L’accord pourri de Copenhague révèle un gouffre entre les revendications des peuples et les intérêts des élites.
Déclaration du réseau Climate Justice Now ! sur les résultats de la COP15.
La très attendue Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique de Copenhague a débouché sur un accord de dupes, manigancé par les USA et mis sur la table au dernier moment. « L’accord » n’a pas été adopté, mais a été « pris en note », une invention absurde conçue pour convenir aux USA et permettre à Ban Ki-moon de prononcer la ridicule déclaration « nous avons un accord ».
La conférence des Nations Unies a été incapable d’apporter des solutions à la crise climatique, pas même de dessiner des avancées minimales vers ces solutions. Au contraire, les négociations ont complètement trahi les nations appauvries et les états insulaires, et ont jeté les Nations unies et le gouvernement danois dans la plus grande confusion. Au cours d’une conférence dont un objectif central était de limiter les émissions de gaz à effet de serre, il a en finalement été très peu question. Les pays riches et développés ont à l’inverse continué à entraver toute négociation sur des réductions drastiques et contraignantes, préférant plutôt reporter le fardeau sur les pays les moins développés, et ne montrant aucune volonté de réparer les dégâts dont ils sont responsables.
La coalition Climate Justice Now !, aux côtés d’autres réseaux, s’est réunie à la COP15 derrière l’appel pour « changer le système, pas le climat ». La conférence de Copenhague sur le climat a quant à elle montré que les solutions réelles, par oppositions aux fausses solutions basées sur le marché, ne pourront être adoptées tant que nous n’aurons pas vaincu un système économique et politique injuste.
À Copenhague, les responsables de gouvernement comme ceux du business n’ont pas essayé de satisfaire les attentes du monde. Les fausses solutions et les multinationales ont complètement phagocyté le processus des Nations Unies. Les élites mondiales voudraient pouvoir privatiser l’atmosphère au travers des marchés carbone ; dépecer les forêts, brousses et prairies du monde entier en violant les droits des peuples indigènes et en s’accaparant les terres ; promouvoir des technologies à haut-risque pour « réparer » le climat ; remplacer les forêts véritables par des plantations arborées d’essence unique ; transformer les surfaces agricoles en puits de carbone, et, enfin, parachever la restriction et la privatisation des biens communs. En pratique, chaque proposition discutée à Copenhague était basée sur le désir de créer des nouvelles opportunités de profit plutôt que sur la volonté de réduire les émissions, jusqu’aux modestes financements qui risquent finalement de servir à payer les transferts de technologie à risque.
À Copenhague, les seules discussions sur des solutions réelles ont eu lieu dans les mouvements sociaux. Climate Justice Now !, Climate Justice Action et le Klimaforum 09 ont permis d’articuler des idées novatrices et tenté de diffuser ces idées dans la Conférence des Nations Unies par le biais de la « déclaration des peuples » du Klimaforum 09 et l’assemblée des Peuples « Reclaim Power » (ndt : « reprendre le pouvoir », mais aussi « reprendre l’énergie »). Parmi les états, les pays de l’ALBA, de nombreux états africains et les membres de l’AOSIS ont souvent fait écho aux messages du mouvement pour la justice climatique, lorsqu’ils ont mis en avant la nécessité de payer pour la dette climatique, de créer des fonds pour l’adaptation et la réduction des émissions hors de la logique des institutions néolibérales comme la Banque Mondiale et le FMI, ou encore de maintenir l’augmentation globale de la température sous 1,5 degré.
Les Nations Unies et le gouvernement danois ont servi les intérêts des pays riches et industrialisés, excluant nos voix et celles des moins puissants à travers la planète ; ils ont tenté de taire nos demandes de négocier sur des solutions réelles. Néanmoins, nos voix se sont renforcées, et se sont unifiées jours après jours pendant les deux semaines de la conférence. Au fur et à mesure que nous nous renforcions, les mécanismes mise en œuvre par les Nations unies et les autorités danoises pour permettre la participation de la société civile se sont révélés de plus en plus dysfonctionnels, répressifs et non-démocratiques, à l’instant de ce qui se passe à l’OMC ou à Davos.
La participation des mouvements sociaux a été limitée tout au long de la conférence, drastiquement restreinte durant la deuxième semaine, au milieu de laquelle de nombreuses organisations de la société civile se sont vues retirer leurs accréditations. Dans le même temps, les multinationales poursuivaient leur lobbying à l’intérieur du Bella Center.
À l’extérieur de la conférence, la police Danoise a déployé un système répressif, menant de vastes opérations contre le droit à la libre expression, arrêtant et battant des milliers de personnes, dont des délégués de la société civile auprès de la conférence des Nations Unies. Notre mouvement a surmonté cette répression, nous sommes parvenus à porter nos voix et nos protestations encore plus fort. Nos manifestations ont rassemblé plus de 100 000 personnes au Danemark, pour exiger la justice climatique, pendant que les mouvements sociaux du monde entier ont mobilisé des centaines de milliers d’autres personnes au cours de manifestations locales pour la justice climatique. Malgré la répression menée par le gouvernement danois et les exclusions pilotées par les Nations unies, le mouvement pour « changer le système, pas le climat » est désormais plus fort que lorsque nous sommes arrivés au Danemark.
Bien que Copenhague ait été un désastre pour les solutions justes et équitables au changement climatique, il marque un tournant galvanisant du combat pour la justice climatique. Les gouvernements défendant l’intérêt des dominants n’ont aucune solution à offrir, mais le mouvement pour la justice climatique a proposé une vision forte et des alternatives claires. Copenhague restera un événement historique pour les mouvements sociaux mondiaux, et, à l’instar de Seattle et de Cancun, comme un moment crucial où les divers agendas de nombreux mouvements sociaux se sont unis et renforcés, pour demander d’une même voix de changer le système, pas le climat.
La coalition Climate Justice Now ! appelle les mouvements sociaux du monde entier à se mobiliser pour soutenir la justice climatique.
Nous ne mènerons pas notre lutte lors des négociations sur le climat seulement, mais sur le terrain et dans les rues, pour promouvoir de véritables solutions, qui incluent :
De laisser les combustibles fossiles dans le sous-sol et investir dans l’énergie renouvelable, appropriée, efficace, sûre, propre et contrôlée par les communautés ;
La réduction drastique du gaspillage, avant tout et surtout dans le Nord, mais aussi par les élites du Sud ;
D’énormes transferts financiers du Nord vers le Sud, basés sur le remboursement de la dette climatique, et soumis à un contrôle démocratique. Les coûts d’adaptation et d’atténuation doivent être financés par la réorientation des budgets militaires, par des taxes innovantes et par l’annulation de la dette ;
La conservation des ressources fondée sur les droits, qui renforce les droits des peuples indigènes à la terre et promeuve la souveraineté des peuples sur l’énergie, les forêts, la terre et l’eau ;
Une agriculture et une pêche familiales et durables, et la souveraineté alimentaire des peuples.
Nous réaffirmons notre engagement dans la construction d’un mouvement vaste et divers, localement et mondialement – pour un monde meilleur.
Climate Justice Now !
Copenhague,
Le 19 Décembre 2009
www.climate-justice-now.org