AccueilX - ArchivesInternationale / Mondialisation / Rapports Nord-SudUne unanimité qui contraste avec les élections

Une unanimité qui contraste avec les élections

Les élections fédérales déclenchées, les partis se disputent les votes de la population québécoise et canadienne. Les procès d’intentions fusent, les discours se font virulent. Pourtant en coulisse, les quatre partis représentés à Ottawa s’entendent comme larrons en foire pour appuyer l’intervention impérialiste en Libye.

 

Le gouvernement canadien, appuyé par les trois partis d’opposition, s’est inscrit dans l’opération internationale qui vise à ralentir ou stopper les opérations militaires du gouvernement Kadhafi en Libye sous l’inspiration de la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU.

Le ministre des Affaires extérieures Peter McKay cherche sa légitimité dans la participation canadienne dans le conflit au Kosovo : « Nous demandons à tous les partis représentés à la Chambre d’appuyer les forces canadiennes dans leur mission et de nous aider à prendre toutes les mesures nécessaires pour que cette crise puisse être réglée rapidement. […] » On sait maintenant que les conservateurs tenaient le même discours pour l’Afghanistan et que l’armée canadienne s’y trouve toujours.

Le libéral Bob Rae trouve son réconfort dans la légitimité de plus en plus approuvée parmi les cercles dirigeants du principe d’intervention préventive. « La soi-disant convention de 1648, la convention de Westphalie, qui stipule que la souveraineté prime le reste, que les gouvernements nationaux sont l’objectif ultime et que la raison d’État l’emporte sur toute autre considération, n’est plus une loi adéquate. » Ainsi couvert par des principes humanistes de la protection des populations contre les dictateurs, le libéral trouve une légitimité dans l’intervention militaire dite préventive en Libye.

Le critique bloquiste en matière de relations extérieures Jean Dorion ne voit rien de mauvais dans cette intervention dans la mesure où elle est approuvée par l’ONU. « Le Bloc québécois est favorable à cette participation armée canadienne à l’intervention multilatérale en Libye. Nous appuyons les militaires qui sont appelés à y participer. C’est une opération parfaitement légitime puisqu’elle est faite dans un cadre multilatéral et qu’elle vise à protéger les populations civiles », a t-il déclaré lorsqu’interrogé sur la contradiction entre le pacifisme de la population québécoise et l’appui de son parti à l’intervention.

Le NPD enfin ajoute une touche d’aide humanitaire dans sa position : « Le 26 février, nous avons accueilli favorablement les sanctions imposées au régime Kadhafi, mais nous étions aussi très inquiets – et nous le sommes toujours – au sujet de l’inaction du gouvernement du Canada en matière d’évacuation et d’aide humanitaire. Au cours du débat sur cette motion, nous devons nous rappeler qu’il ne s’agit pas simplement d’un engagement militaire. Nous croyons qu’une aide humanitaire doit aussi être apportée. Nous exigerons du gouvernement qu’il rende des compte sur le respect des points suivants : la mission n’a pas pour but de déployer des troupes terrestres, mais d’aider à faire respecter la zone d’exclusion aérienne, et le gouvernement ne doit pas envisager le déploiement terrestre de troupes. Une disposition porte sur les efforts humanitaires et de secours, ce qui a été mentionné et qui va de soi, comme on peut le comprendre. »

Pourquoi la Libye ?

Outre les questions qu’une telle décision soulève, pourquoi en Libye et non pas au Sri Lanka, en Palestine ou au Pakistan, cette unanimité montre qu’au-delà des confrontations électorales, les 4 partis présents à Ottawa se rangent tous derrière la stratégie impérialiste qui consiste à se positionner favorablement pour les lendemains de la crise libyenne. Pétrole et ressources naturelles à la ligne…

Pourquoi les gouvernements qui se prétendent sensibles aux souffrances du peuple libyen se découvrent-il des sentiments humanitaires aujourd’hui après avoir louangé le tournant dans l’appui à Kadhafi dans les années 90. Autrefois considéré comme le plus voyou des voyous. Le dirigeant libyen s’était trouvé une niche de respectabilité auprès des grands de ce monde au cours des récentes années. Il fut reçu avec panache par la plupart des dirigeants qui veulent aujourd’hui sa tête. Même ses voisins de la Ligue arabe ont timidement appuyé l’intervention, non sans procéder dans leur propre cours à la répression des mouvements démocratiques. Pensons à l’Arabie Saoudite qui déploie des troupes au Bahreïn pour écraser l’opposition.

Une des pires atrocités se déroule actuellement au Yemen là où le régime en place réprime dans le sang les manifestations. Y aura t-il intervention de la coalition dans ce pays ? Bien sûr que non. Les régimes de la péninsule du Golfe et les ressources naturelles sur lesquelles ils sont assis sont trop importants pour heurter leur susceptibilités. Sans parler de leur rôle de chiens de garde des intérêts impérialistes dans la région. Peut-on ajouter qu’Israël s’est aussi démarqué par ses multiples affronts à toutes les résolutions de l’ONU qui concernent la Palestine et les droits de la personne sans que personne de cette coalition ne lève le petit doigt.

N’y aurait-il pas eu lieu d’utiliser des moyens comme le gel des avoirs à l’étranger pour faire pression sur Kadhafi plutôt que la solution militaire ? Cette dernière a démontré son caractère absurde en Afghanistan et en Irak où le sort des populations locales et le développement d’institutions démocratiques ne semblent pas peser lourd dans les décisions des occupants. Or, geler les avoirs de Kadhafi peut devenir un précédent qui peut rapidement se retourner contre plusieurs des participants à cette coalition. De plus, c’est agir contre le sacro-saint principe du secret bancaire. On comprend le peu d’empressement des gouvernements à aller en ce sens même si cette hypothèse a été évoquée.

Des fissures commencent à apparaître dans le bel édifice de cette nouvelle agression qui vise à passer par dessus la tête du peuple et d’imposer une solution qui conviendra aux puissants de ce monde. La Turquie met des réserves sur l’intervention. La Ligue arabe appuie du bout des lèvres et sans enthousiasme. Les peuples mobilisés dans la région dénoncent cette intervention militaire.

Il apparaît que le peuple libyen ne peut compter que sur ses propres forces de mobilisation et d’auto-défense ainsi que sur la solidarité internationale pour vaincre à la fois le dictateur Kadhafi et les vautours qui tournent autour afin de s’approprier le butin.


 

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