Prochain forum social mondial

Quelques éléments pour mieux comprendre le prochain forum social mondial de Dakar(Delmas Chantal)

Le prochain Forum social mondial se tiendra du 6 au 12 février 2011 à Dakar au Sénégal. Je vous propose une présentation de ce prochain forum en 3 points :

I- Quelques éléments du contexte dans lequel se déroulera la FSM au Sénégal en Février 2011 II- Le FSM en tant que tel, ses objectifs, sa structuration III- Les propositions du réseau Transform ! et autres organisations avec lesquelles nous pourrions travailler

I- Quelques éléments du contexte dans lequel se déroulera le prochain FSM
- Même si, bien sûr, ce forum se déroule dans le contexte de la crise globale, crise sociale économique, financière, écologique, elle revêt un caractère particulier en Afrique avec les émeutes de la faim comme dernièrement au Mozambique.
- Cinquante pour cent de la population Africaine vivent avec moins de 1 dollar par jour.
- Les programmes imposés à l’Afrique par le FMI et la Banque Mondiale ont aggravé le chômage et la pauvreté dans les milieux urbains mais aussi dans les zones rurales. Les différents plans d’austérité du FMI ont totalement démantelé les services publics en Afrique. Le FMI et la Banque Mondiale ont eu un effet dévastateur et ont accentué les pressions sur les gouvernements Africains qui sont eux-même complices de ces mesures au lieu d’être au service de leurs peuples.
- De nombreuses élections se déroulent en Afrique en 2010-2011 : la question de la démocratie sera une thématique centrale. La relation entre l’Etat et la société civile se pose de façon aiguë. La prise de conscience importante des Africains sur cette question tiendra une place très importante dans le prochain FSM.
- Les changement géostratégiques avec l’augmentation de l’influence de la Chine et son implantation dans les pays Africains ; celle-ci est vue par les européens comme une autre forme de post-colonialisme mais est perçue par les Africains avec plus de bienveillance car les Chinois construisent les infrastructures nécessaires à leurs économies. Cette différence d’appréciation crée un certain agacement chez les Africains lorsque les occidentaux qui ont spolié leurs pays veulent leur donner des leçons d’indépendance. II- Le forum social proprement dit : Le FSM se tiendra du 6 au 12 février 2011, à l’UCAD (université Cheikh Anta Diop) à Dakar. 3 axes stratégiques : Le conseil international du Forum social mondial a défini 3 axes stratégiques pour le Forum de Dakar :

a- Approfondir l’analyse critique du Capitalisme : Le monde est en proie à une série de crises sans précédent y compris la crise du changement climatique, toutes ces crises sont liées au mode de production et d’accumulation capitaliste.
- D’un côté, le mythe des « marchés » autorégulateurs a entraîné une série de déréglementations et de libéralisations du commerce et des flux de capitaux à travers le monde dans le but de donner plus de pouvoirs aux marchés des dérivés ; cela a ouvert la voie aux activités spéculatives à une échelle sans précédent.
- De l’autre, les forces progressistes politiques et sociales du nord et du sud ne cessent de renforcer la résistance contre le système capitaliste et les politiques libérales.
- Les forces progressistes et les syndicats ont intensifié dans les pays industrialisés les luttes pour préserver l’emploi et le pouvoir d’achat.
- Dans les pays de sud, l’expérience des politiques discréditées du FMI et de la banque mondiale ont renforcé la prise de conscience des mouvements sociaux, des forces politiques et même de certains Etats sur la nécessité de s’opposer à ces politiques et au fondamentalisme du marché.
- L’analyse de cette crise va de la crise en tant que reflet de l’épuisement du capitalisme comme modèle de production et d’accumulation des richesses à la crise de civilisation avec la remise en cause de toutes les valeurs associées au capitalisme. Dans les deux cas, il y a remise en cause de l’hégémonie des puissances occidentales par le sud. Les crises actuelles offrent une occasion unique aux mouvements sociaux associés au FSM d’approfondir la crise du système capitaliste et d’aggraver sa crise de légitimité au nord comme au sud.

b- Renforcer les luttes et résistances contre le capitalisme, l’impérialisme et l’oppression Le FSM doit offrir un espace à tous les groupes mouvements, à toutes les forces politiques progressistes opposées d’une manière ou d’une autre aux politiques associées au paradigme néolibéral et luttant contre l’oppression, la domination, la discrimination, l’exclusion au nord comme au sud.

c- Construire des alternatives démocratiques et populaires Face à la crise systémique et crise de légitimité du capitalisme, il s’impose de promouvoir d’autres modèles de production et de distribution des richesses en rupture avec la logique de l’accumulation capitaliste.
- Il nous faut aller au-delà de la critique. Les mouvements sociaux doivent trouver des stratégies appropriées pour s’opposer vigoureusement au sauvetage du système capitaliste. Dans ce cadre, les mouvements sociaux doivent examiner la possibilité d’alliance avec les forces politiques et les Etats opposés au système néolibéral et contribuer à d’autres modèles de développement fondés sur la distribution équitable des richesses, la solidarité, la coopération, le respect de la souveraineté des peuples sur leur ressources, la gestion démocratique et transparente des ressources dans le respect de l’environnement. Le FSM 2011 s’efforcera de réhabiliter la politique et la démocratie reléguée au second plan, vidée de son contenu par le pouvoir donné aux institutions financières. Le FMI et l’OMC ont été les facteurs déterminants de l’affaiblissement de l’Etat, des services publics. Cette situation a laissé un vide exploité par les groupes privés pour influencer les politiques publiques au détriment de l’écrasante majorité des citoyens des pays du sud.

12 axes de travail : Pour décliner ces trois axes stratégiques, le FSM sera organisé en douze axes de travail qui doivent permettre l’organisation de l’espace du Forum et de dégager des convergences :

1. Pour une société humaine fondée sur des principes et des valeurs communs de dignité, de diversité, de justice, d’égalité entre tous les êtres humains, indépendamment des genres, des cultures, de l’âge, des incapacités, des croyances religieuses, et pour l’élimination de toutes les formes d’oppression et de discrimination basées sur le racisme, la xénophobie, les systèmes de castes, l’orientation sexuelle et autres. 2. Pour une justice environnementale et pour un accès universel et durable de l’humanité aux biens communs, pour la préservation de la planète comme source de vie, en particulier de la terre, de l’eau, des forêts, des sources d’énergie renouvelable et de la biodiversité, garantissant les droits des peuples indigènes, originaires, traditionnels, autochtones et natifs sur leurs territoires, les ressources, les langues, les cultures, les identités et les savoirs. 3. Pour l’applicabilité et l’effectivité des droits humains – économiques, sociaux, culturels, environnementaux, droits civils et politiques -, en particulier le droit à la terre, à la souveraineté alimentaire, à l’alimentation, à la protection sociale, à la santé, à l’éducation, au logement, à l’emploi, au travail décent, à la communication, à l’expression culturelle et politique. 4. Pour la liberté de circulation et d’établissement de toutes et de tous, plus particulièrement des migrants et des chercheurs d’asile, des personnes victimes du trafic humain, des réfugiés, des peuples indigènes, originaires, autochtones, traditionnels et natifs, des minorités, des peuples sous occupation, des peuples en situation de guerre et conflits et pour le respect de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. 5. Pour le droit inaliénable des peuples au patrimoine culturel de l’humanité, pour la démocratisation des savoirs, des cultures, de la communication et des technologies, valorisant les biens communs, et pour la fin des savoirs hégémoniques et de la privatisation des savoirs et des technologies, en changeant fondamentalement le système des droits de la propriété intellectuelle. 6. Pour un monde débarrassé des valeurs et des structures du capitalisme, de l’oppression patriarcale, de toute forme de domination des puissances financières, des transnationales et des systèmes inégaux de commerce, de la domination coloniale et de la domination par la dette. 7. Pour la construction d’une économie sociale, solidaire, émancipatrice, avec des modèles soutenables de production et de consommation et un système de commerce équitable, qui mette au cœur de ses priorités les besoins fondamentaux des peuples et le respect de la nature, garantissant une redistribution globale avec une fiscalité internationale et sans paradis fiscaux. 8. Pour la construction et l’expansion de structures et d’institutions démocratiques politiques et économiques locales, nationales et internationales, avec la participation des peuples aux prises de décision et au contrôle des affaires publiques et des ressources, respectant la diversité et la dignité des peuples. 9. Pour la construction d’un ordre mondial basé sur la paix, la justice et la sécurité humaine, le droit, l’éthique, la souveraineté et l’autodétermination des peuples, condamnant les sanctions économiques ainsi que pour des règles internationales sur le commerce des armes. 10. Pour la mise en valeur des histoires et des luttes de l’Afrique et de sa diaspora ainsi que de leur contribution à l’humanité, en reconnaissant la violence du colonialisme. 11. Pour une réflexion collective sur nos mouvements, le processus du Forum Social Mondial et nos perspectives pour l’avenir. 12. Pour un inter-apprentissage des paradigmes alternatifs à la crise de civilisation hégémonique de la modernité/ colonialité eurocentrique, à travers la « dé-colonialité » et la socialisation du pouvoir, en particulier dans les relations Etat / Marché / Société ; les droits collectifs des peuples ; le refus de la marchandisation de la vie et du « développement » ; l’apparition de subjectivités et d’épistémologies opposées au racisme, à l’eurocentrisme, au patriarcat et à l’anthropocentrisme.

5 points :La méthodologie adoptée par le FSM met l’accent sur 5 points a- Plus de visibilité des luttes populaires menés par les peuples originaires, les mettre au coeur du forum. b- Visibilité des luttes de la Diaspora africaine, solidarité entre mouvements sociaux africains et diasporas, avoir des thématiques d’intérêt commun. c- La question de la culture comme élément de spectacle et divertissement mais surtout comme instrument de conscientisation politique et de mobilisation sociale. La culture comme arme de désaliénation de l’idéologie du système capitaliste. d- Les tables de dialogue et de controverse : Ces activités seront parrainées par le comité d’organisation, le conseil Africain et le conseil international et se feront sous forme de tables de dialogue et de controverse. L’objectif de ces tables est d’offrir la possibilité aux mouvements sociaux de dialoguer, d’interpeller des acteurs qui ne participent pas au forum tels les représentants de gouvernements, d’institutions sous-régionales ou régionales. Les sujets discutés pourraient être : les relations Nord-Sud, Sud-Sud, la question des Etats Unis d’Afrique, migration Africaine, les relations avec la Diaspora… Place des politiques La charte de Porto Alegre qui fonde les principes des forums sociaux mondiaux, interdit aux politiques d’être organisateurs du forum, mais elle n’interdit pas de pouvoir y participer. Au début des forums sociaux, les règles à l’égard des politiques étaient très draconiennes, Il y a eu une nette amélioration à ce sujet avec, au dernier FSM à Belém, une rencontre entre l’ensemble des mouvements sociaux et les Présidents d’Amérique Latine, Hugo Chavez, Correa, Evo Morales… Lors du dernier sommet sur le Climat de Copenhague, Evo Morales a appelé à un sommet des Peuples sur le climat à Cochabamba avec présence à égalité des mouvements, mais aussi des acteurs politiques progressistes. Ces deux expériences changent la manière de concevoir cette dualité entre politique et mouvement social. Le FSM de Dakar devrait, à son tour, expérimenter de nouvelles pratiques à ce sujet, tout en conservant bien sûr, l’autonomie, l’indépendance des mouvements. e- Organisation d’hommage à la mémoire des grandes figures de l’Afrique

Le déroulement du FSM est prévu comme suit :
- 6 février : Marche d’ouverture.
- 7 février : journée dédiée à l’Afrique et aux Diasporas.
- 8 et 9 février : activités auto organisées par l’ensemble des organisations souhaitant participer au FSM.
- 10 février : Assemblées de convergences et assemblées thématiques.
- 11 février : convergences thématiques et globales, clôture du FSM. A propos de ce déroulement, il est à noter que deux journées sont consacrées aux convergences thématiques et globales au lieu d’une journée lors du dernier forum. La nécessité de favoriser les convergences et de dégager des cohérences au sein du FSM pour être vraiment utile face à la crise du capitalisme est ressentie désormais comme une priorité.

III- Les propositions de séminaires de Transform ! Ces propositions peuvent évoluer au fur et à mesure des discussions avec les organisations souhaitant travailler sur des thèmes approchants. 1-Les axes sud-sud et nord-sud sont ils pertinents pour penser l’alternative ?

2-Rôle des institutions internationales, banque mondiale , FMI,G8,G20,face aux mesures d’austérité pour les Peuples quelles nouvelles convergences créer entre les Peuples du Nord et du sud ?

3-Reconstruire la Gauche : les gauches du nord et du Sud

4-La question du lien politique et mouvement social Face à la crise, les mouvements sociaux la société civile doivent-ils rester uniquement des contre pouvoirs ou doivent-ils participer à l’élaboration du processus de construction d’une sphère politique alternative ? 5-Analyse de la conception actuelle du développement et de la coopération. Quel nouveau type de développement alternatif, comment concevoir dans ce cadre la coopération nord-sud , sud-nord ? 6-Les différentes analyses du post colonialisme, qu’y a-t-il de nouveau 50 ans après les Indépendances Africaines

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