant à Paris. Pour inciter les Parisiens à ne pas utiliser leurs véhicules, les stationnements résidents ont augmenté en places et diminué de 80 % en coût. Le réaménagement des rues, par la création de nombreuses voies de bus particulièrement larges, a abouti à la réduction des voies de circulation. Embouteillages garantis… Parallèlement, les transports en commun n’ont pas augmenté leurs fréquences. Résultat, la circulation est difficile et les bus, RER et métros sont de plus en plus bondés.
Dernièrement, ce sont les Vélib’ qui entretiennent l’image de défenseur de l’environnement et la popularité du maire. En principe, la mise en place de ce service de vélos presque gratuit est un progrès. Mais la méthode employée confirme la logique de recherche du profit privé. L’entreprise JCDecaux, déjà concessionnaire de nombreux panneaux de publicité, a remporté ce contrat. Or, le projet est aujourd’hui entré dans sa deuxième phase. La contrepartie des obligations de Decaux sur les Vélib’ est la concession de 348 panneaux de 8 m2, auxquels il faut ajouter près de 1 300 panneaux de 2 m2. Les panneaux sont déroulants et peuvent exposer chacun quatre messages publicitaires. Le 28 septembre, le règlement local de publicité a été modifié pour permettre l’implantation de ces nouveaux supports publicitaire. Au final, le nombre de publicités va augmenter de 220 %. On comprend donc mieux pourquoi JCDecaux a accepté les contraintes inhérentes aux Vélib’. En termes environnementaux, chacun de ces panneaux, éclairés la nuit, consommerait l’équivalent en électricité d’un ménage de 2,6 personnes…
Chasse aux pauvres
Delanoë assume de gérer la ville comme une entreprise privée : « Je préfère être dans l’économie de marché et en tirer un maximum de bénéfices pour les Parisiens », affirmait-il au Monde du 19 septembre. Paris est d’ailleurs, aujourd’hui, la cinquième capitale mondiale en termes de richesses. L’envolée des prix de l’immobilier a contribué à faire augmenter les ressources de la ville, par le biais des droits de mutation. Ce surplus n’est pourtant pas utilisé pour mener une politique du logement à la hauteur des besoins. Ainsi, un rapport de la chambre régionale des comptes montre que la réduction des logements insalubres et la remise en location des logements vacants ont pris énormément de retard. Il y a toujours près de 110 000 demandes de logement social. Et si Delanoë fait mine de soutenir les revendications des Enfants de Don Quichotte, il n’hésite pas à faire évacuer les tentes des SDF qui pourraient faire de l’ombre à Paris-plage. Quant à ceux qui critiquent la politique de la ville, ils ne sont pas mieux reçus : le 31 août dernier, l’association Agir contre le chômage ! était expulsée de ses locaux dans le 19e arrondissement.
Mais le maire a aujourd’hui de nouvelles ambitions. Soutenu par ses amis – Jospin, Vaillant, et même Hollande -, Delanoë pourrait être le candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012. Il a d’ailleurs déjà réservé le nom de domaine delanoe2012.fr. À Paris comme au plan national, nous avons plus que jamais besoin d’une gauche indépendante du PS, car celui-ci n’a d’autre projet que l’accompagnement du libéralisme.
Note
1. Publié le 13 septembre. Delanoë obtient 76 % de bonnes opinions.
* Paru dans Rouge n° 2223 du 18 octobre 2007.
[Europe Solidaire Sans Frontières]
18 octobre 2007