mardi 25 mai 2010, par Claude Vaillancourt
La sortie du film Robin des Bois, avec Russel Crowe, nous ramène à l’esprit l’existence de ce sympathique héros qui prenait aux riches pour donner aux pauvres. L’histoire de Robin des Bois semble particulièrement bien convenir aujourd’hui, alors que les écarts entre les riches et les pauvres ne cessent de s’accentuer. Plus personne n’envisage la violence, comme aux temps médiévaux, pour régler un pareil problème. L’une des solutions viendrait plutôt d’une idée simple comme l’œuf de Christophe Colomb : une taxe sur les transactions financières.
Cette taxe, que l’on appelle désormais taxe Robin des Bois, consiste à prélever un montant très peu élevé sur toutes les transactions financières, qu’elles soient achat d’actions, titres, obligations, produits dérivés, transactions sur le marché des changes. Ainsi, une taxe de 0,05% à 0,1% pourrait aisément rapporter entre 400 et 900 milliards $ par année. Plus personne aujourd’hui n’ose sérieusement contester la faisabilité de cette taxe, toutes les transactions financières étant comptabilisées sur des plates-formes électroniques. Même le Fonds monétaire international (FMI), peu sympathique à ce genre de mesure, prétend que cette taxe est tout à fait envisageable d’un point de vue technique. Il ne reste plus qu’à convaincre les chefs d’États de la nécessité d’une pareille mesure, qui sera d’ailleurs débattue au prochain G20.
Bien comprendre cette taxe
La taxe Robin des Bois soulève des débats qui montrent souvent que les fondements de ce projet ne sont pas bien compris. On la confond avec les prélèvements bancaires (en anglais, bank levies), qui consistent à utiliser ce type de taxe afin que les banques puissent créer un fonds pour les protéger des futures crises financières. Ce qui détourne nettement un projet beaucoup plus ambitieux. Ces prélèvements donneraient aux banques une forme d’assurance qui leur permettrait de spéculer davantage, avec des risques moindres pour elles, mais pas nécessairement pour les populations qui pâtiraient encore des fluctuations de l’économie. Plusieurs prétendent que cette taxe ne serait pas efficace parce que les banques feraient payer à leurs clients les montants soutirés. Au contraire, la taxe Robin de Bois ne coûtera rien à l’ensemble de la population. D’abord parce que son montant est si peu élevé qu’il sera toujours très léger à payer. L’efficacité de cette taxe homéopathique ne vient pas de son taux, mais bien de la quantité phénoménale de transactions financières qui peuvent se faire en l’espace de quelques heures seulement. De plus, cette taxe touche essentiellement les spéculateurs qui n’ont rien à nous vendre, qui accumulent des profits gigantesques, à l’abri des mécanismes de redistribution de la richesse. Les banques ne perdront rien avec cette taxe, elles n’auront donc aucune raison d’augmenter leurs frais de services. Les investisseurs à long terme, les plus bénéfiques pour l’économie productive, ne seront pas non plus affectés par des montants si bas. Par contre, les spéculateurs qui font plusieurs transactions par jour, qui déplacent des montants fabuleux de façon hystérique, aux dépens de la stabilité économique d’un pays, comme on le voit en Grèce et en Europe en ce moment, pourront être ralentis, puisque la taxe devient plus lourde lorsqu’elle est appliquée à répétition.
Ne nous privons pas d’une bonne idée
D’autres prétendent que cette taxe est une mauvaise idée tout simplement parce qu’elle est une taxe. Selon eux, toutes les mesures redistributives sont mauvaises pour le marché. Penser ainsi nous replonge dans un monde sauvage où personne ne voudrait habiter. La taxe Robin de Bois nous prouve qu’il est possible d’envisager une fiscalité imaginative, qui offre un mécanisme efficace de distribution de la richesse, sans nuire au dynamisme de l’économie. Soulignons enfin que cette taxe n’a pas à se retrouver partout dans le monde pour être mise en place. Des applications locales de ce type de taxe ont donné d’excellents résultats : la taxe sur les billets d’avion en France, par exemple, ou le « droit de timbre » britannique, qui prélève 0,5% sur les achats d’actions d’entreprises britanniques. Il est important de rappeler que les revenus de la taxe Robin de Bois ne devraient pas revenir aux banques mais bien aux populations et qu’ils devront être gérés publiquement et démocratiquement. Cette taxe pourrait permettre d’offrir des soins de santé et une éducation de qualité, de réduire le poids de la dette dans tous les pays, de libérer en somme les populations du joug de la finance, qui intervient trop aisément dans la vie de tous. Ce projet a obtenu divers appuis, de chefs d’États tels Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, d’hommes d’affaires tels George Soros et Warren Buffet, d’économistes tels Joseph Stiglitz et Paul Krugman, d’artistes tels le cinéaste Mike Newell, l’acteur Ben Kingsley et Russel Crowe lui-même. Il est surtout soutenu par de très nombreux citoyens et organisations de citoyens qui voient dans cette mesure une forme d’espoir et un bon point de départ pour la résolution de nombreuses injustices. Il est gênant en ce sens de constater l’opposition systématique et radicale à cette taxe du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Aujourd’hui, Robin du Bois n’a plus l’allure d’un justicier avec un arc et des flèches, mais d’une simple taxe qui, si elle est appliquée comme tant de gens le souhaitent, pourrait changer la face du monde.
Claude Vaillancourt Coprésident de l’Association pour la taxe sur les transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC-Québec)