Un pur capitalisme [de Michel Husson]

Ce nouvel ouvrage de Michel Husson, publié par les Editions Page deux (Lausanne, Suisse) [1], est ordonné autour d’une thèse: le capitalisme contemporain tend vers un fonctionnement pur, en se débarrassant progressivement de toutes les «rigidités» qui pouvaient le réguler. Le capitalisme néolibéral jette donc par-dessus bord les régulations indispensables à sa survie dans la phase antérieure ou bien qui lui avaient été imposées par les luttes sociales.

Par Henri Wilno

Une tendance essentielle marque la période: la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée (c’est-à-dire la hausse du taux d’exploitation), ceci dans un contexte de mondialisation où le capital met en concurrence les forces de travail au niveau mondial. Par ailleurs, s’approfondissent le déséquilibre des Etats-Unis et leur besoin d’un afflux soutenu de capitaux extérieurs, notamment asiatiques (Chine, Japon). Le paradoxe de cette situation est que plus le capitalisme réussit à remodeler le monde à sa convenance, plus ses contradictions se durcissent.

Concluant ces développements, l’auteur souligne que la question essentielle est de savoir si l’instabilité actuelle va se dénouer selon l’axe des conflits intercapitalistes ou celui des affrontements sociaux.

Parmi les autres développements de l’ouvrage, on notera tout particulièrement, ceux qui renvoient à des débats qui ont pu surgir dans une certaine aire «alternative».

Il s’agit d’abord des thèses sur le «capitalisme cognitif» qui prétendent que le capitalisme est entré dans une phase totalement nouvelle, de celles sur la fin du travail. De plus, est abordée et critiquée la thèse des positions qui présentent la revendication d’un revenu universel comme la voie à privilégier dans un processus d’émancipation.

À tous ces constructeurs de systèmes, Michel Husson répond qu’il ne peut y avoir d’émancipation sociale sans libération du travail. La libération sociale ne peut s’accomplir en désertant le terrain de l’entreprise, au sens large.

Dans d’autres développements essentiels de son livre, Michel Huson s’attache à définir un programme de transformation sociale fondé sur deux axes essentiels: la réduction du temps de travail et une autre répartition des revenus s’attaquant aux revenus financiers et favorisant salaires et des minima sociaux.

Il en démontre la viabilité économique, mais souligne que le problème essentiel est la viabilité politique: tout programme de transformation sociale se heurtera à une mobilisation résolue des possédants et dominants.

Cela ne pourra être évité par aucun tour de passe passe ou astuce de présentation: il convient de s’y préparer et d’avoir clairement dans l’esprit que la viabilité réelle du programme dépend de la mobilisation sociale que ceux et celles qui le défendent seront aptes à créer et à maintenir dans la durée. Et dans le cours même de l’approfondissement du processus, on devra passer de mesures radicalement antilibérales à des mesures anticapitalistes qui s’attaqueront à la propriété privée.

D’autres chapitres du livre sont consacrés à une polémique argumentée avec les économistes académiques qui mettent prétentions scientifiques et sophistication mathématique au service des dominants.

Un dernier chapitre synthétise de manière brillante l’actualité de la pensée de Marx pour la compréhension du capitalisme contemporain.

La postface, ironiquement intitulée: «2008, l’année Jérôme Kerviel» – le trader de la Société générale – se conclut par une affirmation à laquelle nous ne pouvons que souscrire: la nécessité d’opposer à ce «pur capitalisme» un «pur anticapitalisme» proportionné aux menaces qu’il fait peser sur le bien-être de l’humanité.

D’aucuns pourraient discuter telle ou telle formulation, mais Michel Husson est bien un économiste «qui ne renie rien», pour reprendre une notation dans un article récent du «Nouvel Observateur».

1. Cet ouvrage peut-être commandé à la librairie La Brèche (Paris) et est distribué en France par Vilo (Paris) et en Suisse par Albert Le Grand (Fribourg). Voir aussi la présentation du livre de Michel Husson dans le catalogue des éditions Page deux .


Source : Revue politique virtuelle


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