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Le chef des lucides à la rescousse des gaz de schiste

Coup de théâtre dans la saga des gaz de schiste : Lucien Bouchard, ancien premier ministre péquiste, est nommé président du lobby de l’industrie et se chargera de « vendre » cette très impopulaire exploitation gazière à un public québécois sceptique, pour ne pas dire hostile. Cette nomination est accueillie à bras ouvert par un gouvernement libéral totalement discrédité par ces accointances suspectes avec cette industrie, et qui voit là un moyen de s’en sortir en surfant sur la  supposée « crédibilité » de Bouchard.

Mais les premières réactions des groupes écologistes et citoyens mobilisés depuis des mois sur ce dossier sont négatives. Ils ne voient dans l’arrivée de Bouchard qu’une autre tentative cynique d’une industrie peu crédible pour imposer le développement d’une filière énergétique dangereuse pour l’environnement. Le chef auto-proclamé des lucides, redevenu avocat d’affaires dans la prestigieuse firme montréalaise Davies Ward Philips & Vineberg, risque de tomber de son piédestal. Difficile de faire la morale au peuple, de prôner la discipline au travail et la réduction des dépenses publiques, quand on n’est plus qu’un vulgaire lobbyiste payé grassement par des pollueurs patentés.

Ainsi les positions pour la prochaine manche dans la bataille des gaz de schiste sont bien campées.

Loin de lancer la serviette, le gouvernement et l’industrie des gaz de schiste tenteront  de reprendre l’initiative avec un discours moins triomphaliste, plus axé sur les supposés bienfaits sociaux et économiques pour le Québec d’une exploitation « prudente » des gaz de schiste. Les considérations politiciennes, pour ne pas dire purement électoralistes du gouvernement Charest, sont plus qu’apparentes. Avec Bouchard dans le giron des défenseurs des gaz de schiste, il cherchera à museler le PQ et Pauline Marois, empêtrer l’opposition officielle dans ses sempiternelles querelles intestines puisque plusieurs anciens chefs péquistes (Landry, Boisclair) militent aussi contre tout moratoire sur l’exploitation gazière. Changement de tactique de la part du gouvernement et de l’industrie, mais l’objectif reste le même : passer outre à l’opposition citoyenne et enclencher une dynamique irréversible menant au développement de cette filière énergétique.

Du côté de l’opposition sociale et environnementale, le scénario est tout aussi clair. Elle a remporté haut la main la première manche en misant sur la mobilisation citoyenne et la confrontation directe avec le gouvernement et l’industrie des gaz de schiste. Se tenant loin des jeux de coulisses parlementaires du PQ, elle a mis en marche une remarquable campagne d’éducation populaire qui lui a permis de gagner la bataille de l’opinion publique. Dès le début janvier, les opposants aux gaz de schiste ont formé une large front commun de plus de 80 organismes et annoncé une campagne de mobilisation à travers le Québec qui prendrait son élan dès la publication du rapport du BAPE le 22 février. La coalition des organismes et citoyennes opposées au gaz de schiste prévoit en outre organiser une manifestation nationale à Montréal vers le milieu du mois d’avril.

Loin de se laisser obnubiler par les manœuvres gouvernementales, l’opposition environnementale et politique est stimulée par les dernières tuiles qui frappent les défenseurs des gaz de schiste. Ainsi, une enquête du ministère de l’environnement nous révèle que 19 des 31 puits en activité au Québec ont des fuites. Au même moment, l’Institut de la santé publique du Québec faisait part de ses inquiétudes quant aux impacts sur la pollution atmosphérique et la contamination de l’eau de cette exploitation gazière.

La nomination de Bouchard et les raffinements tactiques du gouvernement Charest ne semblent pas avoir eues les effets escomptés. Tant mieux. Il est à souhaiter que l’opposition aux gaz de schiste ainsi que celle qui se manifeste aux politiques budgétaires de Charest (une journée nationale de protestation  prévue a cet effet  le 12 mars) s’appuient mutuellement pour faire reculer ce gouvernement et ses politiques bancales.

Montréal, le 27 janvier 2011

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