On avance, on recule pas

Les évènements très malheureux au Métropolis hier ont apportés leur lot d’émotions confuses en plus de jeter une voile sombre sur ce qui devait tout de même être un dénouement heureux suite à la double annonce des défaites de Jean Charest. Tout en réaffirmant notre soutien aux familles des victimes, il convient de redire qu’une fusillade à Montréal pose une fois de plus la question de la disponibilité des armes à feu et rend encore plus nécessaire le rapatriement des informations québécoises contenues dans le défunt Registre canadien des armes à feu que Stephen Harper cherche désespérément à détruire. Pauline Marois devra faire une priorité de cette question.

Pour revenir plus directement aux résultats électoraux, il convient surtout de rappeler que les plus importantes victoires à célébrer ici sont celles des mouvements étudiant et social qui ont clairement indiqué la porte au projet conservateur de Jean Charest.

Victoire étudiante

En juin dernier, je signais un article intitulé « La rebelle province » où j’insistais sur cette première victoire du mouvement étudiant qui, au prix d’une lutte historique et magnifique, a repoussé la stratégie électorale libérale dans les cordages. Faut-il le rappeler, Jean Charest, cynique et machiavélique, visait une élection au printemps sur le thème de la loi et l’ordre à l’encontre d’une jeunesse « irresponsable » refusant de payer sa « juste part ». La ténacité étudiante l’aura forcé à reporter la campagne électorale à la limite acceptable pour lui (tout juste avant le début de la Commission Charbonneau). Au final, la « peur de la rue » n’aura pas été un élément déterminant dans cette manœuvre de la dernière chance.

La défaire libérale d’hier s’inscrit donc en continuité avec la grève étudiante et le Parti québécois devra réaliser sa promesse d’abroger la hausse et d’intégrer les étudiants dans la mise en œuvre d’une nouvelle vision de l’éducation. Certains diront que l’histoire n’est pas terminée ; mais en termes simples, le mouvement étudiant inscrit ici une victoire historique ! Il faudra le dire et le redire !


Victoire du mouvement social

Depuis mars, d’un 22 du mois à l’autre, ce printemps érable aura déployé ses ailes pour intégrer des enjeux sociaux et sociétaux beaucoup plus vastes que la question originale des droits de scolarité. Avec notamment les questions environnementales et de la gestion du bien commun (22 avril) ou encore avec la plus grande désobéissance civile de l’histoire du pays (le 22 mai contre la loi 78 devenue 12), il est manifeste que notre printemps érable exprimait une requête inédite, celle d’un nouveau contrat social.

Pour nier ce fait, certains allègueront qu’une partie non négligeable des québécois ont tout de même choisi le PLQ ou encore les réformistes conservateurs de François Legault. L’intoxication médiatique y est sûrement pour beaucoup. Mais quoi que la propagande de Québécor et Gesca inventera, personne de pourra nier que pour la toute première fois dans l’histoire du Québec, les mouvements sociaux ont largement contribué à « faire tomber » un gouvernement parce qu’il refusait d’écouter sa population. Point ! Il faut le crier très fort. Il faut le célébrer !

Car dans les prochains mois ou années, d’autres gouvernements domestiqués aux dictats des Paul Desmarais de ce monde seront tentés de fermer les yeux devant des requêtes populaires.., mais il est fort à parier qu’ils y repenseront deux fois plutôt qu’une.

Les victoires de demain

Malgré ce que certains ont qualifiés à tord d’accalmie du mouvement, le Québec de demain n’est plus celui qu’il était avant 2012. Nous sommes bien loin d’avoir recueillis tout ce qui fut semé dans les derniers mois. En plus de suivre les faits et gestes des nouveaux élus, toute cette jeunesse marquée au fer d’une lutte opiniâtre et victorieuse ambitionnera d’investir d’autres lieux de changements. Le mouvement social ouvrira grande ses portes de même que plusieurs formations politiques. Mais il est clair que ces dernières devront aussi ouvrir leurs esprits et leurs programmes.

Et de par sa constance à défendre les mouvements et les luttes sociales, de tous les partis, Québec solidaire pourrait bien être celui qui répondra la plus aux attentes de cette jeunesse. Déjà QS a vu grimper significativement le nombre de votes (avec en plus une plus grande proportion de votant-es) et doubler sa députation. Avec un tel soutien et un tel apport, quels espoirs ne sont pas permis pour Québec solidaire aux prochaines élections ?

De Québec à Ottawa !

Malgré tout, il faut aussi dire que notre acharnement contre les politiques de Jean Charest nous aura aussi coûté le prix fort. Pendant les derniers mois, le gouvernement réformiste et conservateur de Stephen Harper a mis de l’avant des politiques inacceptables sur des questions qui nous sont pourtant chères. Nous n’avons qu’à penser à la loi 38 est ses attaques claires contre les groupes environnementaux ou encore les droits des réfugiés. La liste ici mérite à celle seule plusieurs textes !!

Mais comme Jean Charest, Stephen Harper ne doit son poste qu’à une minorité d’électeurs. Et comme lui aussi, ses politiques cyniques ne sont mises en œuvre que parce que la majorité de la population laisse faire. Mais nous l’avons vu, la mobilisation populaire est possible et avec elle, des gouvernements tombent ! Après la victoire du Québec, nous avons rendez-vous avec Ottawa.

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