Depuis plus de cinq mois, les étudiant-e-s du Chili font la grève et prennent la rue pour protester contre la privatisation de leur système d’éducation. Comme le montre le graphique, issu du rapport Regards sur l’éducation 2011, le Chili est l’un des pays où le système d’éducation est le plus privatisé.
Le Chili frappe l’imaginaire avec près de 90% du financement universitaire provenant de fonds privés. Les gens doivent débourser des sommes incroyables pour envoyer leurs enfants à l’université : » Je paie 600 euros (840$) par mois pour la scolarité de mon fils (…) Imaginez lorsque vous avez trois ou quatre enfants à charge pour un salaire moyen de 900 euros. C’est impossible de joindre les deux bouts », expliquait un fonctionnaire et diplomate chilien au journalLe Monde.
On sait du reste que les politiques néolibérales, expérimentées dans le Chili de Pinochet, servent maintenant de modèle à exporter dans le reste du monde. Comme le soulignait récemment laFédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) lors de la parution du rapport 2011 de l’OCDE :
“Entre 2000 et 2008, la « part du financement privé dans l’enseignement supérieur a augmenté de 14 points de pourcentage en moyenne » dans 20 des 26 pays étudiés. La part publique du financement des établissements d’enseignement supérieur a régressé, passant de 74 % en 1995 à 67 % en 2008. Au Canada, la part des fonds privés dans l’enseignement supérieur dépasse la barre des 40 %, ce qui est plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE. Cela montre que le Canada tend à reproduire le modèle de financement à forte dominance privée en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni. À l’opposé, 14 pays, dont la France, l’Allemagne et la Suède sont sous la barre des 20 % de financement privé.
Dans ce contexte, selon l’OCDE, « (…) il est de plus en plus fréquent que les fonds publics ne financent qu’une partie (quoique très élevée) des investissements en matière d’éducation, les fonds privés prenant de plus en plus d’importance. Certains craignent toutefois que la balance ne penche exagérément d’un côté, au point de décourager certains étudiants qui envisagent de suivre des études tertiaires ».”
L’OCDE admet conséquemment que des voix s’élèvent pour s’inquiéter de la part croissante du financement privé dans les institutions d’enseignement public. Cela n’altère pas le projet de l’OCDE, qui est de favoriser l’émergence de fournisseurs privés et d’un marché international de l’enseignement universitaire. Les gouvernements du Québec et du Canada, qui adhérent à l’idéologie de « l’économie du savoir » et qui entrent dans la « course à l’innovation », s’engagent dans une voie qui ne peut que signifier l’augmentation du financement privé et individuel dans l’enseignement. C’est d’ailleurs déjà ce qui se produit.
Bref, au moment même où nous sommes en train de nous engager au Québec vers le modèle d’université financée de plus en plus par le privé, ce modèle est contesté vigoureusement là où il a été le plus poussé, par toute une jeunesse qui critique le peu d’accessibilité aux études, et la dominance de l’oligarchie économique néolibérale et capitaliste qui a fait main basse sur l’éducation. Les étudiants du Chili, pour le dire le plus simplement du monde, ont plus de cran que les recteurs d’université du Québec: ils ont compris que ce modèle, loin de devoir être imité, doit être mis aux poubelles de l’histoire.