À propos de ce numéro
Depuis le petit livre publié par Serge Latouche en 2004 sous le titre Survivre au développement. De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative (édité chez Mille et une nuits à Paris), le « développement durable » ou aujourd’hui la « croissance verte » ne permettront, dans le meilleur des cas, que de « polluer moins pour polluer plus longtemps ». cette croissance est synonyme d’injustices entre humains et de soumission à une mégamachine technocapitaliste de plus en plus aliénante.
La question est de savoir si cette décroissance sera subie, conséquence brutale et incontrôlable du dépassement des limites biophysiques de la planète, ou si elle sera choisie et assumée collectivement, dans le but d’éviter aux humains, en particulier aux plus démuniEs d’entre eux, les effets désastreux d’un tel dépassement.
Lisez quelques extraits de ce numéro ci-dessous.
Les paradoxes de la décroissance
Par Gilbert Rist
La décroissance » ? Une utopie ! Une posture antimoderne d’enfants gâtés ! Un scénario que l’on craint plutôt qu’on ne l’espère ! Les sarcasmes que récoltent les propos des « objecteurs de croissance » sont constants, car ce que l’on attend avec impatience, c’est la croissance (ou son retour) qui, comme chacun devrait le savoir, est censée résoudre tous les problèmes que posent le chômage, la sécurité sociale ou la dette publique. Or, il convient d’ancrer la réflexion dans les pratiques sociales et de reconnaître d’abord que les manifestations de la décroissance réelle sont désormais généralisées.
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Décroissance, écosocialisme et articulation stratégique
Par Jonathan Durand-Folco
La logique interstitielle de la décroissance ne saurait se généraliser sans une lutte simultanée pour des réformes radicales sur le plan institutionnel pour appuyer de nouveaux espaces d’expérimentation, ce qui nécessite un projet politique capable de réunir les mouvements sociaux et une large partie de la population. L’écosocialisme intervient ici comme le moyen terme, le régime de transition plus ou moins turbulent, la rupture démocratique qui doit opérer le passage entre le modèle autoritaire du néolibéralisme extractiviste et la société conviviale. À moins d’un scénario insurrectionnel, lequel n’a pas encore réussi à fonder un autre type de société, la remise en question de la propriété privée, la transition énergétique et la sortie de l’austérité ne peuvent faire l’économie d’une conquête démocratique du pouvoir politique par la gauche radicale.
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La décroissance n’est pas une réalité virtuelle
Par Maude Prud’homme
Le mouvement de décroissance pourrait se porter à la défense de celles et ceux qui sont réduits à des opposantes et à des opposants. Il pourrait affirmer cette conjugaison du pour et du contre dans la défense des conditions nécessaires pour que des choix réjouissants soient encore possibles. Nous nous rejoignons déjà dans les intentions, à travers des amitiés, mais pas tellement en tant que mouvements à mon humble connaissance. Les démarches de transition et de décroissance sont nécessaires, mais contextuellement insuffisantes. Pour que les « alternatives » et les « résistances » soient effectivement les facettes d’un vaste tout, nous devrons apprivoiser nos profondeurs respectives, nos radicalités, et agir en conséquence : les valeurs qui sont associées à ce type de processus, de réorganisation à la fois offensive et de construction, sont déterminantes. Et si on partageait réellement des espaces et du temps judicieusement choisis dans des lieux qui freinent effectivement le cours des choses, qui agressent nos vies et nos idéaux ?
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