À l’origine
Depuis la fin du vingtième siècle, le capitalisme se restructure à travers le néolibéralisme. D’emblée, on observe un immense flux migratoire (après une « pause » entre 1920 et 1960). Au début du nouveau millénaire, près de 200 millions de personnes (3 % de la population mondiale) sont des immigrants.
À un premier niveau, le cycle actuel d’accumulation du capital requiert une abondante main d’œuvre peu qualifiée, dans l’agriculture, l’industrie, la construction et les services privés et personnels. En Amérique latine, en Afrique et en Asie, de gigantesques « surplus » de population provenant de la destruction de la paysannerie pauvre s’accumulent dans la « planète des bidonvilles ». De l’autre côté dans les pays capitalistes, il faut beaucoup de bras pour des emplois peu payés, peu gratifiants, souvent dangereux. Ces emplois contrairement à ce qui s’offrait pour la vague précédente d’immigration ne sont pas dans l’industrie manufacturière, ne sont pas stables, ne sont pas syndiqués et très difficilement syndicables. La main d’œuvre en question doit être mobile, précaire, dans une situation où les droits du travail et les droits sociaux en général sont ramenés à la baisse. À un deuxième niveau, le capitalisme a besoin de main d’œuvre qualifiée et même très qualifiée. Il est alors rentable d’« écrémer » la main d’œuvre hautement qui a été formée aux frais d’autres pays : c’est un phénomène qui ne date pas d’hier, le « brain-drain ».
Devant ces immenses transformations, les mouvements populaires sont interpellés. Certes, le capitalisme « globalisé » réussit à fragmenter encore davantage la « force de travail » prolétarienne par le démantèlement du secteur public (privatisations), l’éclatement du travail salarié à travers l’espace, la dislocation des systèmes de protection sociale. Également, la « gestion des flux » permet de segmenter les classes populaires entre ceux et celles qui ont encore des droits et ceux et celles qui n’en ont pas. S’ajoutent à cela les législations liberticides, la remontée des idéologies racistes et anti-immigrantes, qu’on constate un peu partout. Néanmoins, on assiste dans plusieurs pays à de nouvelles articulations politiques et sociales. Les coalitions sociales et politiques sont interpellées au sens où il ne s’agit plus, comme c’était le cas dans le passé, de se battre avec et pour des « minorités » : les migrants sont de plus en plus une quasi majorité, du moins dans certains secteurs économiques, voire dans des grandes villes. Au-delà de certains droits apparaît alors la question de la citoyenneté : qui est citoyen ? Qui ne l’est pas ? Ne devrait-on pas donner aux migrants le même statut (ou l’équivalent) que les autres catégories de la population, y compris les droits politiques ?
(Extrait d’un texte paru dans le numéro 5 des NCS : Migrations : Stratégies, acteurs et résistances)