Alors que la saison des impôts bat son plein, un questionnement légitime se pose aux citoyens qui font le point sur cet outil de justice sociale. Est-ce que la seule avenue qui s’offre à nous est de nous rebeller contre cette ponction qui est faite sur notre revenu, tel que le martèlent certains politiciens, économistes ou éditorialistes? N’y a-t-il pas une autre vision possible de la chose?
Bien que les impôts ne répondent que partiellement à la revendication de justice fiscale, ils sont l’expression du contrat social qui s’est établi entre le capital et le travail sous la médiation de l’État.
Toutefois, les détenteurs de la richesse ont à leur disposition maintes possibilités de se soustraire à leurs obligations fiscales. Ainsi, « depuis le milieu des années 1980, les riches et les entreprises importantes investissent très peu dans l’économie réelle, se servant des sommes non payées en impôts pour racheter des entreprises déjà existantes, pour spéculer sur les taux de change et d’intérêts, quand ce n’est pas pour simplement virer des fortunes dans les paradis fiscaux ».
Pour endiguer ce phénomène, deux campagnes politiques en cours donnent un éclairage quant aux possibilités de faire autrement. Ainsi, la Coalition contre la privatisation et la tarification des services publics indique qu’il est possible de renflouer les coffres de l’État de manière substantielle tel que l’avance leur campagne 10 milliards de $ de solutions, nous avons les moyens de faire autrement. L’une des avenues proposées est d’augmenter à dix le nombre de paliers d’imposition pour permettre une plus grande justice fiscale. Cette revendication est l’une des mesures qui permettraient à la fois d’augmenter les rentrées de l’État et de diminuer les inégalités de revenus. Cette approche remet en question celle du gouvernement qui, tant au fédéral qu’au provincial, diminue depuis plus de dix ans les impôts des grandes fortunes et des entreprises.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux a une approche complémentaire à cette recherche de justice fiscale, en s’attaquant aux fuites fiscales qui permettent à de nombreux biens nantis, entreprises et institutions financières de transférer leurs avoirs dans des paradis fiscaux en toute légalité. En 2011, 130 milliards de dollars canadiens se trouvaient investis dans les paradis fiscaux. Ces fonds ne sont pas seulement cumulés au fil des années; ils circulent déguisés en « investissements directs à l’étranger » strictement aux fins de l’évitement fiscal, afin d’être transférés de nouveau au Canada, ou ailleurs, par la suite.
La fiscalité qui implique l’imposition des biens et revenus de l’ensemble des composantes de la société découle de choix politiques. C’est l’un des principaux outils de l’État lui permettant d’aplanir les inégalités afin de garantir le mieux-être de la collectivité. Cette fonction de l’État s’est altérée lorsqu’il a pris modèle sur les mécanismes du marché pour redéfinir l’impartition des coûts des services publics. Le « fardeau fiscal » est l’expression employée qui permet de convaincre bon nombre de citoyens qu’ils paient trop d’impôts et de légitimer les baisses d’impôts des particuliers et des entreprises.
Cette nécessaire fiscalité doit retrouver ses lettres de noblesse. Toute richesse créée est redevable d’une organisation collective. Les services publics et les programmes sociaux qui ont été mis en place au cours des cinquante dernières années permettent que les inégalités sociales soient atténuées. Leur financement requiert que des impôts soient prélevés à la source lorsque la richesse est créée, et ce, avant que des sommes ne soient transférées dans les paradis fiscaux, et que cette fiscalité soit progressive.
Y a-t-il trop d’impôts? Non si tous contribuent au trésor public. Cela adviendra lorsque l’opposition aux paradis fiscaux adviendra.
Réseau justice fiscale, 1 avril 2014