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Pandémie : les logiques inégalitaires du confinement

Geneviève Talbot, Carole Yerochewski, Nouveaux Cahiers du socialisme, no. 25 hiver 2021
Respectivement chargée de programme Afrique de l’Ouest, environnement et agriculture,
sociologue, professeure associée à l’Université du Québec en Outaouais
Le 13 mars 2020 : comme partout sur la planète, à quelques semaines près, le confinement débute au Québec, sous la menace d’un nouveau virus dont les scientifiques connaissent encore mal les effets potentiellement délétères, et encore moins comment l’arrêter. La mesure est donc inévitable. D’autant plus que trente années de politiques d’austérité ont tellement réduit l’infrastructure sanitaire et déshabillé la Santé publique – par définition responsable de la prévention et de la gestion des épidémies – que même le personnel de la santé manque de masques. Il est nécessaire d’« aplatir la courbe » pour éviter l’engorgement des hôpitaux et voir les médecins aux prises avec des choix (qui sauver, qui abandonner) mettant à mal notre éthique.
En arrêtant l’activité, les États montrent qu’ils disposent toujours d’une grande puissance d’intervention. Mais ils restent aveugles quant aux impacts de cette politique dans des sociétés inégalitaires.
On découvrira quelques mois plus tard l’importance des dommages collatéraux du confinement, qui ont été ni anticipés ni pris en charge, sur la santé mentale; sur les femmes sur qui retombe à nouveau la charge de s’occuper des enfants privés de garderie ou d’école et de leurs amis; sur l’accroissement de la violence conjugale et familiale entre les quatre murs du huis clos; sur les malades aux chirurgies reportées, aux cancers non détectés ou aux arthroses paralysantes ; sur les personnes âgées dont certaines ont perdu toute autonomie, faute de maintenir une mobilité, et sur tous ces aîné·e·s qui vont mourir seuls, sans revoir leurs proches, sans même un accompagnement digne[1], et ce, sans parler, là encore, des traumatismes pour le personnel soignant.
Mais à ce moment-là, en mars, on nous martèle que « nous sommes tous égaux devant l’épidémie » et que toutes et tous confinés, « ça va bien aller ». Or, en vérité, avec ce confinement mis en œuvre à la grandeur de la planète, la pandémie, d’une maladie de riches qui voyagent, devient une maladie de pauvres qui ne peuvent se confiner. Portrait en deux tableaux, au sud et au nord.
Les travailleuses et travailleurs informels et précaires, grands oubliés du confinement
Selon une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT), pas moins de 1,6 milliard de travailleurs informels, c’est-à-dire de travailleurs sans droit ni protection sociale[2], soit près de la moitié de la main-d’œuvre mondiale, sont affectés par les mesures de confinement et de restriction. Il s’agit, là aussi, des travailleuses et des travailleurs dans les activités essentielles : secteurs de l’hébergement et de la restauration, de l’industrie manufacturière, de la vente de gros et de détail; les travailleuses et travailleurs domestiques, à domicile, les vendeurs de rue et les collecteurs de déchets. Plus de 500 millions d’agriculteurs qui approvisionnent les marchés urbains sont aussi des travailleurs informels. L’OIT relève que les femmes sont particulièrement affectées dans les secteurs à haut risque.
Comme ces travailleurs doivent nourrir leur famille, les mesures de confinement liées à la COVID-19 ne peuvent pas être mises en œuvre avec succès dans de nombreux pays. Dans les grandes métropoles du Sud, par exemple, les travailleurs informels, qui habitent souvent dans des bidonvilles, toute la famille tenant dans à peine deux pièces sans douche ni toilettes, vivent « au jour la journée[3] ». Ils et elles ont reçu l’ordre de confinement, qui s’accompagnait en général de couvre-feu, comme une quasi-condamnation à mort (Inde, Sénégal, Pérou, Honduras pour mentionner quelques pays). Au Burkina Faso, la population s’est soulevée contre la fermeture des marchés publics. Au Sénégal, le gouvernement a dû lever le couvre-feu face à la grogne populaire de plus en plus forte. Ces mouvements d’indignation, s’ils mettent en péril les efforts déployés par les gouvernements pour protéger la population et lutter contre la pandémie, sont compréhensibles, car trop souvent ces travailleuses et travailleurs sont aux prises avec un dilemme insoluble : mourir de faim ou du coronavirus.
Il est vrai que certains pays ont adopté des mesures sociales qui ont atténué l’impact économique du confinement et des couvre-feux. Les mesures les plus couramment appliquées à ce jour sont l’instauration d’une aide modeste en espèces et la distribution de nourriture aux catégories précaires, ainsi que des programmes d’emploi temporaire pour les travailleurs du secteur informel. Au 15 mai 2020, 181 pays avaient prévu ou introduit des mesures de protection sociale. Seulement 26 de ces 181 pays, soit 14 %, ciblent spécifiquement les travailleurs informels. Parmi eux : 9 pays d’Afrique, 9 d’Amérique latine et des Caraïbes, 5 d’Asie et du Pacifique, 2 d’Europe et 1 du Moyen-Orient. Les aides financières constituent la principale forme d’assistance. La deuxième intervention majeure est l’assistance alimentaire. Outre un panier alimentaire, au Rwanda et au Soudan, d’autres articles essentiels tel du savon sont également distribués. Aux Philippines, des occasions de travail public sont offertes aux travailleurs informels dans les services de désinfection et d’assainissement. En Indonésie, des bons subventionnés sont distribués aux travailleurs informels au chômage pour la formation et le recyclage. Au Mexique, des prêts préférentiels de 25 000 pesos (1000 $ US) sont accordés aux microentreprises familiales informelles[4]. Mais ces mesures n’étant pas suffisantes, la majorité des travailleurs informels ont forcé la réouverture des marchés publics et la fin du confinement afin de pouvoir nourrir leur famille.
Des migrations dans des conditions encore plus dangereuses
Pour plusieurs, les conditions de vie se sont tellement détériorées qu’ils sont prêts à risquer des migrations illégales même en contexte de COVID-19, comme le montre un rapport d’Interpol[5]. Ainsi, malgré la fermeture des frontières et l’arrêt presque total des liaisons internationales entre mars et avril 2020, malgré les restrictions en vigueur dans le secteur maritime, qui ont également eu des répercussions à court terme sur les itinéraires de trafic par cette voie (la traversée de la Méditerranée d’Afrique du Nord vers l’Europe), le trafic de migrants et migrantes par voie terrestre et maritime se poursuit dans le monde entier, et ce, dans des conditions encore plus dangereuses. Comme le dit le secrétaire général d’Interpol, M. Jürgen Stock, « la pandémie de COVID-19 n’a pas émoussé la détermination des groupes criminels organisés à cibler les personnes vulnérables afin de tirer profit de cette criminalité, trop souvent au prix de la vie des victimes[6] ».
Les principaux itinéraires terrestres de migration, par exemple ceux qui relient l’Amérique centrale à l’Amérique du Nord et la Corne de l’Afrique à l’Afrique du Sud, demeurent actifs, les passeurs continuant à surveiller la gestion des frontières afin de se soustraire aux contrôles. Du fait de la nature clandestine de la traite d’êtres humains, il est plus difficile d’évaluer avec certitude les effets de la pandémie de COVID-19 dans ce domaine. Il y a tout lieu de penser que la pandémie et ses conséquences sur l’économie mondiale ne feront qu’accroître la population à risque et la probabilité que ces personnes soient trompées, exploitées et, finalement, victimes de ce trafic à moyen terme. L’exemple des pirogues sénégalaises constitue une triste illustration de cette inquiétude. Entre le 7 et le 25 octobre 2020, la marine sénégalaise, appuyée par la garde civile espagnole, a intercepté cinq pirogues en partance pour l’Europe, secourant au total 388 personnes, selon le gouvernement, qui fait état de « 28 présumés convoyeurs » interpellés[7].
Pourtant, certains pays du Sud adoptent des mesures publiques qui sont inspirantes et qui laissent entrevoir de possibles sorties de crise : par exemple, en Argentine, le gouvernement a adopté une loi instaurant un impôt extraordinaire sur les grandes fortunes, ce qui permet de lutter contre la pandémie et la crise économique[8]. Cette mesure s’apparente à celles proposées dans le « bouclier anti-austérité » mis de l’avant par Québec solidaire[9]. Ce rapprochement dans les solutions semble soutenir l’idée que les populations du Nord et du Sud font face aux mêmes défis et que le clivage dans la lutte à la pandémie n’est pas tant Nord-Sud qu’une question de classe sociale.
Par bonheur, il semble que la pandémie ne fasse pas autant de ravages dans ces pays que ce qu’on aurait pu croire. Si le confinement n’était pas réaliste, les mesures de protection telles que le port du masque, la distanciation physique, le fait de vivre dehors, la densité et la jeunesse de la population sont des facteurs qui ont aidé la situation. Car la question se pose : comment lutter contre la pandémie dans des pays où les systèmes de santé ne sont pas en mesure de prendre en charge une augmentation majeure des cas, et où le vaccin n’est pas près d’arriver ?
Le Nord sauvé par le vaccin ?
Au nord, la tragédie s’est déroulée à une moins grande échelle qu’au sud. Des mesures d’urgence ont été adoptées, qui ont tout autant la fonction d’éviter un bond de la pauvreté et une explosion sociale que l’effondrement de l’économie.
Mais la crise remet en cause radicalement les valeurs considérées comme universelles sur lesquelles reposent les sociétés occidentales. En Europe comme en Amérique du Nord, ce sont d’abord les personnes âgées qui ont été les grandes victimes, en nombre de décès, révélant les fondements âgistes de nos sociétés qui ne veulent pas entendre parler du vieillissement[10]. Et le confinement ne s’applique pas aux travailleuses et les travailleurs précaires et informels[11] qui constituent une sorte de « Sud » au sein du Nord.
La montée du travail informel dans les pays du Nord et en particulier dans les villes « globales[12] », qui résulte à la fois du retrait de protections à certaines catégories de travailleurs et de l’encadrement autoritaire des flux de main-d’œuvre provenant des pays dominés dans la mondialisation, a déjà été amplement documentée. Elle témoigne de la réorganisation des firmes et de la division du travail, qui accentue les inégalités entre les cadres fort occupés et très bien payés pour des activités valorisées de production, et leurs nounous, chauffeurs, livreurs, restaurateurs et autres domestiques de leur reproduction sociale, qu’il faut payer le moins possible, en faisant appel à des femmes et des personnes racisées. Ces processus réintroduisent « selon une ampleur qui n’a pas été vue depuis longtemps » le phénomène des « classes servantes auprès des ménages contemporains à hauts revenus[13] ».
Additionnée aux ingrédients – logements exigus, rareté des services publics, etc. – qui accompagnent la pauvreté, aujourd’hui majoritairement une pauvreté en emploi et non plus une pauvreté de personnes inactives ou au chômage, cette montée du travail précaire et informel débouche sur des taux disproportionnés d’infection parmi les travailleurs et travailleuses en position vulnérable et, par transmission communautaire, parmi les habitants des quartiers pauvres et racisés des grandes villes du Nord, dont Montréal[14]. Pourtant contre toute attente, qui renvoie à ces croyances que (a) on est pauvre parce que peu instruit et (b) quand on est peu instruit, on ne comprend pas les consignes sanitaires (croyances contredites par les faits quand on voit qui participe aux manifestations contre le port du masque), ces communautés ont réagi très vite et très bien face à la pandémie. Notamment grâce aux organismes communautaires présents dans les quartiers qui ont fait circuler l’information sur les consignes sanitaires dans de multiples langues, ont distribué des masques avant même que ceux-ci ne soient rendus obligatoires, etc.
Mais ces réalités sont occultées sur nos écrans de télévision, sauf à de trop rares occasions d’enquêtes journalistiques[15]. On a ainsi plutôt entendu des personnalités politiques mettre les taux de surinfection sur le dos d’un comportement inadéquat de ces habitants « sans doute à cause des différences culturelles »; la majorité est pourtant née au Québec. C’est donc la politique-spectacle qui a prévalu, avec ses artifices pour hypnotiser le regard. Ainsi, chaque jour, le premier ministre Legault nous apparaissait en gestionnaire responsable d’une crise qui se révèle être, en fait, l’une des pages les plus sombres de l’histoire du Québec. Flanqué du docteur Arruda, et de sa ou son ministre de la Santé, il continue de nous livrer un discours laissant dans l’ombre les vérités gênantes, comme le refus de régulariser tous les travailleurs essentiels sans statut au-delà des très médiatisés « anges gardiens », l’absence de réponse structurelle à la crise du système de santé alors qu’il avait évoqué la nationalisation des résidences pour aîné·e·s ou la recommandation, contredite à présent que les stocks sont reconstitués, de ne pas porter de masques. De quoi s’interroger sur la capacité des élites politiques à placer l’intérêt général de la société par-dessus celui des lobbies économiques.
Après un deuxième confinement à l’automne, au cours duquel les travailleuses et travailleurs des classes moyennes et du bas de l’échelle ont dû travailler encore plus intensément que dans une situation dite normale, où les étudiantes et les étudiants ont goûté jusqu’à l’écœurement de la formation en ligne et de ses effets multiplicateurs de stress, où les artistes, les restaurateurs, les gens du spectacle, des musées, des bibliothèques se demandent ce qu’il va rester d’eux et de leurs activités pourtant elles aussi essentielles, le doute a largement pénétré les esprits quant aux priorités que se donnent nos gouvernants. Mis à part quelques cadres de haut niveau, qui se dopent à la performance et qui ont vu dans le télétravail, non pas l’isolement extrême[16], mais un moyen de continuer à organiser le travail de leurs équipes tout en se dispensant de longs transports vers leurs bureaux du centre-ville de Montréal, ce qui leur donne plus de temps pour cultiver leur jardin, quelles personnes ont encore le sentiment que « ça va ben aller », qu’il faut se serrer les coudes et qu’on est tous dans le même bateau ?
À deux doigts de voir les hôpitaux craquer non plus sous le coup de la pandémie, mais faute de combattants, parce que le personnel soignant est épuisé et que le gouvernement Legault a encore une fois préféré tirer sur la corde plutôt que de lâcher du lest dans les négociations de la convention collective et recruter massivement en prévision de cette seconde vague[17], ce gouvernement va-t-il être sauvé par le gong ?
Car le vaccin est arrivé. Mais outre que cela ne va pas tuer l’épidémie du jour au lendemain, nous avons, là encore, de quoi nous retrouver face à des choix moraux : comment déterminer l’accès au vaccin après la priorité donnée aux aîné·e·s et aux soignant·e·s  ? Que va-t-il se passer pour les travailleuses et travailleurs essentiels, mais souvent précaires ou informels dans nos villes ? Et pour ceux des pays du Sud ? Quand on sait que la recherche est financée par des fonds publics, mais que les États vont payer le prix fort pour acheter le vaccin, et que les pays du Sud n’ont pas les moyens de le développer si les brevets ne sont pas « gelés[18] », n’est-il pas temps d’exiger la nationalisation partout de la santé et de la recherche pharmaceutique ? Dans les grandes réformes à pointer comme prioritaires, et qui justifient une concertation internationale autour des biens communs à préserver, celle-ci en fait sûrement partie, avec celle d’assurer sur toute la planète l’accès à des conditions de vie décentes, sans lequel la lutte contre les inégalités restera un vain mot.
[1] Voir le rapport de la Protectrice du citoyen cité par Marie-Michèle Sioui, dans « Des aînés morts dans l’indignité en CHSLD », Le Devoir, 11 décembre 2020.
[2] Le terme informel désigne les travailleuses et travailleurs qui ne bénéficient pas, en partie ou totalement, des droits collectifs des travailleurs formels ou typiques, ni de leur protection sociale. Cette définition reconnue dans le milieu universitaire recoupe celle de l’OIT. Elle englobe les travailleurs précaires du Nord. On vise ici les modalités de gestion de la main-d’œuvre par les entreprises et les politiques publiques. Il n’y a pas de rapport avec l’économie mafieuse ou souterraine, contrairement aux croyances répandues. À noter que les travailleuses et travailleurs informels comptent à présent pour 60 à 80 % des travailleurs en Asie du Sud et du Sud-Est et en Afrique, et de 40 à 60 % en Amérique latine (estimations BIT-WIEGO), suite notamment aux réformes draconiennes exigées par le Fonds monétaire international – les taux d’emploi informel étant plus élevés chez les femmes.
[3] Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Seuil, 1995.
[4] FAO, Impact de la COVID-19 sur les travailleurs du secteur informel, 20 avril 2020.
[5] Interpol, « L’impact du COVID-19 sur le trafic de migrants et la traite d’êtres humains », 11 juin 2020.
[6] Ibid.
[7] Radio France international, « Migrants : le naufrage d’une pirogue au large du Sénégal a fait au moins 140 morts », 29 octobre 2020, <https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201029-migrants-naufrage-pirogue-large-s%C3%A9n%C3%A9gal-fait-moins-140-morts>.
[8]BBC News, « Covid : Argentina passes tax on weathly to pay for virus measures », 5 décembre 2020.
[9] <https://quebecsolidaire.net/nouvelle/un-bouclier-anti-austerite-pour-proteger-les-travailleurs-demande-quebec-solidaire>.
[10] Voir, dans ce numéro, l’article de Martine Lagacé et Philippe Rodrigues-Rouleau, « Pandémie: pour sortir du paradigme de l’âgisme ».
[11] La définition donnée en note 3 du travailleur informel englobe le travail précaire et exprime que la montée des travailleurs précaires au nord est un phénomène comparable à celui de la recrudescence du travail informel au sud : l’un comme l’autre résultent de l’abandon du compromis fordiste et des impacts des politiques néolibérales.
[12] NDLR. Une ville globale ou mondiale est une ville qui exerce des fonctions stratégiques à l’échelle mondiale, un centre qui organise des flux et s’inscrit dans des réseaux, un pôle de commandement dans la mondialisation. Wikipedia.
[13] Saskia Sassen, « Vers une analyse alternative de la mondialisation : les circuits de survie et leurs acteurs », Cahiers du Genre, vol. 1, n° 40, 2006, p. 67-89.
[14] Voir Rajendra Subedi, Lawson Greenberg et Martin Turcotte, « Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 dans les quartiers ethnoculturels du Canada », Statistique Canada, 28 octobre 2020, <https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00079-fra.htm>.
[15] Voir par exemple l’enquête de Radio-Canada sur le rôle des agences de placement : Thomas Gerbet et Romain Schué, « Des migrants mal formés envoyés au cœur du chaos des CHSLD », Radio-Canada, 1er juin 2020.
[16] Dans un article reprenant les résultats d’une étude effectuée en France sur le télétravail qui, de 1,8 million de personnes en concernait 8 millions quelques semaines après le début du confinement, Vincent Grimault indique qu’après avoir apprécié de ne plus subir de longs transports en commun, la plupart se sont vite demandé quand ils allaient enfin revenir au bureau. D’abord parce que, face au télétravail, nous ne sommes pas non plus égaux (42 % des télétravailleurs indiquaient n’avoir pas d’espace dédié chez eux, 68 % partageaient leur résidence avec d’autres personnes, dont les enfants…). Et puis, les heures de travail s’allongent, se désynchronisent, des formes de harcèlement font leur apparition, notamment par le contrôle que peut exercer l’administration. Bref, limité à certains jours de la semaine, ça peut aller, mais en continu, c’est d’autant plus éprouvant que les conditions de travail sont souvent dégradées par rapport au mode présentiel, faute d’encadrement par des conventions collectives. Vincent Grimault, « Télétravail : comment gérer le jour d’après », Alternatives Économiques, vol. 7, n° 403, 2020, p. 44-47. Au Québec, la proportion d’employés télétravaillant est passée de 11 % à 40 %, soit ici aussi près de quatre fois plus. Les témoignages de ses collègues du secteur public québécois ont conduit Étienne Simard à publier « Une gang de tu-seuls : télétravail et dystopie pandémique », revue Ouvrage en ligne, 12 octobre 2020, <http://www.revue-ouvrage.org/teletravail-dystopie/?fbclid=IwAR1lqfdS2cpl4R6wxSRxTwLT62XqPvtYdZYhNxe8YVT0BghKWCjp6-QGEiQ>. Il y note que la culpabilité de celles et ceux qui pouvaient télétravailler, et donc se confiner, était telle qu’ils compensaient en travaillant plus, et finissaient rapidement par sentir l’isolement et le stress, sans oser pour autant en parler. Plusieurs éprouvent une perte du sentiment d’appartenance à un collectif de travail, et l’auteur souligne de son côté que le télétravail contribue aussi à une dépossession de son lieu de vie, de sa « chambre à soi » (Virginia Woolf).
[17] Voir Guillaume Hébert, Regards sur la CAQ. Le gouvernement doit créer des emplois dans le secteur public, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, n° 9, novembre 2020.
[18] Voir à ce sujet Justin Delépine, « Vaccins : le modèle hyperfinanciarisé de la recherche », Alternatives-Économiques, 30 novembre 2011 et Zoé Le Gallic-Massie, « Tous les pays ne sont pas égaux face au vaccin contre la Covid-19 », Radio-Canada, 11 décembre 2020.

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