AccueilX - ArchivesGauche / Mouvements sociaux« Trou Story » ou la vérité sur les luttes syndicales dans...

« Trou Story » ou la vérité sur les luttes syndicales dans le secteur minier

Tous ceux et celles qui ont vu le film de Richard Desjardins « Trou Story » auront été à même de constater à quel point les entreprises minières ont, à une certaine époque, exploité les travailleurs et les municipalités d’accueil de ces projets miniers. Il nous est possible également de constater à quel point les conditions de travail des mineurs et les conditions de vie des habitants de ces municipalités d’accueil étaient pour le moins exécrables. Pendant ce temps, les entreprises s’en mettaient plein les poches avec la complicité des gouvernements ! Il aura fallu le courage et la détermination de quelques mineurs pour que s’initie, contre vents et marées, une lutte syndicale qui, à terme, aura permis aux travailleurs d’améliorer leurs conditions de travail et d’influer sur les conditions de vie des habitants de ces municipalités et sur les municipalités elles-mêmes.

Peut-on faire des parallèles avec la situation actuelle ?

Bien sûr, nous pouvons affirmer que les choses ont grandement changé et que les luttes du passé permettent à tous les travailleurs et travailleuses de bénéficier de bien meilleures conditions de travail. Cependant, personne n’a fait de cadeaux aux travailleurs des mines en Ontario, non plus à ceux du Nord-Ouest québécois. Le syndicat des Métallos (FTQ), qui a vu à la préparation syndicale des travailleurs et qui les a soutenus dans leur lutte, aura été la pierre angulaire des changements importants survenus dans les conditions de vie des travailleurs de ce secteur et dans celles des habitants de ces régions.

Sans la présence syndicale, il est clair que les compagnies minières ne seraient pas plus enclines que celles qui figurent dans le film à socialiser le fruit de durs labeurs de ces travailleurs, qui, reconnaissons-le, travaillent toujours dans des conditions comportant des risques pour la santé et la sécurité, et ce malgré le fait que leurs conditions se soient nettement améliorées. Toutefois, il importe de mentionner que, selon les statistiques recueillies en 2010, il y aurait davantage de risques dans les mines non syndiquées puisque la quasi-totalité des accidents mortels sont survenus dans des mines non syndiquées. Comme quoi les avantages salariaux consentis par les entreprises, comme moyen pour freiner la syndicalisation, sont bien loin de régler tous les problèmes, les travailleurs non syndiqués sont davantage exposés aux risques.

Certaines entreprises se sont dites offensées par ce film, affirmant que Richard Desjardins avait omis de mentionner que la situation actuelle était toute autre. Bien sûr, beaucoup d’aspects ont changé, mais reste-t-il des choses à faire? Certainement. Ceux qui ont été offusqués par le film n’ont qu’à lire le rapport du vérificateur général sur le secteur minier : ils pourront constater d’où Richard Desjardins a tiré ses statistiques et comprendront les craintes et la méfiance d’une partie de la population envers cette industrie.

Il est important de reconnaître l’apport économique du secteur minier pour la région et pour le Québec tout entier. Heureusement que cette industrie se porte bien actuellement, sans quoi la région aurait été pratiquement désertée par une partie de la population, le secteur forestier étant lui-même en crise depuis trop longtemps.

La suite des choses ou du film appartient au gouvernement du Québec et aux entreprises minières

Une fois que nous avons reconnu l’importance du secteur minier pour la région et pour le Québec, il n’en demeure pas moins que c’est au gouvernement du Québec qu’il revient d’agir davantage comme le protecteur du bien collectif en mettant en place une loi sur les mines modernes qui réponde aux besoins de la population, permettant une meilleure exploitation de nos ressources minières. Certains irritants soulevés dans le film concernent d’une part les conflits d’usage, et d’autre part la primauté des droits des uns sur les autres. De plus, des mesures doivent être prises pour s’assurer que plus jamais nous n’ayons à payer pour prendre soin des sites abandonnés par des entreprises sans scrupule, qui sont parties avec les capitaux en laissant derrière elles leurs déchets environnementaux. Le déficit de crédibilité dont souffrent les entreprises en ce moment est dû à leurs pairs qui ont laissé le Québec et les Québécois avec des factures au lieu de redevances.

Le gouvernement doit aussi trouver une solution pour s’assurer que tous les Québécois et Québécoises bénéficient davantage de l’exploitation des ressources naturelles, mais surtout pour que ceux et celles qui vivent en région et près des sites soient les premiers à bénéficier des retombées économiques de ces exploitations et les premiers consultés sur les projets. L’autre défi consiste à trouver un équilibre entre l’environnement et le développement de l’économie sur une perspective à long terme plutôt qu’à court terme, c’est ce que souhaite une grande partie de la population de la région. Maximiser les retombées, c’est aussi maximiser la transformation des produits extraits du sous-sol.

Saluer l’apport du mouvement syndical dans l’amélioration des conditions de vie aujourd’hui comme hier

Quoi qu’il en soit, en tant que syndicaliste, je suis fier de l’hommage bien mérité rendu aux travailleurs et aux luttes syndicales. Il serait erroné de croire qu’aujourd’hui, les luttes syndicales sont dépassées, et rien ne serait plus faux que de prétendre que tout ce que nous possédons nous est acquis. Le progrès que nous sommes en mesure de constater est aussi fragile qu’à l’époque. Il existe encore et toujours des politiciens de droite et des entreprises qui refusent de socialiser les profits, et qui font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les travailleurs de se prévaloir de droits pourtant reconnus, soit le droit d’association et de la libre négociation. Le discours antisyndical, tout aussi présent qu’au début du siècle dernier, nous oblige tous à continuer la lutte, sans quoi nous constaterons rapidement l’avidité des entreprises et des gouvernements en place qui se sont trop souvent faits complices de cette voracité.

Aujourd’hui comme hier, au Québec comme ailleurs, le mouvement syndical a joué et continue de jouer un rôle qui va bien au-delà de négocier des conventions collectives : c’est sans doute ce qui fait du mouvement la cible favorite de ceux qui, tout comme autrefois, souhaiteraient s’accaparer pour eux seuls la richesse collective.

Gilles Chapadeau
Conseiller régional FTQ pour l’Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec

16 novembre 2011

Articles récents de la revue

L’Université ouvrière de Montréal et le féminisme révolutionnaire

L’Université ouvrière (UO) est fondée à Montréal en 1925, sous l’impulsion du militant Albert Saint-Martin (1865-1947). Prenant ses distances avec la IIIe Internationale communiste, l’Université...