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15-O, première protestation globale (Miradas al Sur)

La révolte transnationale est maintenant là. Le samedi s’est écouté son cri de l’Amérique à l’Asie et l’Océanie, de l’Europe à l’Afrique et au Moyen-Orient : ça suffit maintenant ! (Basta ya !). La révolution éthique, la protestation des indignés, la demande d’une démocratie réelle, ont pris corps et se sont fait sentir dans tout le monde.

A l’appel répondirent un total de 951 villes de 82 pays distincts. Dans certains cas ils furent seulement quelques centaines de personnes, dans la majorité des milliers, des dizaines de milliers et jusqu’à des centaines de milliers dans quelques pays européens. A cause des différents fuseaux horaires, les premières mobilisations commencèrent à Tokyo, Sidney et Hong Kong.

Quand l’Argentine se désespérait hier samedi, il y avait des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Berlin, Lisbonne, Amsterdam, Rome-où un groupe minoritaire était au centre de quelques incidents violents en tentant d’incendier le Ministère de la Défense-et de nombreuses autres capitales et villes européennes. Dans la cité londonienne Julian Assange, la face visible de Wikileaks, est apparu avec un masque d’Anonymous, le groupe connu de hackers.

Dans de nombreux sites d’Europe, ainsi qu’aux Etats-Unis, beaucoup de manifestants campaient sur des places depuis la nuit précédente. A la veille du 15-O, les indignés de Occupy Wall Street réussirent à éviter que la police les expulsent du newyorkais Zuccotti Park-rebaptisé Place de la Liberté-après que plus de 300.000 personnes eurent signé une pétition pour empêcher l’expulsion. Hier ce sont des dizaines de milliers qui sortirent dans les rues de New York, Washington et beaucoup d’autres cités des Etats-Unis.

En Espagne, un des clous forts de la journée, avec des foules dans 60 de ses villes et des centaines de milliers de personnes protestant, six marches partirent le matin de villages de la périphérie et de quartiers de Madrid, pour converger dans l’après-midi sur la mythique place de Cibeles, en plein centre, et commencer ensuite la manifestation qui termina, il ne pouvait pas être autrement, sur la mythique Puerta del Sol, où commença tout ce mouvement il y a cinq mois exactement hier, le 15 mai, el 15-M.

Que criaient-ils, que reprenaient-ils en choeur, quels drapeaux arboraient des personnes de tant de nationalités, races et âges différents dans cette protestation globale ? “Spéculateurs en prison !”, “Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et banquiers !”, “Nous n’appelons pas à la porte, nous la faisons tomber !”, “Précaires du monde, nous n’avons rien à perdre sinon nos chaînes !”, “Je n’ai pas voté pour les marchés ni pour le FMI”, “Je recherche mes droits, quelqu’un les a vus ?”.

Les slogans, les refrains et pancartes qui se virent hier dans les centaines de manifestations qui eurent lieu dans le monde entier, étaient aussi variés que les personnes qui les portaient ou criaient, mais toutes avaient quelque chose en commun : ils reflétaient l’indignation de millions de personnes face aux injustices d’un système néolibéral où les marchés financiers, le FMI, la Banque Centrale Européenne, la Banque Mondiale, la grande banque, les grandes multinationales, les grands spéculateurs et les agences de qualification de risque, conditionnent à leur guise la vie des citoyens. Avec la complicité, bien sûr, de tant de gouvernements et dirigeants politiques de service, qui s’agenouillent devant eux.

“Les pouvoirs établis agissent au bénéfice de quelques-uns, n’écoutant pas la volonté de la grande majorité, sans que leur importent les coûts humains ou écologiques que nous devons payer. Il faut mettre fin à cette intolérable situation”. C’est l’un des passages du manifeste que grâce à la fluidité des réseaux sociaux qu’ élaborèrent conjointement pour la journée d’hier les différentes parties de ce grand réseau contestataire et potentiellement anticapitaliste.

Un des lieux où l’on travailla sur ce document – traduit en 18 langues et accessible sur http://15october.net – fut Bruxelles. Durant une semaine convergèrent dans la capitale de Belgique et siège de l’Union Européenne et de l’OTAN, des centaines d’indignés, qui en dépit de souffrir de la répression policière, arrivèrent à pied depuis Madrid, Barcelone et Toulouse, parcourant jusqu’à 1.200 kilomètres.

C’est un des phénomènes de ce mouvement. Sans moyens, sans appuis institutionnels-au contraire, harcelés par les pouvoirs publics-des milliers de jeunes et de moins jeunes réussirent à se mobiliser, à traverser les frontières virtuelles et physiques pour se réunir, pour échanger des expériences, pour lancer des initiatives communes, d’une manière que jusqu’à maintenant n’ont pas même réussi les puissantes confédérations syndicales, avec tant de ressources à leur portée…mais si domestiquées, si bureaucratisées.

La gauche traditionnelle européenne traditionnelle elle-même s’est trouvée débordée, et de fait, remise en question par tout ce courant alternatif, sans parvenir à comprendre comment un mouvement d’assemblée comme celui-là est capable de supprimer et surmonter les querelles internes pour adopter des documents et activités collectives, quelque chose qu’eux sont incapables de faire. Après la méfiance initiale, de nombreux partis ont tenté de capitaliser politiquement toute cette protestation, mais tant le 15-M espagnol que les différents mouvements similaires sont conscients qu’un de ses capitaux principaux et différenciateurs est précisément son indépendance.

Ne pas pouvoir, du moins maintenant, peser d’une manière plus décisive sur le scénario politique, surtout en situation préélectorale comme c’est le cas en Espagne, représente pour une part une limitation, mais d’un autre côté lui permet de se solidifier et de s’étendre.

Bien que le 15-M espagnol, comme d’autres mouvements similaires dans d’autres pays, n’est pas né de rien, mais est la conjonction de luttes menées durant des années par des milliers d’activistes dans des fronts très variés, auxquels se sont joints dans les derniers mois de nombreuses personnes, il n’en est pas moins un phénomène nouveau, qui nécessite son temps pour mûrir.

Depuis qu’a éclaté en 2008 aux Etats-Unis l’actuelle crise du système financier capitaliste, se propageant dans toutes les économies européennes liées-avec des répercussions mineures en Amérique latine et dans les autres zones du monde-les gouvernements de ces pays développés ont justifié les très dures réductions des droits sociaux et du travail qu’ils ont imposé, par la nécessité de “calmer les marchés”.

Les marchés financiers, les grands investisseurs internationaux, les grands spéculateurs, se sont transformés toujours plus comme les maîtres de la situation. Phénomènes que le citoyen n’a pas choisi, ont de fait conditionné la politique économique, du travail et sociale de gouvernements supposés souverains.

La protestation du 15-O rejette frontalement cette logique, qui n’a amené que chômage et pauvreté. C’est une remise en question du système économique, du système politique, des grands syndicats ; il s’agit d’une autre manière de faire de la politique, d’une autre forme de participation citoyenne, d’un rejet du pouvoir monopoliste des moyens de communication, d’une autre justice, le germe de quelque chose de nouveau. De là que le phénomène des indignés s’est transformé pour tant de personnes en une espérance qu’il est bien possible de changer les choses, qu’un autre monde est possible.

Roberto Montoya

Source : http://sur.elargentino.com/notas/15-o-primera-protesta-globa…

Traduit de l’espagnol par GJ

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